Dans les années 1980, il fut l'un des souverains de la Croisette, signant des contrats mirobolants pendant le Festival de Cannes, avec Jean-Luc Godard comme avec Sylvester Stallone, produisant des films d'auteur comme Love Streams, de John Cassavetes, et des séries B. dont les vedettes étaient Jean-Claude Van Damme ou Dolph Lundgren, avant de faire faillite au bout d'une décennie. Le réalisateur et producteur israélien Menahem Golan est mort le 8 août à Jaffa, où il s'était retiré.
Il était né é le 31 mai 1929 à Tibériade, en Palestine sous mandat britannique, de parents d'origine polonaise. Dans un entretien recueilli en 2010 au festival de Locarno il racontait que son père s'était rendu en Pologne quelques mois avant la déclaration de la Seconde Guerre mondiale pour convaincre le reste de la famille les rejoindre en Terre sainte. « Mon grand père a répondu « là-bas, on tire sur les juifs, ici, que veux tu qu'il nous arrive ? », ils sont tous morts à Auschwitz » ajoutait Menahem Globus, qui prit le nom de Golan pour affirmer son attachement à Israël.
Pendant la guerre de 1948, le jeune homme est pilote de l'armée de l'air. Il étudie ensuite le théâtre à Londres, revient au pays où il travaille sur les scènes de Tel Aviv avant de passer au cinéma. Il est réalisateur et producteur, bientôt associé à son cousin Yoram Globus. Ils ont à leur actif plusieurs films nommés à l'Oscar du film étranger et, surtout, en 1978, un énorme succès public, Lemon Popsicle, équivalent israélien d'American Graffiti. Menahem Gola est aussi réalisateur, d'Opération Thunderbolt (1977), entre autres, célébration du raid des commandos de Tsahal sur l'aéroport ougandais où un commando palestinien retenait des civils en otage.
En 1979, les cousins rachètent un tout petit studio américain spécialisé dans les films coquins, la Cannon. C'est le début d'une décennie frénétique qui les amènera aux portes de Hollywood, qui fera d'eux les rivaux de la Warner ou de Universal. Les premiers succès de la Cannon relèvent de la série B. Des thrillers ultra-violents avec Charles Bronson, dont la carrière marque le pas, une adaptation égrillarde de L'Amant de Lady Chatterley par Just Jaeckin, ou Break Street, l'un des premiers films à capitaliser sur l'explosion du hip hop.
C'est assez pour se constituer un trésor de guerre et viser plus haut. Golan et Globus (le premier se charge des considérations artistiques, le second des finances) sont soucieux de respectabilité. Ils financent Love Streams de John Cassavetes en 1984, alors que les studios hollywoodiens ne veulent plus entendre parler de l'auteur d'Une femme sous influence.
D'un côté, Menahem Golan recrute pour sa légion de gros bras : Chuck Norris, une escouade de ninja (Golan est en grande partie responsable de la vogue de cette profession japonaise jusqu'alors méconnue), Sylvester Stallone ou Jean-Claude Van Damme. Il convainc le premier de jouer dans Le Bras de fer en lui offrant dix millions de dollars (de 1988) de cachet au lieu des six millions qu'obtenait d'habitude la star de Rambo. Quant au second, Golan raconte ainsi leur rencontre dans un restaurant de Hollywood où le Belge était serveur : « il s'est approché de notre table en portant deux assiettes de soupe à bout de bras. Il m'a demandé en français - il ne parlait pas anglais : « Vous êtes monsieur Golan ? » et il a passé son pied par-dessus ma tête en m'effleurant les cheveux, sans que les assiettes de soupe ne bougent ».
Par ailleurs, Menahem Golan est aussi un homme de culture, et il tient à produire de grands noms du cinéma mondial. Après Cassavetes, il accueille Andreï Konchalovsky qui vient de quitter l'Union soviétique. Pour lui, Konchalovsky réalise Maria's Lovers puis Runaway Train, qui, en 1985 est l'un des rares films de la Cannon a trouver le succès aussi bien auprès du public que de la critique. Mais en général, les grands du cinéma ne s'épanouissent pas sous sa tutelle : Robert Altman (Fool For Love, 1984), Jean-Luc Godard (King Lear 1987) ou Barbet Schroeder (Barfly, 1987) ne renouvellent pas l'expérience de la collaboration avec Menahem Golan, producteur interventionniste que Godard met d'ailleurs en scène dans son King Lear.
Au moment ce dernier film est présenté à Cannes, la Cannon est déjà vacillante. Les recettes des séries B. ne suffisent pas à financer les cachets mirifiques. Yoram Globus et Menahem Golan ont beau avoir acheté des circuits de salles au Royaume-Uni et aux Pays-Bas, ils ont besoin d'argent frais qu'ils croient trouver auprès de l'homme d'affaire Giancarlo Parretti qui finit par racheter la Cannon. Le sulfureux banquier entraînera la compagnie dans sa chute, cinq ans plus tard.
Les deux cousins essaient de survivre à Hollywood, où l'aristocratie du cinéma ne leur a jamais vraiment fait place, en fondant le 21st Century Corporation, qui fait à son tour faillite. Menahem Golan était rentré en Israël où il disait travailler à l'adaptation de Badenheim 1939, d'Aharon Appelfeld. On l'a vu une dernière fois à Cannes pour l'édition 2014 du Festival où était projeté le documentaire Go Go Boys, d'Hila Medalia, qui retrace les grandes heures de la Cannon et sortira sur les écrans français le 22 octobre.
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