Nemmouche aurait pu être arrêté plus tôt: l'info capitale négligée par la police belge
La police bruxelloise n’a rien fait d’une info que deux de ses policiers avaient obtenue sur l’auteur présumé de la tuerie du Musée juif et le suspect a pu ainsi fuir en France. Notre enquête sur cette incroyable négligence.
- Publié le 20-11-2014 à 06h12
- Mis à jour le 20-11-2014 à 06h21
Un raté dans l’enquête sur Nemmouche : le directeur du Service des indicateurs de la PJF de Bruxelles et son adjoint sanctionnés. La police bruxelloise n’a rien fait d’une info que deux de ses policiers avaient obtenue sur l’auteur présumé de la tuerie du Musée juif et le suspect a pu ainsi fuir en France.
Comme sanctions, le directeur du Service des indicateurs de la police judiciaire fédérale de Bruxelles ainsi que son adjoint se sont vu retirer certaines compétences. "Un signal beaucoup trop faible pour de tels manquements professionnels", jugent nombre de leurs collègues. Notre enquête.
Et d’abord ce bref rappel. Le 24 mai, un inconnu abat quatre personnes au Musée juif de Bruxelles. Le lendemain, la police diffuse deux vidéos. La première montre le suspect arrivant avec deux sacs rue des Minimes à proximité du musée. La seconde provient des caméras placées dans le corridor à l’entrée du Musée juif. On voit l’auteur extraire d’un des sacs une kalachnikov à crosse repliable. L’arme est munie d’une bandoulière.
Juste après la diffusion des vidéos, un policier expérimenté travaillant au Service des indicateurs de la police judiciaire fédérale de Bruxelles, Bart B., a reçu un tuyau. Un informateur déclarait reconnaître la kalachnikov comme une arme qui avait été écoulée récemment dans le milieu.
Au moment où il reçoit le tuyau, l’enquêteur Bart B. n’est pas seul mais accompagné d’un supérieur, le commissaire Yvan D.
Vu l’importance de l’info alors que toutes les polices cherchent à identifier l’auteur, le commissaire a demandé à l’inspecteur Bart B. de rédiger immédiatement un rapport confidentiel à transmettre ASAP (aussi vite que possible) aux services spécialisés.
Ce qui s’est passé : le policier a tardé à rédiger le rapport. Avec pour conséquence : la Cellule antiterroriste de la police fédérale - en charge de l’attentat - n’a pas été mise au courant, et donc le parquet et le juge d’instruction ont été tenus par négligence incroyable dans l’ignorance d’une information qui pouvait aider à identifier le tueur en fuite.
était-il possible de l’identifier plus vite ? Avec l’info et par recoupements, la police belge aurait-elle pu l’intercepter avant sa fuite en France ? La police fédérale ne faisait hier aucun commentaire. Le renseignement arrivait de toute façon après l’attentat, donc trop tard pour l’empêcher. Et le reste, dit-on, n’est que pure spéculation.
Selon nos informations toujours, Bart B. a demandé et obtenu immédiatement son transfert dans un autre service.
Le directeur de la police judiciaire fédérale a informé le procureur du Roi. Le parquet de Bruxelles a ouvert une information pénale.
Dans l’attente des résultats de l’enquête, des mesures internes ont été prises. Le directeur du Service des indicateurs, le commissaire Philippe B., et son adjoint Yvan D. se sont vu retirer certaines compétences sensibles liées à la gestion des informateurs.
Ce n’est pas une véritable sanction après des manquements d’une telle gravité, s’étonnent pourtant des collègues.
Heureusement, les douaniers français étaient là. Ce sont les douaniers de Marseille qui devaient arrêter Mehdi Nemmouche huit jours après l’attentat en Belgique. Et dans ses bagages, retrouver une kalachnikov ainsi que des vêtements l’impliquant pour les faits de Bruxelles.
Nemmouche est incarcéré à Bruges, en haute sécurité. Six gardiens le surveillent. Selon son avocat Sébastien Courtoy, le dossier atteint déjà 16 cartons et l’avocat y trouverait maints arguments plaidant en faveur de son client. L’avocat réfute d’ailleurs que ce soit Nemmouche que l’on voit sur les vidéos. Selon Me Courtoy, les images ont été manipulées.