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L'histoire du judaïsme en sept œuvres majeures

À l'occasion du dîner du Crif, événement phare de la communauté juive française, Paul Salmona, directeur du musée d'Art et d'histoire du judaïsme, revient sur sept objets phare de l'histoire du judaïsme en France.

Les adolescents qui ont profané le cimetière juif de Sarre-Union auraient pu, par exemple, être incités, par le tribunal, à venir visiter le musée d'Art et d'histoire du Judaïsme, à Paris. À travers sept objets phares du musée d'Art et d'histoire du judaïsme Paul Salmona évoque huit siècles de présence juive en France.

● La stèle funéraire de rabbi Salomon, 1281

Au Moyen-Âge, avant d'être définitivement expulsées par Charles VI en 1394, les communautés juives sont nombreuses et florissantes en France, comme en témoignent les rues de la Juiverie, dans de nombreuses villes. Le Mahj conserve plusieurs stèles funéraires (voir illustration principale), trouvées en 1849 à Paris, provenant de l'ancien cimetière de la rue de la Harpe, près de l'actuel boulevard Saint-Michel. Ces stèles sont très rares car, après l'expulsion, la Couronne les a vendues aux enchères, comme pierres de construction. Avec les manuscrits rabbiniques, ce sont les «fossiles» d'une présence des juifs qui remonte à la conquête romaine. La stèle de rabbi Salomon, mort en 1281, est exceptionnelle par la qualité de sa calligraphie.

● Décret d'émancipation des juifs en 1791

Après le XIVe siècle, il ne reste théoriquement plus de juifs en France. Mais, en 1552, Henri II autorise les juifs rhénans à résider à Metz, tandis que des juifs ibériques s'installent sur la côte aquitaine pour échapper à l'Inquisition. L'Alsace et ses juifs sont rattachés à la France en 1648. À la fin du règne de Louis XVI, on compte 40.000 juifs dans le royaume, auxquels s'ajoutent les «juifs du Pape», placés sous la protection du Vatican dans le Comtat Venaissin. Le Mahj conserve le décret d'émancipation du 27 septembre 1791, qui donne aux juifs le statut de citoyens. Ils sont désormais égaux aux autres Français et leur pratique religieuse doit appartenir à la sphère privée.

● Rachel dans Lady Macbeth, par Charles Louis Muller, 1849

Elisabeth Rachel Félix était la fille d'un modeste colporteur alsacien. Entrée à 17 ans à la Comédie-Française, elle devint l'une des plus célèbres tragédiennes de son temps. Elle incarne parfaitement l'extraordinaire assimilation des juifs dans la société française du XIXe siècle. Le Mahj possède de nombreuses œuvres montrant l'émergence d'un judaïsme français original - l'israélitisme - avec la constitution d'instances représentatives et la construction de grandes synagogues modernes, comme celle de Bordeaux, peinte par Jean-Lubin Vauzelle en 1812.

● Galons arrachés à Alfred Dreyfus le jour de sa dégradation, 1895

Les petits enfants du capitaine Dreyfus ont fait don au Mahj de plus de 2 600 documents qui racontent l'ignominieuse condamnation d'Alfred Dreyfus, puis sa réhabilitation: une affaire qui a déchiré la France pendant douze ans. Le Mahj expose notamment les galons arrachés à Dreyfus, en janvier 1895, lors de sa dégradation. L'antisémitisme, à la fin du XIXe siècle, est parfaitement assumé par une partie de la classe politique et par des écrivains comme Alphonse Daudet. Publié en 1886, La France Juive, d'Edouard Drumont, se vend à des dizaines de milliers d'exemplaires.

● Les petites américaines, de Jules Pascin, 1916

À la fin du XIXe et au début du XXe siècle, beaucoup d'artistes, dont Modigliani, Soutine, Zadkine, Kikoïne, Pascin, Chagall ou Chana Orloff émigrent en France: ne dit-on pas alors «Heureux comme Dieu en France?». Ils y trouvent la liberté de vivre et de créer et, parfois, fuient les pogroms qui se multiplient en Europe de l'Est. Le Mahj conserve de nombreuses œuvres de ces artistes que l'on regroupe parfois sous l'étiquette d'École de Paris.

● Coffre et rouleau de Torah de la famille Camondo, 1860

Les Camondo sont des juifs originaires Constantinople. Ils s'installent à Paris dans la deuxième moitié du XIXe siècle. Banquiers, collectionneurs d'art moderne, philanthropes, ils seront les mécènes du Louvre et financeront la construction du Théâtre des Champs-Elysées. Nissim de Camondo mourra au front en 1917. C'est un des nombreux exemples du patriotisme des juifs. Cette famille eut un destin fulgurant et tragique, car le dernier Camondo mourra en 1945 à Auschwitz.

Ce coffre à Torah en argent appartenait à Abraham de Camondo (1785-1873), chef de la communauté juive de Constantinople. Il a été donné par la famille au musée de Cluny.

 Les habitants de l'hôtel de Saint-Aignan en 1939 de Christian Boltanski, 1998

L'œuvre murale de Boltanski, qui se déploie dans la courette, évoque de façon forte et subtile la population du quartier juif du Marais au début du XXe siècle. L'artiste a reproduit sur des affichettes les noms, lieux de naissance et métiers, des occupants du bâtiment en 1939, dont beaucoup disparurent dans la Shoah. C'est ce magnifique hôtel particulier du XVIIe siècle que le Mahj occupe depuis 1998.

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15 commentaires
  • gerard cotton

    le

    On peut rajouter à cet apport absolument génial le célébrissime librettiste de Mozart ( les Noces , Don Giovanni , Cosi ) , inspiré comme personne , qui schématisait aussi vite que Wolfgang posait les notes , le moment absolu , et toute la farandole de ses pérégrinations picaresques , drôles , finalement très émouvantes , qu'il a su masquer avec beaucoup de pudeur .
    Plus toute la philosophie critique , cet aiguillon hors du commun .
    La barbarie veut nous enlever tout ça .
    On va pas se laisser faire !

  • mac cabee

    le

    Bonaparte a œuvré pour que les juifs s'émancipent en France et il savait pourquoi il le faisait et avait vu dans sa terre natale le liens étroit qui pouvait exister entre les juifs et les chrétiens.
    Je sais aussi de quoi je parle !

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