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Dalil Boubakeur et Bernard Kanovitch: «Nous vivons un moment charnière, une rupture»

EDDIE KEOGH/REUTERS

FIGAROVOX/EXTRAITS- Les propositions de Bernard Kanovitch, membre du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif), où il suit les relations avec l'islam, et de Dalil Boubakeur, recteur de la Grande Mosquée de Paris pour réduire les fractures françaises.

LE FIGARO: Quelque chose d'irrémédiable a-t-il été commis les 7 et 9 janvier?

Dalil Boubakeur: Nous traversons une très mauvaise période mais rien n'est jamais définitif en politique. Les acteurs directs qui ont commis ces crimes en sont pleinement responsables mais notre société, depuis longtemps sensibilisée à ce risque, l'a toujours considéré comme une exagération. Ceux qui pointaient le danger des mouvements religieux radicaux étaient accusés de dramatiser. Le comble est que notre société considérait ces extrémistes comme les «vrais musulmans» parce qu'ils prônaient un islam pur et dur. Pendant ce temps tous les Tariq Ramadan et salafistes agitaient les frustrations de la jeunesse. De même le wahhabisme et autres influences extrêmes ont été laissées à leur pente naturelle sans être combattus à temps. Cette complaisance a fini par donner un appui tacite à ces mouvements radicaux et notre société n'a pas détecté son caractère très dangereux. La situation est compromise mais elle n'est pas irrémédiable.

Bernard Kanovitch : Nous vivons un moment charnière, une rupture. Nous refusons tous d'aller dans la direction voulue par ces terroristes. Mais tous nous avons été victimes: la communauté musulmane, la communauté nationale et la communauté juive. Plus encore la communauté juive a été l'une des grandes victimes de cette séquence. La question qui se pose est l'avenir des relations des juifs avec les musulmans en France. Nous vivons une vraie prise de conscience. La belle endormie s'est réveillée. On sait que les choses ne vont plus de soi.

Antisémitisme et islamophobie s'installent, c'est le vrai problème?

BK: La communauté juive a une mémoire longue, elle a connu des moments similaires. Certains sont tentés par le départ. Quand le premier ministre Valls dit que la France ne serait pas la France sans ses juifs, nous apprécions son empathie mais la question de savoir comment nous allons gérer la relation entre juifs et musulmans, reste ouverte. En fait la relation juif-musulman est au cœur même du débat de société auquel nous sommes confrontés. Mais parce que nous sommes en France, le troisième partenaire de ce débat, ce sont les pouvoir publics et l'opinion publique. C'est rassurant. Il faut reconnaître que si nous étions en tête à tête cela serait plus difficile.

DB : Je me souviens de crises précédentes, notamment après la guerre de 1967 où l'humiliation arabe était telle que les grands esprits, en France en particulier, ont estimé qu'il ne fallait pas laisser se rompre le lien de façon irrémédiable entre juifs et musulmans. Beaucoup ont remis à l'honneur le concept de fraternité d'Abraham notamment en France. Car le différent israélo-arabe qui est une querelle politique sur la question palestinienne cache des confluences et des convergences qui existent entre ces deux communautés. Elles se sont profondément inspirées l'une de l'autre au cours de leur vie commune. Mais depuis un certain temps on laisse aller les choses au gré des actions-réactions en Palestine. A chaque fois que j'ai pris la parole pour dire que la paix ne se construisait pas comme cela j'ai été critiqué. Or ce sont ces paroles de paix et ces attitudes intelligentes qui nous manquent aujourd'hui. Elles existent pourtant de part et d'autre.

Lisez l'integralité de l'entretien croisé ici ou dans Le Figaro du 24 janvier

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24 commentaires
  • elrousa2

    le

    Toute confession a d'autant plus tendance à vouloir prendre le pas sur une autre confession que toutes les deux s'expriment au sein d'une société faible.

  • labasha

    le

    Plutôt une rupture qu'un moment charnière.

  • Résilient

    le

    Nous préférons dialoguer avec les pouvoirs publics des questions d'intégration, d'assimilation, de la citoyenneté française. Les représentants du culte islamique en France doivent engager des discussions de fond avec le gouvernement français pour trouver une plate-forme et définir des points communs sur nombre de sujets ayant trait à la représentativité du culte musulman, aux problèmes de sécurité, d'emploi, de l'habitat, de la formation, de l'égalité des chances etc...Nous refusons le communautarisme, le pluri culturalisme. Nous sommes parié intégrante la Nation française une et indivisible. La Nation n'appartient exclusivement à aucune communauté ni à aucun culte particulier. La laïcité nous rassemble et nous unit. Notre revendication est précise, simple et claire. Nous nous opposons à ceux qui prônent la division, la ségrégation, l'apartheid et l'élitisme sous quelques idéologie que ce soit. Nous sommes égaux en droits et en devoirs et devant la loi. Il y a un examen à faire approfondi avec les représentants des français musulmans.

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