Entre Obama et Netanyahu, rien ne va plus

Arrivés en même temps au pouvoir en 2009, Barack Obama et Benjamin Netanyahu n'ont jamais -tant s'en faut- été complices. Mais en s'exprimant mardi prochain sur l'Iran devant le Congrès américain, ce dernier marque une rupture et met les liens entre les deux pays à l'épreuve.

AFP
Entre Obama et Netanyahu, rien ne va plus
©AFP

Arrivés en même temps au pouvoir en 2009, Barack Obama et Benjamin Netanyahu n'ont jamais -tant s'en faut- été complices. Mais en s'exprimant mardi prochain sur l'Iran devant le Congrès américain, ce dernier marque une rupture et met les liens entre les deux pays à l'épreuve.

Furieuse de cette visite organisée dans son dos entre le Premier ministre israélien et le républicain John Boehner, la présidence américaine a exclu toute rencontre à la Maison Blanche. Et le vice-président Joe Biden qui assiste traditionnellement aux discours de dirigeants étrangers, sera absent en raison d'un déplacement à l'étranger opportunément organisé au même moment.

La tension est palpable et la Maison Blanche ne prend plus de gants pour exprimer son exaspération: cette visite a un effet "destructeur", a lancé, dans un registre inhabituel, Susan Rice, proche conseillère du président américain.

Cette polémique éclate au moment où se dessinent les contours d'un possible accord sur le programme nucléaire iranien, qui empoisonne les relations internationales depuis une décennie.

Pour M. Obama, un accord avec Téhéran, visant à s'assurer que la République islamique n'obtienne pas l'arme nucléaire, figurerait en très bonne place dans le chapitre "politique étrangère" de son bilan.

M. Netanyahu, qui a déclaré qu'il ferait "tout" pour empêcher la conclusion d'un accord qu'il juge dangereux, a érigé ce dossier en priorité absolue: "Je respecte la Maison Blanche et le président américain mais sur un sujet aussi grave, c'est mon devoir de tout faire pour la sécurité d'Israël".

Si l'on ajoute les élections israéliennes dans deux semaines et le nouvel équilibre politique américain - un Congrès entièrement dominé par les républicains pour la première fois depuis l'arrivée au pouvoir de M. Obama - tous les ingrédients sont réunis pour un pic de tension.

"C'est la tempête parfaite qui éclate enfin sur fond d'une relation qui fonctionne mal", résume Aaron David Miller, du centre de réflexion Woodrow Wilson. "C'est un clash de personnalités, de politiques, et un clash sur la façon dont ces deux dirigeants voient le monde", ajoute cet ancien diplomate américain qui fut impliqué, avec plusieurs administrations successives, dans les négociations au Proche-Orient.

Depuis l'annonce de cette visite peu conforme au protocole, la Maison Blanche distille des piques à l'attention du gouvernement israélien. Elle a ouvertement déploré qu'il diffuse des informations qu'elle juge parcellaires sur les négociations en cours pour déformer la position américaine.

"Nous serons toujours en première ligne dans notre engagement derrière l'Etat d'Israël, mais (M. Netanyahu) fait peut-être tout simplement une erreur de jugement" sur le dossier nucléaire iranien, a lancé mercredi le secrétaire d'Etat John Kerry.

Pour Aaron David Miller, l'exécutif américain "utilise ce faux-pas de Netanyahu (le discours devant le Congrès, ndlr) pour essayer d'envoyer un signal clair" à l'approche des élections dans son pays. "Ils ne peuvent bien sûr pas le dire mais soyons clairs: ils aimeraient le voir quitter le pouvoir".

Les interrogations qui ont entouré la conférence annuelle de l'AIPAC, principal lobby pro-Israël aux Etats-Unis, illustrent l'état d'esprit qui domine à Washington. Après plusieurs jours de mutisme, la Maison Blanche a finalement annoncé qu'elle serait représentée par Susan Rice et Samantha Power, ambassadrice américaine à l'ONU. A deux reprises, dans des périodes moins tendues, M. Obama y avait lui-même prononcé un discours.

La visite du Premier ministre israélien suscite aussi des divisions au sein de la classe politique américaine.

"Ce qui est +destructeur+ est de conclure un mauvais accord" avec l'Iran, a lancé jeudi John Boehner, président républicain de la Chambre des représentants, jugeant crucial que les Américains puissent "entendre ce que le Premier ministre (israélien) a à dire".

Mettant en avant le fait que le soutien de l'Amérique pour Israël a "toujours transcendé les partis", des sénateurs démocrates ont proposé à M. Netanyahu de le rencontrer, sans succès.

La Maison Blanche, qui met inlassablement en avant le "lien indestructible" entre les deux pays, en dépit de désaccords persistants sur la poursuite de la colonisation dans les Territoires palestiniens, refuse de commenter la nature des relations entre les deux hommes. "Il n'y a aucun dirigeant étranger avec lequel le président a passé plus de temps qu'avec M. Netanyahu", se borne-t-elle à souligner.

Si M. Netanyahu sort vainqueur des élections du 17 mars, les deux dirigeants aux styles si différents devront se côtoyer pendant encore près de deux ans.

Vous êtes hors-ligne
Connexion rétablie...