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Vente d'objets nazis, la commissaire-priseur plaide coupable

La carte d'identité de Hermann Goering. DR

ENCHÈRES - Des effets personnels d'Adolf Hitler et d'Hermann Goering devaient être dispersés le 26 avril, à Paris. Face à l'indignation des associations juives de France, ils ont été retirés de cette vacation.

Au téléphone, son souffle est court. La jeune commissaire-priseur Laudine de Pas, 27 ans, est «bouleversée». Non pas pour avoir finalement annulé la vente des passeports d'Adolf Hitler et d'Hermann Goering, une serviette de bains aux initiales du Fürher et d'autres objets nazis qui devaient être dispersés, sous son marteau, le 26 avril, à Paris.

Mais parce qu'elle vient de comprendre l'indignation soulevée depuis samedi par cette vente, notamment les mots du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif), la qualifiant d'«obscène» et portant «atteinte à la mémoire des victimes de la barbarie nazie». «On se sent coupable de tout ça. C'est très dur à assumer», confie Laudine de Pas. La jeune femme avait choisi de soumettre ces objets aux enchères publiques plutôt que de les disperser en vente privée. «Nous voulions les proposer au nom du devoir de mémoire et comptions sur le droit de préemption des musées. Nous n'avons pas dû interroger les bonnes personnes», déplore la jeune commissaire.

Elle avait pris conseil auprès de Raphaël Esrail, président de l'Union des déportés d'Auschwitz, à qui une partie des bénéfices de la vente devait être reversée. La vente n'ayant pas lieu, «le Crif nous a conseillé une transaction avec le Mémorial de la Shoah ou le Musée de la 2e DB du général Leclerc». Les objets provenaient en effet de la division blindée. «Il s'agissait de prises de guerre au Berghof d'Hitler, à Berchtesgaden, le 5 mai 1945, par des combattants ayant libéré la France», précise Laudine de Pas. Le directeur juridique de la société Millon et Associés, à qui la maison Vermot de Pas loue la salle SVV, en face de Drouot, où devait se dérouler la vacation, a dit aussi son indignation. La ministre de la Culture, Aurélie Filippetti, ne s'est saisie que tardivement de cette affaire, estimant que cette décision était «nécessaire au regard de l'histoire et de la morale».

Risque de trouble à l'ordre public

Rien n'interdit pourtant ce type de vente légalement. L'expert, Yves Salmon, avait déjà organisé sans problème en novembre, en Vendée, la dispersion de quatre livres nazis récupérés aussi par un ancien de la 2e DB. Pour la vacation du 26 avril, Yves Salmon avait affirmé que le Conseil des ventes volontaires (CVV) avait donné son aval. «Vous avez le droit de mettre en vente ces objets, dès lors que les lots ne comprennent pas de texte de propagande, de croix gammée, et que vous ne les présentez pas au public», écrivait en substance le directeur juridique de l'autorité de régulation du marché, dans un message datant du 14 mars.

Le CVV a fait savoir lundi qu'il n'avait «jamais autorisé» cette vacation, mais seulement indiqué la loi. Se fondant sur le risque de trouble à l'ordre public, sa présidente, Catherine Chadelat, a déjà fait interdire la vente d'un costume de déporté, au catalogue de Colin du Bocage le 9 avril 2013, et celle d'un manuscrit des «protocoles des sages de Sion», chez Tajan le 29 novembre 2013. Guillotine, restes humains, objets nazis… Le conseil a bien l'intention de ramener les professionnels du marché à la raison.

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