L'une "des meilleurs juges de Bruxelles" sur le dossier Nemmouche
L’auteur présumé de l’attentat au Musée juif a été incarcéré à Bruges et ne veut pas participer à la reconstitution. Un dossier délicat dont aura à charge la spécialiste des affaires liées au "terrorisme" Berta Bernardo-Mendez.
- Publié le 30-07-2014 à 21h13
- Mis à jour le 31-07-2014 à 09h31
Mehdi Nemmouche reste fidèle à la ligne de conduite qu’il s’est fixée depuis son arrestation le 29 mai à Marseille. Déjà devant les enquêteurs français, il avait refusé de reconnaître toute implication dans l’attentat au Musée juif de Bruxelles qui a fait quatre morts le 24 mai dernier. Il avait encore refusé de s’exprimer mardi devant les enquêteurs belges lors de son premier interrogatoire depuis son extradition. Ses avocats, Mes Sébastien Courtoy et Henri Laquay l’avaient assisté lors de cet interrogatoire, conformément à la procédure Salduz.
Hier, Mehdi Nemmouche n’a guère été plus loquace devant la juge d’instruction Berta Bernardo-Mendez, qui lui a signifié son inculpation pour assassinats dans un contexte terroriste. "Il a exercé son droit au silence car tout sort dans la presse par des enquêteurs malveillants" , motive Me Henri Laquay.
Sans surprise également, Mehdi Nemmouche a été placé sous mandat d’arrêt.
Il est incarcéré à Bruges où ses avocats, qui se sont bâti une réputation dans la défense de prévenus poursuivis pour terrorisme, l’ont rencontré longuement en vue de préparer sa défense.
Il apparaît d’ores et déjà que Mehdi Nemmouche ne veut pas collaborer à l’enquête et qu’il ne devrait pas participer à une reconstitution si un tel acte d’instruction était organisé dans un avenir proche.
Les éléments à charge de Mehdi Nemmouche ne manquent pas. Dans le sac qu’il portait lors de son arrestation à Marseille à la descente d’un autocar venu de Bruxelles, les enquêteurs avaient découvert une Kalachnikov et un pistolet, soit des armes du type de celles utilisée lors de la tuerie.
Le fusil-mitrailleur était emballé dans un drap recouvert d’inscriptions faisant référence à l’État islamique. Une casquette, similaire à celle portée par l’auteur de l’attentat, était dans la valise.
Devant les enquêteurs français, Mehdi Nemmouche avait affirmé qu’il avait volé cette Kalachnikov dans une voiture à Bruxelles. L’enquête devra déterminer si Nemmouche, qui louait une chambre à Molenbeek depuis fin mars, avait des complices ou commanditaires.
L'une "des meilleurs juges de Bruxelles" sur le dossier
Spécialiste des dossiers de terrorisme, Berta Bernardo-Mendez a interrogé Mehdi Nemmouche pour la première fois hier
C’est peut-être un de ses plus gros dossiers qui lui a été confié depuis qu’elle est devenue, il y a une dizaine d’années, juge d’instruction à Bruxelles. Berta Bernardo-Mendez est en charge du dossier de l’attentat terroriste, commis le 24 mai dernier au Musée juif de Bruxelles.
C’est elle qui a entendu Mehdi Nemmouche ce matin avant de lui signifier son mandat d’arrêt. Lors de la tuerie du musée, elle n’était pourtant pas de garde pour instruire les dossiers mis à l’instruction par le parquet de Bruxelles. Mais avec deux autres juges francophones et un néerlandophone, elle gère les dossiers de terrorisme à Bruxelles.
Son passé ne la prédestinait pourtant pas spécifiquement à cette matière. Après une licence en droit à l’ULB, elle a rejoint le cabinet d’avocats Janson/Baugniet. Elle y traitait de matières civiles. "Femme de caractère" , "dynamique" , "à poigne" , sont quelques-uns des termes les plus fréquemment employés pour la décrire. Elle jouit d’un crédit certain auprès des avocats.
Me Christophe Marchand, qui est intervenu du côté de la défense dans des dossiers qu’elle a instruits, a croisé ses pas à plusieurs reprises dans des dossiers de terrorisme islamiste ou encore dans le dossier du Secours rouge, du nom de ce groupe d’extrême gauche.
"C’est une des meilleurs juges d’instruction de Bruxelles" , dit-il sans ambages. Et de louer la force de travail de "cette femme de conviction" , véritablement impliquée, qui dirige concrètement les enquêtes dont elle a la charge. La porte de son cabinet est ouverte : elle a une oreille pour la défense, dit Me Marchand. Et de relever que la juge a la capacité de revenir sur une décision quand elle se rend compte qu’elle a pu se tromper. "C’est rare chez un magistrat. C’est là une qualité importante chez une juge d’instruction" , dit Me Marchand.
Me Sébastien Courtoy , avocat régulièrement intervenu dans des dossiers de terrorisme, va dans le même sens. Il se souvient notamment du dossier d’un de ses clients, un survivaliste, qui avait un arsenal chez lui et qui, quelque peu fragile, s’était préparé pour soutenir un siège. "Et là, la juge a fait quelque chose d’exceptionnel. Elle a compris, après avoir vu le rapport des psychiatres, qui il était. Elle a pris une mesure de mainlevée. Il y a là une grande humanité" , dit l’avocat, connu pour ne pas avoir sa langue en poche quand il parle des magistrats.
Me Laurent Kennes, qui a croisé ses pas dans des dossiers correctionnels ou d’assises, met aussi en avant cette capacité de remise en question. "Elle a de plus d’excellentes connaissances en criminalistique" , dit-il. Que des louanges, donc, pour cette femme dont le dossier le plus médiatique fut celui de Léopold Storme, condamné pour avoir tué ses parents à Bruxelles.