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Roubaix : une pétition réclame la déprogrammation de trois artistes israéliens

Deux collectifs pro-palestiniens réclament la déprogrammation d’Asaf Avidan, Yael Naïm et Mayumana, qui se produisent à Roubaix ces prochains mois. En n’apportant pas d’autre argument que la seule nationalité israélienne de ces artistes. La mairie, bien sûr, balaie ces arguments et refuse tout retrait de ces artistes.

Temps de lecture: 4 min

Programmer des artistes de nationalité israélienne à Roubaix revient-il à « cautionner les crimes » que l’État d’Israël est accusé d’avoir commis cet été à Gaza lors de l’opération Bordure protectrice ? À cette question, le « collectif d’habitants roubaisiens » et le « collectif pour la justice en Palestine » répondent par l’affirmative. Ces deux mouvements, dont on ignorait jusqu’à présent l’existence, sont les initiateurs d’une pétition qui revendique près de 2 000 signatures à Roubaix – chiffre impossible à vérifier.

Ce texte réclame au maire de Roubaix la déprogrammation de trois artistes : Asaf Avidan, jeune prodige folk-rock qui propose un concert acoustique au Colisée dimanche soir, Yael Naïm, chanteuse pop qui se produit le 3 octobre à la Cave aux Poètes pour les vingt ans de la salle roubaisienne, et enfin Mayumana Momentum, un groupe de percussions et de danses qui sera au Colisée du 23 au 25 janvier. Le texte de la pétition exhorte le maire à agir : « Vous ne pouvez pas nous imposer de cautionner ces crimes et d’en encourager d’autres ».

« On sait très bien où va l’argent… »

Quand on compose le numéro indiqué sur la pétition, on a la surprise de tomber sur Sasia*, qui avait fait parler d’elle à Roubaix et Wattrelos en janvier dernier : elle était localement l’une des initiatrices de l’appel au boycott des écoles, lancé pour protester contre le danger de la « théorie du genre ». Au téléphone, on interroge : qu’ont fait ces artistes pour mériter une déprogrammation ? Sasia s’emmêle un peu dans ses explications. « Asaf Avidan, son père est député, ou quelque chose comme ça », justifie-t-elle avant de rétropédaler : « Beaucoup d’artistes cautionnent ce qui se passe en Israël. Je ne vais pas rentrer dans les détails, mais vous voyez ce que je veux dire. » En fait, on ne voit pas très bien mais on insiste : « On amalgame bien les musulmans en permanence ! Nous, on fait pareil. On ne veut pas donner de l’argent à des gens qui peut-être ont cautionné des crimes de guerre. Et puis on sait très bien où il va, leur argent… » Où va-t-il, au juste ? On n’obtiendra pas de réponse.

Des manifs devant le Colisée et la Cave aux Poètes ?

On obtient une réaction plus raisonnée auprès du porte-parole de ces mouvements, Abdelkader Bergoug. Ce militant pro-palestinien, qui avait été candidat aux législatives en 2007 dans la 8e circonscription du Nord (Roubaix-Wattrelos), se situe dans la lignée de l’appel au boycott des produits israéliens. « Si beaucoup d’artistes sont boycottés, cela fera peut-être réagir Israël. On agit avec nos petits moyens ! » lance-t-il. Ces artistes sont-ils accusés d’un soutien à la politique du Premier ministre de l’État hébreu, Benjamin Netanyahou ? Même pas. « C’est leur nationalité qui est en cause, on ne va pas commencer à se poser des questions sur ce que pensent ces artistes », tranche-t-il. Et tant pis si Asaf Avidan, pour ne citer que lui, disait ceci dans Libération en janvier 2013 : « Je suis très, très, souvent en désaccord avec ce que fait mon pays (…) Je ne suis pas fier de bien des choses que cette société représente. »

Ce discours déçoit en tout cas beaucoup Nicolas Lefèvre, le directeur de la Cave aux Poètes. « C’est dommage de tout mélanger, regrette-t-il. Il est hors de question de rendre des comptes sur la nationalité d’un artiste qu’on invite. Nous, on s’intéresse à l’artistique, et Yael Naïm est une artiste formidable. Quand elle est venue à Roubaix, elle a eu un vrai coup de cœur pour cette ville. Ce serait dommage de lui renvoyer cette image… » Pourtant, elle risque bien de voir une image de manifestants à Roubaix : ces deux collectifs songent à organiser des rassemblements de protestation devant le Colisée et la Cave aux Poètes, le soir de la venue de ces trois artistes israéliens.

(*) La jeune femme a demandé à rester anonyme.

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