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ÉGYPTE

Sinaï : "La coopération entre l’Égypte et Israël n’a jamais été aussi élevée"

La menace jihadiste dans le Sinaï égyptien, frontalier d'Israël, oblige Le Caire et l’État hébreu à coopérer. Surtout pour le renseignement, domaine dans lequel l’Égypte présente de sérieuses faiblesses, indique le géopolitologue Frédéric Encel.

Un véhicule blindé de l'armée égyptienne dans le Sinaï (archives).
Un véhicule blindé de l'armée égyptienne dans le Sinaï (archives). Archives, AFP
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À peine le président égyptien, Abdel Fattah al-Sissi, avait-il promis de renforcer la lutte contre le terrorisme qu’une branche affiliée à l’organisation de l’État islamique (EI) menait, mercredi 1er juillet, une série d’attaques meurtrières contre l'armée dans la péninsule du Sinaï.

Au moins 70 personnes, en majorité des soldats, ont été tuées lors de ces violences, ont indiqué des responsables de la santé et de la sécurité. Jamais les forces égyptiennes n’avaient essuyé d’aussi lourdes pertes dans le Sinaï, où elles dirigent depuis deux ans des opérations militaires d’envergure contre Ansar Beït al-Maqdess ("Province du Sinaï"), le groupe affilié à l'EI dans la région.

>> À lire sur France 24 : "L’EI déclare la guerre au pouvoir égyptien"

Plus qu’un revers, cette attaque sans précédent constitue une véritable déclaration de guerre au pouvoir égyptien, selon Frédéric Encel, maître de conférences à Science-Po Paris et auteur de l’ouvrage "Géopolitique du Printemps arabe" (PUF). Une guerre pour laquelle Israël est mis à contribution, notamment en autorisant Le Caire à déployer des moyens militaires supplémentaires dans le Sinaï. Comme à chaque fois que cette région frontalière subit les assauts des jihadistes. Entretien.

France 24 : En quoi la série d’attaques menée par l’EI dans le Sinaï constitue-t-elle une déclaration de guerre au pouvoir égyptien ?

Frédéric Encel : C’est une déclaration de guerre affirmée pour deux raisons. La première raison est économique. Un peu comme l’attentat de Sousse, dont l’objectif était de porter un coup au secteur du tourisme en Tunisie, il y a ici une volonté de frapper au cœur de l’économie d’État égyptienne. Il faut savoir que le Sinaï est un grand pourvoyeur de richesses. En matière touristique notamment, puisque cette péninsule est, grâce à Charm el-Cheikh, la deuxième zone la plus fréquentée des touristes après le Nil et les Pyramides.

Mais ce qui en fait surtout un grand pourvoyeur de ressources financières, c’est le canal de Suez, première rente de l’État avec ses dizaines de supertankers qui y paient quotidiennement un droit de passage. Cette économie n’a pas encore été touchée, mais il faut bien avoir en tête qu’au premier bateau visé, de nombreux affréteurs et assureurs ne prendront plus le risque d’y passer et contourneront l’Afrique, comme le faisait le Portugal au XVIe siècle. Cela prendra deux ou trois semaines de plus, mais coûtera moins cher.

Comment expliquer que cette attaque coordonnée et extrêmement bien préparée ait échappée aux renseignements égyptiens ?

Les renseignements égyptiens étaient puissants au temps de Hosni Moubarak. Mais leur principale mission était de lutter en interne contre les opposants politiques. Or les rangs jihadistes sont composés, dans leur majorité, de personnes venant de l’extérieur, soit de la bande de Gaza soit des filières yéménites et soudanaises. Les Égyptiens qui ont intégré l’EI sont des gens qui se sont radicalisés récemment et échappent donc aux vieux réseaux du renseignement égyptien.

En outre, l’État central ne peut que très peu compter sur une coopération de la population du Nord-Sinaï, composée très majoritairement de Bédouins. Or, un peu comme au Nord-Mali, cette population locale qui, parce qu’elle s’estime lésée sur le plan politique et social, n’hésite pas à s’allier avec les jihadistes. Les Bédoins ne sont pas des idéologues, ils ne pratiquent pas un islam radical, mais ils ont besoin de liquidités et se livrent donc assez facilement à toutes sortes de trafics et d’actions crapuleuses qui sont profitables aux jihadistes.

Depuis l’attaque de mercredi, on sait qu’Israël pourrait autoriser Le Caire à déployer des moyens militaires supplémentaires dans le Sinaï, pourtant largement démilitarisé depuis le traité de paix signé en 1979 à Camp David. De même, selon le quotidien israélien "Haaretz", l’Égypte a "invité" les forces armées israéliennes à agir contre l’EI. Se dirige-t-on vers une coopération accrue entre l’Égypte et l’État hébreu ?

Il est clair que la coopération entre les deux pays n’a jamais été aussi élevée. Mais cette collaboration ne date pas d’hier. En août 2012, alors que des hommes armés venus de Gaza venaient de tuer 16 gardes-frontières égyptiens, l’Égypte a demandé à Israël l’autorisation de pouvoir ramener deux régiments blindés dans le Sinaï. À cette époque, le pays était dirigé par Mohamed Morsi, Frère musulman dont le gouvernement comptait alors des salafistes…

Concrètement, la coopération entre les deux pays est presque exclusivement centrée sur le renseignement. L’Égypte et Israël échangent des renseignements sur des activistes, des jihadistes en puissance. Israël, qui dispose de drones performants, livre des informations sur des mouvements de petits groupes dans le Sinaï. Et puis, il y a les échanges qui se font via les renseignements américains, puisque les États-Unis sont les alliés militaires à la fois de l’Égypte et d’Israël.

 

 

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