Six mois après l'attentat, "rien n'a changé" pour la communauté juive

Il y a près de 6 mois, l’attentat du Musée juif de Bruxelles puis la guerre à Gaza ont relancé de façon brutale la question de l’antisémitisme en Belgique. La sécurité de la communauté juive a été au cœur de plusieurs rencontres avec la ministre de l’Intérieur de l’époque, Joëlle Milquet. Depuis, aucun réel progrès n’a été engrangé...

Charles Van Dievort
Six mois après l'attentat, "rien n'a changé" pour la communauté juive
©Photonews

Les paroles n’ont pas été suivies des actes après l’attentat du Musée juif.Il y a près de 6 mois, l’attentat du Musée juif de Bruxelles puis la guerre à Gaza ont relancé de façon brutale la question de l’antisémitisme en Belgique. La sécurité de la communauté juive a été au cœur de plusieurs rencontres avec la ministre de l’Intérieur de l’époque, Joëlle Milquet. Depuis, aucun réel progrès n’a été engrangé déplore Maurice Sosnowski, le président du CCOJB.

Les craintes affichées par la communauté juive de Belgique se sont-elles estompées maintenant que les événements de ce printemps et de cet été sont moins présents dans les médias ?

L’inquiétude reste présente pour plusieurs raisons. Il n’est pas exclu qu’il y ait demain une nouvelle Intifada et donc une résurgence d’actes antisémites liés à la situation au Proche-Orient. Mais ce qui m’inquiète également, c’est que nos autorités ne réagissent pas par rapport à tout ce qui se passe dans la société. Les atteintes directes à la communauté juive restent sans réaction, qu’il s’agisse d’actes physiques ou d’ordre verbal, psychologique, etc. J’aurais aimé voir des actes concrets très fermes. J’attends toujours…

Vous avez pourtant rencontré Joëlle Milquet, alors ministre de l’Intérieur, à plusieurs reprises ce printemps et cet été. Ça n’a rien donné ?

Au moment des faits, il n’y a pas eu grand-chose de fait. Lors de l’inauguration du Musée juif de Bruxelles, il y a aussi eu une prise de parole du Premier ministre, mais elle n’a pas eu beaucoup d’écho. Rien n’a changé.

Des engagements fermes avaient-ils été pris ?

Non parce que nous discutions avec un gouvernement qui était en affaires courantes. C’était néanmoins des engagements moraux car nos autorités estimaient qu’elles ne pouvaient pas ne rien faire. En France, François Hollande et Manuel Valls ont clairement marqué la ligne rouge à ne pas franchir. Ils ont défini la république telle qu’ils la conçoivent, c’est-à-dire sans communautarisme, sans exclusion, sans insultes ou attaques vis-à-vis de qui que ce soit. En Belgique, c’est resté des mots. Tout le monde s’accorde pour dire qu’il y a un problème mais j’attends des actes forts et non des paroles de circonstances. La situation est inquiétante pour tout le monde car l’antisémitisme, ce n’est pas le problème des juifs, c’est le problème de la société. Il signifie que quelque chose va mal. Je pense sincèrement que le personnel politique comprend mes inquiétudes, mais les lignes rouges sont en permanence dépassées sans que nos autorités interviennent. Ça m’inquiète.

La communauté juive vit-elle dans la peur en Belgique ?

Ce n’est pas la peur, c’est l’inquiétude. J’ai remis au Premier ministre une demande d’aide financière suite à une évaluation financière des besoins en termes de sécurité pour la centaine d’édifices publics juifs : synagogues, centres culturels, écoles, etc. On va voir ce que cette demande va devenir. Nous lui demandons un engagement de participation. Tant mieux s’il accorde la totalité, mais s’il ne donne rien ce serait inacceptable. Une participation de l’Etat me semble un minimum quand on sait qu’en France un budget a été alloué et que chaque année il y a un financement pour la sécurité des institutions juives françaises. En Belgique, nous n’avons pas une seule aide de l’Etat. Ni pour le personnel de sécurité ni pour les infrastructures indispensables. Par rapport à nos voisins, nous sommes les seuls à ne rien avoir.

Avez-vous déjà rencontré le successeur de Joëlle Milquet et appris comment il compte agir ?

Nous avons été les premiers à être reçus par Jan Jambon lorsqu’il a pris ses fonctions. Mais mon sentiment est qu’il n’y a eu aucun passage d’informations entre Joëlle Milquet et lui. J’ai eu l’impression de devoir réinventer la roue lorsque je lui parlais de certaines choses. Il y a peut-être eu un passage au niveau de l’administration - le contraire serait incroyable - mais il n’y en a apparemment pas eu au niveau du personnel politique. C’est terrible pour l’Etat. A moins que M. Jambon ait voulu gagner du temps…

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