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Israël : la troisième intifada aura-t'elle lieu ?

STRINGER/REUTERS

FIGAROVOX/ANALYSE - L'expression «troisième intifada» est dans toutes les têtes alors que l'escalade meurtrière se poursuit en Israël. Un tel scénario est-il possible ? Frédéric Encel nous livre son analyse.


Frédéric Encel est professeur à l'ESG Management School et maître de conférences HDR à Sciences-Po Paris

Il est l'auteur d'Atlas géopolitique d'Israël (Autrement, 2013).


Figarovox: En représailles du meurtre de 3 jeunes israéliens, un jeune palestinien a été battu puis brulé par des extrémistes juifs. Ce genre d'actes de barbarie s'est-il déjà produit dans l'histoire du conflit?

Frédéric Encel: Hélas oui, même si ce fut assez rarement. Le pire acte de vengeance remonte à 1994, lorsque l'extrémiste Baruch Goldstein assassina 29 Palestiniens en prière à Hébron. Au début des années 1980, un groupe de fanatiques nationalistes et religieux avait aussi projeté de faire sauter les mosquées de l'esplanade du Mont du Temple, à Jérusalem. Heureusement, les services secrets israéliens les avaient arrêté avant. En général, police puis justice s'avèrent tout de même efficaces ; c'est de tout façon une condition sine qua non de la survie pour une authentique démocratie comme Israël.

L'activisme de l'extrême-droite israélienne est-il devenu un des principaux obstacles à la paix?

Entre autre, oui. Après tout, c'est bien un extrémiste juif qui assassina Rabin, en 1994. Cela dit, il existe aussi des extrémistes du côté palestinien, en particulier au sein du Hamas qui joue systématiquement la violence et la politique du pire, contrairement à l'Autorité palestinienne de Mahmoud Abbas. Et par ailleurs il convient d'être prudent ; les retraits israéliens successifs du Sinaï (1982) et surtout de Gaza (2005) se déroulèrent sans que les ultra nationalistes ne parviennent à les perturber ni à faire couler le sang.

Quels sont les différents visages de cette extrême-droite israélienne (politique, religieux)?

Disons qu'il existe deux branches relativement distinctes aux origines: l'une, sur le déclin depuis longtemps, est ultra nationaliste et laïque, et rappelle l'ancien général et ministre Zeevi (abattu en 2001). L'autre, plus considérable et en progression, est surtout religieuse et présente dans certaines implantations radicales de Cisjordanie. Amir, justement, même s'il ne vivait pas dans les Territoires palestiniens, appartenait à cette mouvance.

L'expression «troisième intifada» est dans toutes les têtes: l'échec du processus de paix, la faiblesse de l'Autorité palestinienne, et la surenchère des extrémistes de tous bords rendent-ils ce scénario crédible?

Trois fois oui! C'est tout cela à la fois qui pourrait provoquer un tel scénario. Pourtant, une évolution qu'on néglige trop souvent me rend prudent: la socio-économique. Depuis presque dix ans maintenant, la gouvernance de l'Autorité palestinienne (massivement soutenue par les fonds internationaux) est saluée par les chancelleries et les grandes institutions économiques, et, avec plus de 5% de croissance ces cinq dernières années, la Cisjordanie a connu un vrai changement. Or moins de de désespérance sociale signifie moins de chances de montées aux extrêmes.

Lieberman et Bennet, figures de la droite plus radicale, demandent l'éradication du Hamas de la bande de Gaza. Netanyahou, doit-il selon vous les écouter ou mettre en place une riposte plus graduée?

Cette éradication est une posture utopique. De deux choses l'une: soit Israël est prêt à payer le prix moral et humain exorbitant d'une invasion massive de Gaza, soit le Hamas y demeurera au pouvoir. Je vous laisse deviner le choix de l'Etat juif. Reste donc les ripostes en effet graduées, ciblées, via les drones et autres aéronefs. Jusqu'au prochain cessez-le feu, qui précédera un nouvel accès de fièvre... Il faut impérativement que soit relancé le processus de paix entre les deux forces légitimes de ce conflit: Israël d'une part, l'Autorité palestinienne d'autre part.


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