Une coalition de dernière minute pour Netanyahou
Moins d'une journée. C'est le temps qu'il reste à Benjamin Netanyahou pour former un gouvernement. Après avoir remporté haut la main et à la surprise générale les élections législatives anticipées du 17 mars, il peine aujourd'hui à composer une majorité parlementaire...
- Publié le 06-05-2015 à 14h06
- Mis à jour le 06-05-2015 à 14h07

Moins d'une journée. C'est le temps qu'il reste à Benjamin Netanyahou pour former un gouvernement. Le Premier ministre sortant doit constituer une coalition majoritaire pour mercredi minuit. Après avoir remporté haut la main et à la surprise générale les élections législatives anticipées du 17 mars, il peine aujourd'hui à composer une majorité parlementaire à même de soutenir le gouvernement que le président Reuven Rivlin l'a chargé de composer.
La situation est inattendue pour celui dont le parti, le Likoud, avait remporté 30 sièges, soit un quart des 120 sièges qui composent la Knesset (le Parlement israélien). Inattendue et même cocasse car il avait provoqué lui-même la fin de la précédente législature en faisant chuter son propre gouvernement.
Mardi soir, alors que M. Netanyahou avait presque épuisé le délai supplémentaire de quatorze jours auquel il a droit, la coalition qu'il tentait de mettre sur pied totalisait 53 sièges. Et virtuellement 61, si le Foyer juif décidait d'y entrer. Cette majorité minimale mettrait le gouvernement à la merci du moindre parlementaire.
Calculs brouillés
Sachant M. Netanyahou coincé par l'échéance du délai légal, le Foyer juif de Naftali Bennett (qui détient huit sièges) tentait de faire monter les enchères jusqu'au dernier moment. Le parti nationaliste religieux se verrait bien avec un ministère important supplémentaire. Une manière de renforcer l'aile droite radicale d'un gouvernement qui, à moyen terme, pourrait évoluer vers une formule d'union nationale (voir ci-contre) en accueillant l'Union sioniste (24 sièges) du travailliste Yithzak Herzog et de la centriste Tzipi Livni.
"La responsabilité de la formation d'un gouvernement nationaliste repose à présent sur les épaules de Naftali Bennett", avait affirmé lundi soir le Likoud dans un communiqué. Benjamin Netanyahou a fait au Foyer juif "une offre sans précédent" en lui accordant le portefeuille important de l'Education, mais aussi celui de l'Agriculture, un poste de ministre adjoint de la Défense et une place au sein du cabinet restreint de sécurité, appelé aux décisions les plus cruciales.
"Netanyahou abusé"
Le refus, lundi, du parti Israël Beiteinou (6 sièges) du ministre sortant des Affaires étrangères, Avigdor Lieberman, de participer au gouvernement a brouillé les calculs de Benjamin Netanyahou qui pensait rassembler une coalition de 67 sièges.
"Je crois que Lieberman avait probablement prévu depuis le début de se faire le principal opposant (de droite, NdlR) de la majorité et qu'il n'avait pas prévu d'entrer dans la coalition gouvernementale. Donc je pense que Netanyahou s'est un peu fait abuser là-dessus", indique le politologue Sébastien Boussois. "Donc cela traîne parce que Netanyahou essaie de faire une coalition solide et qu'il ne parvient qu'à une majorité de 61 sièges, ce qui est très peu."
Pour lui, le "grand changement", c'est qu'il inclut le parti Koulanou de Moshe Kahlon, "la droite sociale", et "les exigences de celui qui sera le futur ministre des Finances de réinvestir l'Etat providence, de prendre des mesures économiques et sociales, contrairement aux options sécuritaires et de défense de Lieberman et d'autres".
Un gouvernement à la merci d'un député
Jusqu'ici, le Likoud (30 sièges) a signé des accords de coalition avec le parti de Koulanou (10) et les partis nationalistes religieux que sont le Shass (7) et Judaïsme unifié de la Torah (6).
La presse israélienne allait bon train en ironisant sur les difficultés de M. Netanyahou. "Un gouvernement qui repose sur 61 députés n'est pas le gouvernement de Benjamin Netanyahou mais plutôt un gouvernement à la merci de n'importe quel député", écrivait mardi le quotidien centriste "Yedioth Ahronoth". "Si ce député le veut, il peut maintenir le gouvernement la tête hors de l'eau et, s'il veut, il peut le faire disparaître avec l'eau du bain. Cela dépend de son humeur du matin", ajoutait le principal journal du pays, notoirement défavorable à M. Netanyahou.
"Les coalitions ne sont presque jamais stables en Israël"
Trois questions à Valentina Morselli, politologue, doctorante en politique internationale à l'ULB.
Netanyahou disposerait au mieux d'une majorité de 61 sièges (sur 120). Trop juste pour gouverner ?
Ce n'est pas la coalition la plus stable mais cela a déjà été fait. Même avec 67 sièges, si Lieberman y était entré, ça n'aurait pas été vraiment mieux. L'important, c'est qu'il y ait un accord. Netanyahou a tout intérêt à terminer maintenant la composition d'une première coalition pour respecter le délai légal imposé. Quitte à renégocier et modifier la coalition par la suite. Sinon, la gauche (l'Union sioniste de Herzog et Livni) pourrait être désignée pour former une coalition.
Quels risques voyez-vous à une coalition si peu stable ?
Les coalitions ne sont presque jamais stables en Israël. Un plus grand nombre de partis dans la coalition gouvernementale implique forcément une multiplicité de sujets de désaccord potentiels. Sans compter l'inclusion de partis proches des extrêmes, donc avec des positions plus difficiles à faire accepter. Par conséquent, les coalitions sont difficiles à gérer et s'effondrent lors des discussions sur des questions complexes et sensibles. Le gouvernement précédent a duré seulement vingt et un mois, soit moins de la moitié de son mandat législatif.
Si cette coalition ne convient pas à Netanyahou, il peut la modifier. Il n'a pas encore négocié le poste de ministre des Affaires étrangères, qui reste donc ouvert. Si Netanyahou décide de le garder pour lui et de le donner ensuite à quelqu'un d'autre, cela rouvre la possibilité de discuter. Je pense qu'il s'est laissé une marge de manœuvre assez importante pour pouvoir éventuellement rappeler Lieberman, voire Herzog, dans une coalition potentielle après avoir arrêté une première mouture.
Même Herzog, dites-vous ?
Tout peut être négocié. Lieberman disait que l'accord de coalition que Netanyahou a signé prévoit la possibilité de former une majorité de plus de 70 sièges. Or, une telle majorité inclut forcément l'Union sioniste. Cela ne signifie pas que Herzog accepte une éventuelle proposition. Jusqu'ici, il a toujours été opposé à l'idée d'entrer dans un gouvernement d'unité nationale. Il a surtout intérêt à attendre parce que si Netanyahou n'arrive pas maintenant à former une coalition, la tâche lui reviendra.