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ANALYSE

Israël : Le ministre Ya’alon croit plus aux "intérêts" qu’à la paix

Dans une interview d’une rare franchise, au journal "Israël Hayom", le ministre israélien de la Défense, Moshé Ya’alon, explique pourquoi il refuse un État Palestinien souverain. Une vision implacable.

Moshé Ya'alon, ministre israélien de la Défense, lors d'une conférence de presse en juin 2014.
Moshé Ya'alon, ministre israélien de la Défense, lors d'une conférence de presse en juin 2014. Thomas Coex, AFP
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Après l’Assemblée générale de l’ONU, les parlementaires britanniques ont symboliquement "reconnu" un État Palestinien. Jeudi 16 octobre, la Suède fera sans doute de même. La France considère qu’il faudra le faire "un jour", mais à condition que cela serve la paix (manière élégante de botter en touche). D’autres pays avaient montré la voie, ou bien l’emprunteront demain. Mais à quoi bon reconnaître un État qui ne dispose ni de frontières, ni de souveraineté ? Israël se satisfait du "statu quo" qui lui évite d’être responsable de la vie de millions de Palestiniens, tout en bloquant l’avènement d’un État pleinement souverain, ce qui signifierait des frontières, une armée, ne serait-ce que pour se défendre, des ports, des aéroports, etc.

Qu’ils appellent ça "Empire Palestinien" !

Dans une interview au journal "Israël Hayom", le ministre israélien de la Défense Moshé Ya’alon énonce avec une rare clarté ce qu’est aujourd’hui la vision stratégique du gouvernement de Benyamin Netanyahou : le conflit cessera, dit-il, lorsque le dernier de nos ennemis comprendra que nous sommes là pour toujours. Or "Abbas n’a jamais dit qu’il se contenterait d’un accord reposant sur les frontières de 1967. Il n’a pas renoncé au droit au retour des réfugiés. […] Ce n’est pour lui qu’une étape. Les Palestiniens veulent détruire l’État Juif." Par conséquent, poursuit-il, on peut donner aux Palestiniens l’autonomie mais jamais un État à proprement dit. Quant à savoir si Abbas est toujours "un partenaire pour la paix", Ya’alon répond qu’il peut être considéré comme "un partenaire pour la discussion, un partenaire pour gérer le conflit".

Même s’ils infirment le discours prononcé en 2009 par Netanyahou à l’université de Bar Ilan dans lequel il avait semblé accepter le principe de "deux États", ces propos ne sont pas complètement surprenants. Plus intéressante est la vision qui les sous-tend : "Nous devons nous libérer de l’idée que tout se résume à une seule option qui s’appelle 'État Palestinien'. En ce qui me concerne, ils peuvent même l’appeler 'Empire Palestinien', je m’en moque, à partir du moment ou il est démilitarisé. […] Ce n’est pas un "statu quo" mais un "modus vivendi" qui sert nos intérêts. Appelez ça comme vous voulez, la séparation politique [entre nous et eux] est déjà réalisée, ce qui est une bonne chose, elle est importante. Je suis favorable à ce qu’on renforce la gouvernabilité, l’économie, la faculté des habitants à vivre dans la dignité et le confort. État ou pas État ? Laissons de côté la terminologie."

Les intérêts communs priment sur les conflits

Pour Moshé Ya’alon (et jusqu’à preuve du contraire pour Netanyahou) les intérêts priment sur les conflits. Pour la droite israélienne, la paix ne dépend pas de traités (comme celui d’Oslo qui est considéré comme un "raccourci" qui a débouché sur une impasse), mais de l’endroit où se rejoignent les intérêts. Or, "les intérêts n’ont besoin ni d’accords, ni de cérémonies".

Ce raisonnement s’appuie sur l’expérience de la paix avec l’Égypte et la Jordanie. Si les relations sont bien meilleures que ce qu’il paraît, c’est parce qu’Israéliens, Égyptiens et Jordaniens y trouvent un intérêt commun, et pas parce qu’un traité a été signé : entre Israël et ses voisins modérés, il n’y a pas de normalisation mais, selon Ya’alon, la simple convergence d’intérêts qui garantit la paix. C’est au nom du même raisonnement que le ministre balaye les questions sur les tensions sans précédent entre son gouvernement et l’administration Obama. En résumé : il y a des désaccords, mais nous en avons aussi entre nous (Israéliens). Mais nos intérêts communs sont plus importants.

On peut critiquer une telle vision, objecter qu’un peuple ne peut éternellement accepter de vivre sous occupation, que l’expérience de Gaza montre qu’Israël risque de devoir faire la guerre régulièrement sans pouvoir se débarrasser définitivement (le ministre de la Défense le reconnaît lui-même) de cette menace terroriste à sa frontière. Ya’alon explique que son pays a appris à vivre avec, que cela fait partie du "modus vivendi".
On l’aura donc compris, même s’il devait y avoir une reconnaissance diplomatique massive de l’État Palestinien, Israël se ferait une raison. Tant que les États arabes sunnites partagent des intérêts géopolitiques avec Israël. Tant que les Palestiniens considèrent qu’ils ont plus intérêt au "modus vivendi" qu’à une nouvelle "Intifada".
 

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