Marek Halter: "À qui téléphoner pour pacifier la Libye? On ne sait pas"

Dans son court pamphlet pacifiste "Réconciliez-vous" , tiré à 50 000 exemplaires, Marek Halter, écrivain juif, d’origine polonaise et naturalisé français, et auteur de " La Bible au féminin" , tente de combler un fossé d’incompréhension entre certains croyants.

Entretien>Sami Acef (St.)
Marek Halter: "À qui téléphoner pour pacifier la Libye? On ne sait pas"
©Alexis Haulot

Dans son court pamphlet pacifiste "Réconciliez-vous" , tiré à 50 000 exemplaires, Marek Halter, écrivain juif, d’origine polonaise et naturalisé français, et auteur de "La Bible au féminin" , tente de combler un fossé d’incompréhension entre certains croyants. Pour lutter contre le racisme, l’antisémitisme, les conflits entre communautés ou l’endoctrinement des jeunes par l’islam radical, l’auteur ne préconise qu’un remède : la parole.

Dans votre livre vous craignez que l’islam prenne "le rôle de l’ennemi mythique qu’on se cherche depuis le communisme".

Sartre disait : "Tout Homme s’impose en s’opposant." Pendant septante-cinq ans, deux générations ont grandi avec l’idée de s’opposer au communisme. L’Union soviétique s’est en partie effondrée parce qu’on avait perdu foi en son grand espoir laïc. Mais nous, les laïcs, n’avons pas réussi à le susciter de nouveau. L’Homme s’est alors réfugié dans la valeur la plus universelle, la religion. Malraux l’avait dit : "Le XXIe siècle sera religieux." Aujourd’hui on cherche à montrer que son Dieu est meilleur que celui de l’autre. On est entré dans un cycle de guerres qui ne ressemble plus à ce que l’on connaissait.

Vous comparez le discours de Barack Obama, à celui d’Urbain II, lançant la première croisade en 1095.

Oui, mais sur un seul plan. Celui de cette chrétienté, qui n’est plus confrontée à un Etat, mais à une autre religion.

Mais aujourd’hui la situation n’est-elle pas plus complexe ? Différentes religions s’opposent à l’islam radical.

Tout nous paraît plus compliqué. Notamment parce que les moyens de communications ont évolué. A l’époque (des croisades), l’islam était déjà atomisé et complexe, mais on ne parlait que du "Sarrasin" qui persécutait les "Chrétiens d’Orient." Aujourd’hui, on est mieux informé, mais on ne sait pas toujours à qui parler. Lors de la crise des missiles à Cuba, Kennedy pouvait téléphoner à Khrouchtchev. Dans le conflit israélo-palestinien, jusque très récemment, Netanyahou pouvait appeler Abbas, ils se connaissent. Mais aujourd’hui, à qui faut-il téléphoner pour pacifier la Libye ? Pour trouver un compromis en Irak ? On ne sait pas.

Vous dites : "L’Etat islamique prôné par Daech a remplacé le Komintern." Comment arrivent-ils à séduire des jeunes du monde entier ?

Prenez un jeune de 15 ou 16 ans qui veut vivre une aventure. Aujourd’hui, on ne lui offre rien. Il n’y a que Daech qui lui propose quelque chose. Pourquoi ne pas emmener les jeunes des quartiers secourir les gens qui se noient en Méditerranée ? Ce pourrait être une aventure extraordinaire ! Ils passeraient à la télévision, et ce serait une plus belle image que celle de leurs copains sur des chars et sous des drapeaux noirs.

Selon vous on oublie souvent que les premiers concernés par la lutte contre l’islam radical sont les musulmans.

C’est vrai, nous avons tout faux. Pour s’opposer à Daech, on leur répond avec Voltaire et son Traité de la tolérance. Mais ils s’en foutent ! Il faut lire le Coran, et ses commentaires. Leur dire qu’Allah n’est pas avec eux. C’est une affaire entre l’islam, et ceux qui sont en train de le salir. C’est donc l’islam qu’il faut mobiliser.

De quelle façon ?

En parlant. La violence commence là où se termine la parole. J’ai toujours dit que si je me trouvais en face de quelqu’un avec une Kalachnikov, et qu’il me laissait parler, il ne me tuerait pas. Quand on s’intéresse à quelqu’un on ne peut plus le haïr. Vous n’êtes pas obligé de l’aimer, mais vous ne pouvez plus le haïr. Pour l’instant, c’est la seule chose que j’ai à proposer.

Marek Halter, "Réconciliez-vous", Robert Laffont, 63 pp., env. 3 €.

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