Cet article vous est offert
Pour lire gratuitement cet article réservé aux abonnés, connectez-vous
Vous n'êtes pas inscrit sur Le Monde ?

Asaf Avidan : « Je ne suis pas israélien, je suis d’Israël »

La polémique qu’ont déclenchée les propos de la star du rock Asaf Avidan dans son pays d’origine n’a pas lieu d’être, puisque l’identité de ce pays se décline de toute façon au pluriel.

Publié le 17 mars 2015 à 16h47, modifié le 19 août 2019 à 13h07 Temps de Lecture 4 min.

Asaf Avidan 
répétition à Tel Aviv

Alors qu’il préparait sa tournée européenne, Asaf Avidan, rock star israélienne (35 ans), a été suivi à Tel-Aviv par la journaliste du Monde Stéphanie Binet. Au cours d’entretiens, dans le contexte de la campagne électorale pour le renouvellement du Parlement israélien, la Knesset, il a notamment déclaré : « Je ne me considère pas comme israélien » et « ce qui nous maintient ensemble [les Israéliens], c’est notre peur. C’est ça Israël : nous sommes le peuple traqué. Cela occupe toutes nos conversations. Voilà pourquoi je ne veux plus vivre ici ».  A propos de l’incitation du premier ministre de son pays, Benyamin Nétanyahou à ce que les juifs de France émigrent en Israël, Asaf Avidan a parlé d’« opportunisme électoral ». Ces propos ont été repris par la presse et les médias israéliens ainsi que sur Internet. L’artiste précise ici son point de vue.

Lire aussi Article réservé à nos abonnés Asaf Avidan, rockeur traqué, de la crête aux pieds

« Ces six dernières années, chaque fois que j’ai donné une interview à la presse étrangère, j’ai essayé d’être raisonnable et pondéré dans mes propos. Je n’apprécie pas les personnes qui utilisent l’appétit de la presse étrangère pour les déclarations percutantes contre Israël comme moyen d’attirer l’attention. Je n’ai aucun problème avec les opinions personnelles de chacun, mais je sais que la presse aime à les exagérer, à s’en saisir pour ensuite les déshabiller et les exhiber, et cela me paraît mesquin. Il me semble que cela dégrade l’important, qui est la création et l’art. Et c’est la seule chose que je tente de présenter.

Par conséquent, dans chaque entretien que j’ai donné, depuis le début, j’ai toujours dit… Je ne suis pas « un artiste israélien »… je suis « un artiste d’Israël ». Je n’essaye pas de représenter Israël. Je ne suis pas un politicien. Je ne suis pas un diplomate. Et, en tant que fils de diplomates, je n’ai jamais souhaité en être un. « Je n’ai su faire le récit que de moi-même » (vers issu d’un poème de Rachel Blaustein [Poétesse de langue hébraïque, 1890-1931]).

Et tout en sachant combien cela sonne narcissique, c’est la seule chose qui m’intéresse. Cette interminable introspection. Ces questionnements, qui suis-je, que suis-je, quels sont mes sentiments et émotions, quelles sont mes pensées… C’est l’essence de ma création.

Frontières imaginaires

Donc, quand quelqu’un me demande si je suis israélien… je dois être complètement honnête et dire que cela ne m’intéresse pas. Au fond, ce ne sont que des frontières imaginaires que nous avons dessinées. Ce n’est pas que je ne crois pas en un pays en tant qu’unité socio-politique qui a besoin d’exister. Je ne veux pas remonter le temps à l’ère des royaumes ou à l’époque des conflits perpétuels entre tribus. Le pays a une importance. Et je ne fuis pas les droits et les devoirs que le pays spécifique où je suis né m’a donnés.

Simplement, je ne me définis pas comme israélien. Parce que c’est une déclaration sans substance. Il y a tellement de types de personnes, de couleurs, d’opinions, de personnalités, de cultures à l’intérieur de ce pays, qu’est-ce que cela peut bien vouloir dire que je ne sois pas israélien. Je suis un être humain. Homo sapiens. Je suis d’« Israël ». Et je n’ai jamais dissimulé ce fait. Je n’ai pas changé mon nom ou caché mon identité. Même dans les situations où ce n’était pas toujours plaisant. C’est là d’où je viens. Pour le meilleur et pour le pire.

