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Finkielkraut, Onfray, Zemmour: ont-ils gagné la bataille des idées ?

Sébastien SORIANO/Le Figaro

FIGAROVOX/ANALYSE- Le succès de Michel Houellebecq, Eric Zemmour, Alain Finkielkraut, Michel Onfray fait qu'ils sont de plus en plus qualifiés d'intellectuels dominants. Ce qui n'est pas tout à fait le cas.


Vincent Tremolet de Villers est rédacteur en chef des pages Débats/opinions du Figaro et du FigaroVox


Gustave Flaubert ne regardait pas «On n'est pas couché». C'est dommage. Il aurait pu ajouter dans son catalogue des opinions chic du Dictionnaire des idées reçues une nouvelle entrée. La suivante:

«Vous avez gagné la bataille des idées» - affirmation qui accompagne toute évocation d'Alain Finkielkraut, Michel Houellebecq, Éric Zemmour et Michel Onfray. Peut servir sur un plateau de télévision comme dans un éditorial.

Ces mots prononcés dans les talk-shows, lus dans les journaux prennent à force de répétition le caractère d'une évidence. Ils ne résistent pas, cependant, à un examen même superficiel des faits.

Il faut d'abord rappeler à ceux qui l'auraient oublié que cette bataille ne date pas d'hier. En 2002, déjà, l'affaire des «nouveaux réactionnaires» (mutatis mutandis les mêmes qu'aujourd'hui) avait fait trembler les esprits larges et les cœurs débordants. Daniel Lindenberg, dans un essai au titre emprunté au Code pénal, Le Rappel à l'ordre (Seuil), avait mis en garde nos intelligences contre«les forces du repli». Dépoussiérons la quatrième de couverture: «Un vent d'hiver souffle sur la vie intellectuelle française depuis quelques années. Il vient de loin, mais porte à de nouveaux combats, hier encore improbables: contre la culture de masse, contre les droits de l'homme, contre 68, contre le féminisme,contre l'antiracisme, contre l'islam… Les nouveaux réactionnaires, grands artificiers de cette levée générale des tabous, déploient leur offensive sur deux fronts - les deux pôlesde la culture politique française qui prônent une “société ouverte”: la gauche égalitaire et la droite libérale. Au cœur de cette nouvelle synthèse idéologique de combat flotte le fantôme d'une politique héroïque qui menace la démocratie.» C'était il y a treize ans donc. Depuis, d'innovations pédagogiques en société inclusive et de repentances collectives en développement des droits de l'individu, il faudrait porter d'étranges lunettes pour voir dans nos gouvernements et dans nos lois la première trace de ce que Pierre Nora appelle une «réaction conservatrice». C'est tout l'inverse. La plupart de ceux qui ont exprimé leur scepticisme, ou même leur franche opposition (lors du référendum de 2005 par exemple ou à l'occasion des Manifs pour tous), ont échoué: ils sont socialement relégués et politiquement anachroniques. Leur cas est tellement préoccupant qu'il faut, pour le qualifier, emprunter au vocabulaire olfactif - «rance», «moisi», «nauséabond»-ou psychiatrique - «europhobe», «homophobe», «islamophobe».

Rien de confortable cependant dans cette renommée. Si bataille il y a, elle est asymétrique. Ils sont quatre ou cinq (en première ligne) contre la plus grande partie des politiques (Alain Juppé a qualifié dimanche de « catastrophe »la vision de ces intellectuels)et des nouveaux clercs que sont certains journalistes. Une minorité agissante certes, mais une minorité.

Rien dans les lois donc, peu dans les discours politiques, mais une inquiétude, bientôt une méfiance de la population qui malgré tout ne croit pas aux lendemains qui chantent. Cette angoisse de la dépossession, ce vertige devant la déconstruction, quelques essayistes, philosophes, romanciers s'y sont plongés et ont remonté de leur exploration des livres certainement discutables (ils le sont tous) mais percutants et profonds. Ils ont touché aux ressorts de l'inconscient collectif et rencontré un succès spectaculaire. Succès que leurs adversaires renforcent par une suite ininterrompue de polémiques, de unes, de «clashs». Au point de faire de leurs cibles des vedettes.

Rien de confortable cependant dans cette renommée. Si bataille il y a, elle est asymétrique. Ils sont quatre ou cinq (en première ligne) contre la plus grande partie des politiques (Alain Juppé a qualifié dimanche de «catastrophe»la vision de ces intellectuels) et des nouveaux clercs que sont certains journalistes. Une minorité agissante certes, mais une minorité. Elle n'est donc pas épargnée. Alain Finkielkraut est régulièrement l'objet de campagnes de presse qui lui valent d'être taxé de boutefeu, d'agent du Front national, de raciste. Éric Zemmour a été viré d'une chaîne de télévision pour des propos qu'il n'a pas tenus. Il est régulièrement convoqué au tribunal. Ses positions sur l'islam lui valent, depuis le mois de janvier, de vivre sous protection policière. Michel Houellebecq, comme le rappelait Jacques Julliard dans nos colonnes, a été désigné dans des éditoriaux «à la vindicte des islamistes». Il est, lui aussi, protégé par les services du ministère de l'Intérieur. Quant à Michel Onfray, dont on louait la liberté et l'ampleur de la pensée, il n'est plus qu'un «philosophe de comptoir», un populiste, un idiot utile au service de Marine Le Pen.

Ils n'ont pas gagné, loin de là, mais la gauche «progressiste», en s'acharnant sur eux, en fait le centre de gravité du débat. Disons que dans ce Mai 68 à l'envers les autorités morales vieillissantes s'indignent comme des bourgeois devant les barricades. Scandalisés par les «provocations» de ces écrivains, nombre de médias jouent, de facto, le rôle de l'ex-ORTF et Manuel Valls celui de ministre de l'Information. Comme autrefois Alain Peyrefitte. Écrira-t-il «C'était Hollande?»

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130 commentaires
  • Marie Jeanne Scott

    le

    Terrible de penser que l'émission "On n'est pas couché." puisse passer pour une émission culturelle. On y échange quelques bons mots, des connivences, des lieux communs mais peu de réflexions.

  • 2760674 (profil non modéré)

    le

    Quelle bataille des idées ? Ils en ont des idées (neuves) Finkielkraut, Zemmour, Onfray, Houellebecq.... ? Le malheureux pays de Sartre, Bachelard, Aron, Foucault, Bourdieu... Chez les aveugles... Des maitres à penser autoproclamés sans envergure !...

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