“Que les Juifs aillent vivre en Israël ? Les gens s’en foutent”

Un an après la tuerie du Musée juif, les juifs de la capitale ont appris à cohabiter avec les militaires chargés de les surveiller.

Julien Thomas
“Que les Juifs aillent vivre en Israël ? Les gens s’en foutent”
©Photo news

Un an après la tuerie du Musée juif, les juifs de la capitale ont appris à cohabiter avec les militaires chargés de les surveiller.

“Bien sûr, après le Musée juif, les gens ont été marqués. Mais le grand changement dans la tête des personnes de confession juive, je l’ai surtout observé après les attentats à Paris et l’opération menée à Verviers (NDLR : Une opération antiterroriste aurait déjoué des attentats imminents en Belgique en janvier). 0n a alors réalisé que le risque était bien réel, et pas hypothétique”.

Mikha Weinblum, le directeur de la maison des jeunes du Centre Communautaire Laïc Juif (CCLJ), qui comprend notamment une crèche de 40 enfants, a tout de suite accepté que la DH puisse accéder à l’intérieur du bâtiment. Ceci afin de sonder les juifs sur leur ressenti général, un an après la tuerie survenue au Musée juif de Belgique.

Ouvrir ses portes à un journaliste semble ne rien avoir de très extraordinaire, mais pas du côté la communauté juive. Un jour plus tôt, devant une école juive anderlechtoise, un responsable de la sécurité nous avait ainsi très fermement fait comprendre que le simple fait de poser des questions sur le trottoir nous causerait des problèmes. “J’appellerai la police”, a-t-il expliqué, faisant le pied de grue jusqu’à notre départ. Derrière lui, l’immense bâtiment sans fenêtre et bardé de caméras n’avait en apparence pas grand-chose d’une école. Tenter de rentrer en contact avec la communauté juive, c’est déjà se rendre compte du climat hypersécuritaire dans lequel ils vivent tous les jours. C’est être confronté aux immenses portes blindées et aux deux soldats lourdement armés qui y veillent. “On avait déjà des policiers avant la tuerie et on a désormais l’armée depuis Charlie. J’ai toujours pensé auparavant qu’un tel dispositif de sécurité était exagéré, mais en fait de compte, cela ne l’était pas. On peut donc être tué juste parce qu’on est juif”, lâche Mikha Weindblum.

David, 36 ans,qui vient chercher son fils de 17 mois à la crèche du centre, ne cache pas les déchirements qui l’habitent lui, et sa femme. “On est belge, on se sent belge, et pourtant on vit avec cette question : devons-nous quitter la Belgique pour assurer un meilleur avenir à notre fils ?”, explique-t-il. “Je veux que mon fils puisse grandir dans les mêmes conditions que moi. Or, il y a une génération de cela, il y avait beaucoup moins d’antisémitisme qu’aujourd’hui”, assure le papa du petit Joseph. Pour lui, une vérité saute aux yeux : le deux poids et deux mesures des politiciens par rapport à l’islam, qu’il explique par des raisons électoralistes. “Dans des manifestations pro palestiniennes, on entend parfois des “Mort aux juifs”. Essayez seulement de lâcher un “Mort aux musulmans” dans une manifestation… On a été très déçu à l’époque du manque de fermeté de Di Rupo”, insiste ce papa, précisant être par ailleurs critique à l’égard d’Israël.

Carole, 33 ans, a deux filles âgées de un et deux ans. “J’ai un profil atypique par rapport à beaucoup d’autres juifs de Belgique. Je suis psychologue et j’ai travaillé en Israël avec des victimes d’attentats”, précise-t-elle d’emblée. “Les gens ont été étonnés après Charlie et le musée, mais, moi, j’ai toujours su qu’il pouvait y avoir des attentats ici ! , sourit Carole. “De manière générale, il y a une montée du radicalisme religieux à Bruxelles. Cela n’est pas nécessairement les juifs qui en souffrent, mais surtout et d’abord les femmes”, précise cette maman.

Va-t-elle quitter le pays, comme l’envisage désormais ouvertement David ? Carole soupire, un rien agacée. “Le départ des juifs vers Israël, c’est le débat intellectuel du moment… Mais entre nous, que les juifs quittent ou non le pays, tout le monde s’en fout ici!”

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