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Dans la société française, « les opinions antisémites atteignent une haute intensité »

La Fondation pour l’innovation politique a notamment étudié l’image des juifs chez les musulmans.

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Publié le 13 novembre 2014 à 21h06, modifié le 19 août 2019 à 14h18

Temps de Lecture 4 min.

Lors d'une manifestation contre le racisme, à Toulouse, en février 2014.

Une enquête de la Fondation pour l’innovation politique (Fondapol) donne l’image d’une société française « où les opinions antisémites atteignent une haute intensité dans des univers relativement limités mais dont l’expansion est une thèse raisonnable ». Une société qui estime « que la plupart des groupes qui la composent sont victimes de préjugés et de racisme : les juifs, les musulmans, les maghrébins, les noirs, les blancs… », écrit le directeur de la Fondapol, Dominique Reynié.

L’étude sur « l’antisémitisme dans l’opinion publique française » rendue publique vendredi 14 novembre, se fonde sur deux sondages menés par l’IFOP. Le premier a été conduit en ligne, du 26 au 30 septembre, auprès de 1005 personnes de 16 ans et plus représentatives de la population. Le second, administré en face-à-face dans la rue, a été mené auprès de 575 personnes de 16 ans et plus déclarant être nées dans une famille musulmane.

L’objectif était de tester l’hypothèse soutenue en 2004 par Jean-Christophe Rufin dans son rapport sur la lutte contre le racisme et l’antisémitisme, selon laquelle la part de l’extrême droite dans les violences antisémites reculait au « profit » d’une frange issue de l’immigration. Le focus mis sur les sondés de familles musulmanes permet de savoir, selon l’auteur de l’analyse, « si les musulmans vivant en France sont plus ou moins susceptibles que la moyenne (…) de partager des préjugés contre les juifs, voire de développer une vision antisémite ».

  • Comment mesurer l’antisémitisme ?

Pour mesurer l’antisémitisme exprimé par les sondés, les enquêteurs ont construit un indicateur à partir de six propositions reprenant les préjugés les plus répandus. Les répondants étaient invités à dire s’ils étaient d’accord avec chacun d’eux. Figure entre parenthèses le pourcentage d’interviewés d’accord avec chaque proposition.

La pluralité des questions permet d’évaluer l’intensité de l’antisémitisme exprimé. Les personnes d’accord avec les six propositions sont considérées comme plus virulentes que celles qui n’en approuvent qu’une ou deux. D’autres questions plus quotidiennes permettent d’affiner ou de nuancer.

  • Quel est le niveau de l’antisémitisme ?

Seuls 53 % des sondés (59 % des femmes et 47 % des hommes) ne partagent aucune de ces affirmations dans l’échantillon général. 18 % sont d’accord avec un seul énoncé ; 3 % sont d’accord avec les six. Neuf personnes sur dix disent être indifférentes au fait d’apprendre qu’une personne de leur connaissance est juive, mais 15 % pensent que les Français en général « n’aiment pas » apprendre une telle information. Un cinquième affirme entendre dire du mal des juifs sur leur lieu de travail et la même proportion « éviterait » d’élire un président de la République juif, même si un juif est « aussi français que les autres » pour 84 %.

  • Y a-t-il une propension à l’antisémitisme plus élevée chez les musulmans ?

Seuls 17 % des personnes issues de famille musulmane ne partagent aucun de ces préjugés contre les juifs, contre 53 % dans la population globale. « Les musulmans sont deux à trois fois plus nombreux que la moyenne à partager des préjugés contre les juifs », note Dominique Reynié, et cela d’autant plus qu’ils se déclarent pratiquants.

Mais en réponse à plusieurs questions, ils témoignent d’opinions moins hostiles aux juifs que les proches du Front national. Ils sont 85 % à affirmer que le fait d’apprendre qu’une personne qu’ils connaissent est juive ne leur fait « rien de particulier ». Ils approuvent largement l’idée qu’il est important d’enseigner la Shoah pour prévenir une nouvelle tragédie et sont nettement plus nombreux que les électeurs du FN à considérer qu’un Français juif est aussi français qu’un autre. 68 % des musulmans (56 % de l’échantillon global) pensent qu’il y a du racisme anti-musulman et 31 % (contre 36 %) qu’il y a du « racisme anti-juif ».

  • Antisémitisme, antisionisme

« Les questions sur le sionisme n’évoquent rien pour une part importante des répondants » dans l’échantillon général (entre 42 % et 47 %), note Dominique Reynié. Si, pour 46 % (51 % des musulmans), ce terme recouvre « le droit des juifs d’avoir leur propre Etat », 37 % (66 % des musulmans) considèrent que c’est « une idéologie qui sert à Israël à justifier sa politique d’occupation et de colonisation des territoires palestiniens », 25 % (57 % des musulmans) pensent qu’il s’agit d’une « organisation internationale qui vise à influencer le monde et la société au profit des juifs » et 23 % (46 % des musulmans) qu’il s’agit « d’une idéologie raciste ».

  • Quels sont les facteurs favorisant l’antisémitisme et le racisme ?

D’une manière générale, note M. Reynié, « le fait de se déclarer proche d’un parti politique, quel qu’il soit, est un facteur favorisant les préjugés contre les juifs ». 63 % des personnes qui ne se considèrent proches d’aucun parti ne partagent aucun des préjugés proposés, contre 53 % seulement des autres.

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Parmi les personnes politisées, la plus forte proportion qui rejette les propositions antisémites se trouve chez les Verts (62 %), la plus faible au Front national (25 %). On retrouve le même phénomène lorsque l’on demande si telle ou telle catégorie de personnes est « trop nombreuse » en France : les Maghrébins (51 % de oui en moyenne), les musulmans (51 %), les étrangers en général (40 %), les noirs d’Afrique (36 %), les Asiatiques (20 %) et les juifs (16 %).

C’est chez les proches du Front national et, presque dans la même mesure, de Marine Le Pen, que « l’on trouve, et de très loin, le plus d’opinions antisémites et xénophobes ». Plus d’un sur deux trouvent qu’il y a trop de juifs dans les médias et l’économie et éviterait d’élire un président juif, et 22 % préfère éviter « un voisin juif ». Pour deux sur trois, un Français musulman « n’est pas aussi français qu’un autre ».

Pour Dominique Reynié, l’enquête manifeste que l’opinion antisémite « résulte (…) d’un jeu de représentations et d’opinions politiques articulées entre elles. L’antisémitisme s’inscrit dans un monde de défiance dominé par une culture autoritaire, hostile aux immigrés, autant qu’aux différences sous toutes les formes qu’elles peuvent prendre ».

L’enquête montre une société traversée par de fortes tensions « qui pourraient traduire la montée de logiques communautaristes » et qui se manifestent par le fait qu’entre un tiers et la moitié des sondés estiment qu’il y a « beaucoup de » racisme anti-musulman (56 %), anti-juif (36 %), anti-noir (35 %) et anti-blanc (33 %).

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