Mais le fait que je sois né là ne veut pas dire que je dois y mourir. Ne me force pas à y passer chaque instant de ma vie, ne me force pas à avoir chaque respiration que j’ai sur cette planète à l’intérieur d’une seule et même partie de la Terre aux frontières imaginaires. Je veux vivre un peu en Italie. Pourquoi ? En quoi cela vous concerne ? Parce qu’il y a là-bas de bons mets et de bons vins. Et d’immenses plaines qui coûtent le prix d’une boîte de chaussures à Tel Aviv. Et parce qu’il y a là-bas du calme.

Me retrouver dans la nature

J’ai travaillé dur ces dernières années, j’ai économisé chaque shekel, dollar ou euro qu’il m’est resté après avoir payé mes impôts (impôts israéliens d’ailleurs) et, au bout du compte, j’en suis venu à pouvoir acheter une maison. J’aurais pu acheter un trois pièces à Jérusalem ou à Tel-Aviv, mais j’ai décidé de ne pas le faire. Certaines personnes auraient choisi d’acheter une propriété à Berlin, d’autres auraient emménagé à la campagne, j’ai décidé autrement.

Le Monde Application
La Matinale du Monde
Chaque matin, retrouvez notre sélection de 20 articles à ne pas manquer
Télécharger l’application

Je veux construire un studio d’enregistrement au milieu de nulle part et créer en paix. Attaquez-moi en justice ! En quoi cela vous concerne où je dors quand je ne suis pas en tournée ? De toute façon, les 80 % du temps je dors dans de mauvais hôtels sur différents continents. En quoi cela vous blesse ? Les quelques jours de vacances que j’ai dans l’année, j’ai envie de me retrouver dans la nature, avec arbres et ciel à perte de vue, avec de la bonne nourriture et de bons vins et une nouvelle langue à apprendre… c’est ce que je ressens… Je ne quitte pas le pays. Je ne change pas ma citoyenneté ou bien mon lieu de résidence, et je continue de payer mes impôts en Israël. Je continuerai de venir en Israël autant qu’avant. Rien n’a changé.

Bref… Pour vous tous qui avez déjà jeté mon album par la fenêtre, vous êtes cabrés et avez pointé du doigt furieusement des cartes, vous n’avez pas à me reprendre dans votre cœur ou à me remettre sur votre étagère. Si cela suffit à vous faire passer de l’appréciation à la haine, alors peut-être qu’il en est mieux ainsi. »

L’espace des contributions est réservé aux abonnés.
Abonnez-vous pour accéder à cet espace d’échange et contribuer à la discussion.
S’abonner

Voir les contributions

Réutiliser ce contenu

Lecture du Monde en cours sur un autre appareil.

Vous pouvez lire Le Monde sur un seul appareil à la fois

Ce message s’affichera sur l’autre appareil.

  • Parce qu’une autre personne (ou vous) est en train de lire Le Monde avec ce compte sur un autre appareil.

    Vous ne pouvez lire Le Monde que sur un seul appareil à la fois (ordinateur, téléphone ou tablette).

  • Comment ne plus voir ce message ?

    En cliquant sur «  » et en vous assurant que vous êtes la seule personne à consulter Le Monde avec ce compte.

  • Que se passera-t-il si vous continuez à lire ici ?

    Ce message s’affichera sur l’autre appareil. Ce dernier restera connecté avec ce compte.

  • Y a-t-il d’autres limites ?

    Non. Vous pouvez vous connecter avec votre compte sur autant d’appareils que vous le souhaitez, mais en les utilisant à des moments différents.

  • Vous ignorez qui est l’autre personne ?

    Nous vous conseillons de modifier votre mot de passe.

Lecture restreinte

Votre abonnement n’autorise pas la lecture de cet article

Pour plus d’informations, merci de contacter notre service commercial.