Où faut-il juger Nemmouche ?
En Belgique ou en France: où l'auteur présumé de l'attentat contre le Musée juif de Belgique a-t-il intérêt à être jugé?
- Publié le 06-06-2014 à 18h01
- Mis à jour le 08-06-2014 à 12h51

Où est l'intérêt de l'auteur présumé de l'attentat contre le Musée juif de Belgique ?Même s'il nie être l'auteur de la fusillade qui a fait quatre morts (voir ci-dessous), le samedi 24 mai, dans le hall d'entrée du Musée juif de Belgique, à Bruxelles, Mehdi Nemmouche a toutes les chances de se retrouver un jour devant une cour d'assises, vu la gravité des crimes dont il est soupçonné.
Si tel devait être le cas, vaudrait-il mieux pour lui être jugé en France ou en Belgique ? Nous avons posé la question à Me Marc Preumont. Pour lui, qui a "écumé" des dizaines de procès d'assises, les modèles judiciaires et pénitentiaires belge et français sont très proches.
"Que je sache, les prisons françaises ne sont pas plus confortables que les prisons belges, et vice-versa. Les procédures pénales sont semblables, la sévérité des peines est comparable."
En France, existent des peines de sûreté, mais en Belgique, il est possible, dans certains cas, de mettre un condamné à la disposition du tribunal de l'application des peines.
Entre les deux types de cours d'assises, existe, toutefois, une différence de taille. En France, il est possible de faire appel d'une condamnation devant une cour d'assises alors que ce n'est pas le cas en Belgique.
"Cette possibilité constitue, en effet, un avantage pour l'accusé", commente Me Preumont. Qui épingle une autre nuance : en France, le jury et la cour délibèrent ensemble et d'un même mouvement au sujet de la culpabilité de l'accusé puis, si celle-ci est établie, de la peine à lui appliquer, alors qu'en Belgique ce sont les jurés, seuls, qui disent l'accusé coupable ou innocent avant qu'en compagnie de la cour ils décident d'une peine éventuelle.
"Il est toutefois impossible de dire si l'une ou l'autre formule est théoriquement plus ou moins favorable à l'accusé", indique l'avocat namurois.
L'héritage d'Action directe
Lequel pointe un élément très intéressant. "Si d'aventure, ce qui est possible mais pas certain en l'état, les crimes devaient être qualifiés de terroristes, Mehdi Memmouche serait, en France, jugé par une cour d'assises spéciale, c'est son nom officiel, composée uniquement de magistrats professionnels et non de citoyens."
Cette particularité de la procédure pénale française remonte au temps d'Action directe, dont les membres avaient menacé de représailles terribles les jurés (et leurs familles) censés les juger.
"Depuis, indique Me Preumont, les procès de ce type et ceux qui mettent en scène des trafiquants de drogue relèvent d'une cour de professionnels, dont c'est le métier de juger sans état d'âme. Le font-ils plus sévèrement qu'un jury classique ? Impossible de répondre à cette question."
Le fait que les crimes aient été commis en Belgique rendrait-il des jurés belges plus sensibles et plus sévères que des jurés français ? "Nous sommes dans le cadre d'actes terroristes et antisémites qui sont ressentis avec une même sensibilité dans les deux pays. On pourrait envisager que certains types de criminalité soient plus sévèrement considérés selon les pays et les cultures mais pas dans le cas d'espèce ", juge Me Preumont.
Critères de rattachement
Y aurait-il une logique à juger Mehdi Nemmouche plutôt en France que chez nous ? "Cela dépend des critères de rattachement", répond notre interlocuteur du jour. "De manière générale, on privilégie le lieu où les faits ont été commis, notamment pour des raisons d'enquête policière et judiciaire. Mais, dans l'affaire qui nous occupe, une des victimes est de nationalité française et cela pourrait influencer le choix des autorités."
Me Preumont rappelle, par ailleurs, qu'on a parfois hésité à confier le traitement d'un dossier à l'un ou l'autre pays. Exemple : le procès Fourniret a eu lieu à Charleville-Mezières alors que plusieurs faits avaient été commis en Belgique. "Mais il fallait bien faire un choix", explique-t-il.
Sur la possibilité pour la France d'extrader un de ses ressortissants, Me Preumont n'a pas l'ombre d'une hésitation. "Depuis que le mandat d'arrêt européen existe, c'est monnaie courante, dans les deux sens."