Nier le génocide arménien ne coûte rien

Seule peut être poursuivie la négation de la Shoah. La frilosité de certains partis politiques explique bien des choses.

Jean-Claude Matgen
Nier le génocide arménien ne coûte rien
©Photo news

Quelqu’un qui, en Belgique, nierait l’existence d’un génocide à l’égard des Arméniens ne risque rien sur le plan pénal.

Comme nous l’a expliqué, vendredi, Me Alexis Deswaef, la loi antinégationniste du 23 mars 1995 tend à réprimer la négation, la minimisation, la justification ou l’approbation du génocide commis à l’égard des Juifs par le régime national-socialiste allemand pendant la Seconde Guerre mondiale.

Celui ou celle qui enfreindrait cette loi est passible d’une peine de prison de huit jours à un an.

Cette loi "Shoah", comme certains l’appellent, concerne donc spécifiquement les crimes commis par le régime nazi à l’égard de la communauté juive. Elle ne vise en aucune manière d’autres crimes à grande échelle, qui s’apparentent à des génocides, comme ceux qui ont eu pour théâtre le Rwanda, l’Arménie ou le Cambodge (les atrocités commises par les Khmers Rouges).

Selon divers observateurs, il serait envisageable d’obtenir que l’on étende le champ d’application de la loi de 1995 aux événements tragiques qui se sont produits au Rwanda, au printemps 1994.

Abrogation pure et simple ?

Mais il est politiquement beaucoup plus hasardeux de croire qu’une majorité pourrait se dégager pour dire que les massacres commis à l’égard des Arméniens sont constitutifs d’un génocide. De longue date, le PS et le CDH, principalement, bloquent toute initiative parlementaire visant à étendre la loi "Shoah" au génocide arménien. Ils n’ont guère envie de froisser un électorat d’origine turque très chatouilleux sur le sujet.

C’est d’ailleurs ce qui fait dire à Me Deswaef qu’il est temps de s’interroger sur l’intérêt qu’il pourrait y avoir à abroger purement et simplement la loi de 1995. "On pourrait envisager de considérer qu’aux limites qui sont mises au principe général de la liberté d’expression, à savoir l’incitation à la haine ou la discrimination, etc., seraient ajoutés les comportements consistant à nier ou à minimiser l’importance des crimes massifs commis à l’égard de communautés. L’arsenal législatif permettant de punir ce type de comportements existe sans qu’il faille nécessairement recourir à des dispositions spécifiques surtout lorsque celles-ci ne visent qu’un événement historique précis. Le débat n’est, en tout état de cause, pas saugrenu" , conclut le président de la Ligue des droits de l’homme.

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