On a rencontré Gad Elmaleh: "Cette pub, c'est devenu le truc le plus lourd du monde"
Gad Elmaleh monte un spectacle exceptionnel pour ses 20 ans de scène. À l’heure où il nous dit avoir "envie de profiter de tout". Interview sans raccourci.
- Publié le 20-11-2014 à 13h33
- Mis à jour le 20-11-2014 à 13h39
Gad Elmaleh monte un spectacle exceptionnel pour ses 20 ans de scène. À l’heure où il nous dit avoir "envie de profiter de tout". Interview sans raccourci. Rares sont les longs entretiens accordés par Gad Elmaleh à la presse. L’artiste est pudique. Mais pourtant bavard et intéressant. Pas une minute n’est laissée à l’ennui ni à l’évocation de lieux communs. En Belgique (où il a "moins l’impression d’être jugé"), il jouera dès ce soir à Forest National et trois fois d’affilée un spectacle tout frais, qui célèbre ses 20 ans de scène (déjà !).
Un show unique qui devrait ressembler à ceci : "Ce ne sera pas un best of, je n’aime pas cette idée-là, je trouve ça facile. Il y a des personnages qui reviennent, dont un personnage phare que j’aime d’amour. Il ou elle me touche… Je crois que vous avez compris de qui il s’agit. (Rires.) Je ne vais pas refaire le coup du Blond ou un coup de La chèvre de Monsieur Seguin. Je raconte ce qui m’est arrivé au x tats-Unis, ce qui est nouveau… J’évoque ça sur la trame du dernier spectacle, Sans tambour (désormais disponible en DVD) , avec les thèmes tels que la notoriété et la mort qui me hante. Les gens rigolent d’ailleurs beaucoup sur ce passage. J’aborde ma vie, j’esquisse des choses. Je n’aime pas l’impudeur sur scène, ni me répandre. J’aime bien que les gens puissent se projeter. Même si nos vies sont montrées, quand je dis le mot ma copine ! tout de suite des images viennent ! Au moins, on est dans la vie."
On imagine qu’il y aura de la musique aussi… La chanson, à chaque spectacle, c’est ce que le public attend…
"Oui et ça me fait super-plaisir. On me le demande et je joue le jeu. Avec les musiciens et le décor, on va faire un vrai concert ! Franchement, la dernière fois que j’ai été voir un concert à Forest, je me demande s’il y avait autant de choses sur scène qu’on a là. Et je ne vous dirai pas quel concert… Non, ce n’est pas sympa pour Patrick Bruel ! (Rires.)"
Justement, aimeriez-vous vous consacrer davantage à la musique ?
"Oui, mais c’est un vrai dilemme. J’ai l’impression que si je le fais, je dois le faire de la bonne manière. Un garçon qui voudrait absolument que je fasse un album m’a dit, et il a été assez juste, que mon premier album, il faudrait qu’il soit proche du public. Rester dans la comédie, pour après ensuite à la limite m’en éloigner. Je crois qu’en tant qu’humoriste, si tu fais un album du jour au lendemain qui est sérieux, même si dans ta tête tu ne renies pas le fait d’être comique, le fait de te présenter comme ça, ça fait : Bon ben maintenant on passe aux choses sérieuses ! Le peu d’expériences dans ce domaine, elles ne sont pas très concluantes. Même si Elie Semoun a eu le mérite d’écrire des textes assez poétiques, les gens sourient… Je crois qu’il faut d’abord aller dans la parodie, dans la caricature et après qu’on dise : Mais il chante vraiment ! C’est ce que j’ai fait dans le sketch sur les comédies musicales… (et Gad s’interroge : ne devrait-il pas intégrer les comédies musicales à son nouveau spectacle ?, NdlR).
Il y a quelques mois, vous avez tenté votre chance aux États-Unis, en recommençant à zéro sur scène. Vous êtes revenu tout neuf, changé ?
"Je pense profondément qu’il faut aller loin pour se rapprocher de soi-même. C’est peut-être le début de la vieillesse mais pour moi la réussite, ce n’est pas cocher des cases. C’est aussi renoncer à des choses. Les tats-Unis, vouloir y faire carrière, c’est un peu illusoire quand on n’est pas américain. Mais ce qui est génial, c’est de leur prendre des choses. Je suis bien avec ce que j’ai aujourd’hui, ça me fait vraiment apprécier ce que j’ai. C’est comme en amour. Tu fais le malin, tu ne vois pas ce que t’as. Mais le jour où y’a un petit truc, tu veux rentrer à la maison ! J’aime aller aux tats-Unis. Mais à 43 ans, j’ai une vie de famille, j’ai un deuxième enfant, j’ai envie de profiter de ma famille, d’être cool. Je me vois mal leur dire : Allez on fait les bagages et on part aux States ! Parce que là-bas, il faut recommencer ce que j’ai fait il y a 20 ans. Tout, avec des talk-shows où on te présente parce que personne ne te connaît. Je ne suis pas prêt à ça. Et puis, il faut profiter de son temps, de sa famille, de son argent, de sa santé,… Moi j’ai envie d’en profiter."
Avez-vous l’impression qu’aujourd’hui le public vient voir vos spectacles pour votre personnalité ? Vous pourriez lire du Shakespeare, la salle serait remplie…
"J’ai peur de cette idée-là, mais je suis conscient de ça. Il y a tout un truc autour. Le regard sur toi évolue au fur et à mesure de ta carrière, pour les blagues qu’on retient, on te regarde différemment parce que tu as fait du cinoche, mais pas que des films comiques,… Tout ça fait de toi une sculpture taillée avec les années et les événements, mais c’est moi. Je ne pense pas que les gens viennent au spectacle juste pour me voir en vrai, je ne suis pas une rock star !"
"L'idée était sympa, mais c'est devenu lourd"
On aurait cru que Gad n’aborderait pas la publicité pour laquelle il a été moqué. Mais il l’a fait et avec humour, bien sûr…
Il commence notre conversation par une parenthèse. "Le lendemain de mon passage dans l’émission de Cyril Hanouna (Touche pas à mon poste - l’animateur, avec le concours de Gad, avait parodié sa pub pour LCL), je reçois un coup de fil de l’agence de com’ de la publicité. Je me suis dit : Olala. Mais non, ils me disent : On voulait vous féliciter et vous remercier pour hier !"
Gad Elmaleh a suffisamment de recul et d’humilité pour dire qu’il s’est un peu… trompé quand on lui a proposé le projet, dont beaucoup se sont moqués."Franchement, quand on me l’a proposée cette pub, je croyais que c’était bien. Je me suis dit : Enfin des gens qui ont de l’autodérision ! On va se foutre de la banque et tout ça. Mais bon, complètement loupé le truc ! Patrice Lecomte à la réalisation, le petit sketch était drôle… D’une idée un peu sympathique, c’est devenu le truc le plus lourd du monde ! Avec un public mort de rire de manière exagérée…"
Alors, le public, pourtant ultra-fidèle, de Gad ne l’a pas suivi. Et il le comprend. "Pour les gens qui m’aiment et me suivent depuis des années, c’est un peu comme si j’avais profané un espace un peu sacré pour eux et moi où ils aiment ce que je fais. Là-dedans, ils ne voulaient pas me voir. Je le reconnais…"
"J'ai fait des erreurs, ce n'est pas grave"
"Il n’y a rien de plus séduisant qu’une femme qui a de l’humour", nous dit-il.
LA POLITIQUE
"Quand j’ai fait un sketch, il y a quelques années, d’un agent immobilier arabe qui refuse de louer à des gens parce qu’ils sont français, j’ai dit tout ce que j’avais à dire ! Par l’inversion. Le côté irrévérencieux, le côté je balance, prévisible, ne me touche pas beaucoup. Qu’est-ce que je vais dire : Ah François Hollande il a un gros ventre, Nicolas Sarkozy il est petit,… Ça ne m’intéresse pas. Les gens qui disent : Ouais mais tu balances rarement ! En fait, ils ne veulent pas que tu balances. Ils veulent simplement que tu balances une certaine école de pensée."
CRISPATION
"Il y a aujourd’hui des sketches qu’on ne peut plus faire. Je trouve ça dommage. Elie et Dieudonné, c’était génial. Smaïn qui dit : Enfin un beur président, c’était génial car c’était de la science-fiction pour l’époque et tant mieux que ça ait évolué, mais tu ne peux plus le faire aujourd’hui, à cause d’une certaine crispation générale."
LA CRITIQUE
"Je ne la lis pas beaucoup. Si on parle de la pub, j’ai écouté, j’ai été sensible. Je ne peux pas faire : Ah bon, les gens n’aiment pas cette pub ?(rires) Je serais un menteur. J’entends les choses. Si la critique est bien fondée, qu’elle est de bonne foi, même si elle n’est pas top, ça peut me remettre en question. Après, il y a des attaques personnelles. Certains confrères veulent régler des comptes non pas avec toi, mais avec le métier et tu te demandes : Mais pourquoi il parle de moi ? Je ne le connais même pas !"
REGRETS
"Je ne regrette pas mes choix. On regrette à partir du moment où quand on le fait on sait que ce n’est pas bien et on le fait quand même. J’ai fait des erreurs mais ce n’est pas grave, ça m’a construit. Avec le recul, je vois certains films et je me dis : Olala, j’ai joué ça, ce rôle-là ? Je ne me trouve pas bien, je trouve le film moyen. Mais au moment où je l’ai fait, j’y croyais. On ne me proposait que ça et j’étais content."
LA DRAGUE
"Moi pour aborder les filles, c’était un enfer. Dans les boums, je n’osais pas. Par contre, quand on me présentait quelqu’un, je la faisais rire, je jouais du piano,… La drague sans humour, c’est une catastrophe. De toute façon, il n’y a rien de plus séduisant qu’une femme qui a de l’humour. Bon, pas trop non plus ! (rires) Pas plus que moi…"
DANS 20 ANS
"J’aimerais beaucoup… - et gardez cette réponse pour me la ressortir dans 20 ans ! - créer des projets, totalement libéré des contraintes que j’ai avec la notoriété. C’est à la fois un cadeau d’être connu, qu’on vienne me voir. Mais j’aimerais être libéré de ça pour dans 20 ans être moins mainstream et retrouver la liberté que j’avais il y a 20 ans justement."
"J'ai du mal à m'exprimer au cinéma"
"Aujourd’hui, le cinéma occupe une place beaucoup moins importante dans ma vie professionnelle. J’ai très envie de faire un projet de docu-fiction - j’adore Strip-Tease -, mais pas qui me mette en scène moi. Il y a des sujets qui me passionnent plus que la fiction au cinéma. Je la trouve artificielle, j’ai du mal à m’exprimer là-dedans, même si j’adore regarder des films. Je lis des scénarios mais je me sens distancé. Ça ne m’intéresse pas en fait. Je me dis, ça y est, je l’ai fait. À moins de faire de la composition, avec un film d’époque, où on met des dents, une perruque, forcément ça aide. Ou alors dans un univers fantastique, comme avec Gondry."
Faire carrière dans le 7e art n’a jamais été une fin en soi pour Gad. "Vraiment pas du tout. Même si, bien sûr, c’est super, tu rencontres plein de gens, tu es très bien payé, tu es au top,…"