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Israël-Palestine : Abbas et Nétanyahou sous la pression de leur base

Les émeutes se poursuivent à Jérusalem-Est et en Cisjordanie, tandis que des colons israéliens se sont rassemblés pour exiger une répression accrue.

Par  (Jérusalem, correspondant)

Publié le 06 octobre 2015 à 16h43, modifié le 06 octobre 2015 à 17h37

Temps de Lecture 6 min.

Des manifestants israéliens d'extrême droite, le 5 octobre à Jérusalem.

Ils ont chanté et dansé, en famille, les enfants hissés sur les épaules. Ils ont repris des chants religieux et applaudi les orateurs. Ils avaient tous à la bouche les mots les plus sévères possibles, les plus tristement imagés, contre les Palestiniens. Les colons israéliens (400000 au total) ont fait une démonstration de force et d’unité, lundi 5 octobre dans la soirée, devant la résidence de Benyamin Nétanyahou, à Jérusalem. Encadrés par un dispositif policier impressionnant, les habitants de « Judée-Samarie », arrivés par bus de Cisjordanie, avaient deux demandes à adresser au chef du gouvernement : une répression plus sévère et la poursuite des constructions, partout, dans les territoires sous occupation.

Trois ministres, Zeev Elkin, Yariv Levin et Haim Katz, étaient présents, en soutien des colons, qui ont joué un rôle important dans le succès du Likoud aux élections législatives de mars. Benyamin Nétanyahou a reçu longuement l’un de leurs représentants, Yossi Dagan. « Pour le moment, on n’est pas parvenu à un accord, explique une proche du président du conseil régional de Samarie. En matière de construction, il y a trop de restrictions bureaucratiques, il faut les lever. Pour bâtir une maison ou un balcon, il faut une autorisation du ministère de la sécurité ou de la défense. » Dans l’esprit des colons, les nouvelles constructions ne sont pas conçues seulement comme un développement urbain naturel, sur une terre donnée par Dieu. Elles doivent aussi représenter une punition pour les Palestiniens en raison des derniers attentats.

Le paradoxe de Nétanyahou

Pour l’heure, Benyamin Nétanyahou se concentre sur la flambée de violences en Cisjordanie et à Jérusalem-Est, qui se poursuivaient mardi, notamment à l’entrée de Ramallah, au poste de Kalandia, et à Bethléem. Arrimé à une majorité d’un seul siège à la Knesset, dépendant beaucoup des ultranationalistes, « Bibi » ne veut pas pour autant basculer dans les bras de l’extrême droite. Les Etats-Unis et l’Union européenne restent très attentifs à tout encouragement politique ou administratif à la colonisation, sans envisager toutefois de réelles sanctions contre l’Etat hébreu. La Jordanie et l’Egypte, pays alliés sur le plan sécuritaire, sont aussi attentifs. Le chef du gouvernement joue donc la partition qu’il maîtrise traditionnellement le mieux, celle de la rhétorique guerrière et de la gestion du conflit. Elle ne va pas de soi, car la détérioration de la situation est évidente, avec quatre Israéliens tués depuis le 1er octobre.

Benyamin Nétanyahou, le 6 octobre au camp militaire de Horon, près de Naplouse.

La politique sécuritaire de M. Nétanyahou lui vaut de nombreuses critiques, à droite comme dans l’opposition travailliste, en raison de son manque d’efficacité. Tel est le paradoxe de M. Nétanyahou : souvent perçu comme un idéologue extrémiste par ses critiques à l’étranger, il est attaqué, au sein de son propre camp, pour ses contorsions et son manque de détermination. La réunion de son conseil de sécurité, qui s’est prolongée mardi jusqu’au milieu de la nuit, a été houleuse, selon la presse israélienne.

Le premier ministre a refusé, par exemple, de suivre l’appel de son ministre de l’éducation, Naftali Bennett, qui veut mettre à nouveau derrière les barreaux les dizaines de prisonniers palestiniens relâchés ces dernières années (par exemple pour la libération du soldat Gilad Shalit). En revanche, M. Nétanyahou veut accélérer les punitions symboliques, à l’efficacité douteuse. Les maisons de deux terroristes, passés à l’acte en 2014, ont été détruites. D’autres devraient suivre.

Le gouvernement va aussi s’en prendre à la branche nord du Mouvement islamique, organisation qui a fait de la défense de la mosquée Al-Aqsa son étendard. Les autorités l’accusent d’incitations répétées à la violence sur l’esplanade des Mosquées (mont du Temple). Dans le passé, l’interdiction du Mouvement islamique avait été évoquée, puis abandonnée. Enfin, à l’occasion d’un déplacement mardi au quartier général de la brigade de Samarie, M.Nétanyahou a annoncé l’installation de caméras de surveillance dans les airs et au sol, le long des grands axes routiers en Cisjordanie. Il a en même temps appelé les leaders des « communautés », soit des colonies, à « agir de façon responsable et à être précis ». C’est-à-dire, à ne pas le critiquer.

« Il n’y a pas de limites dans les actions de nos forces de sécurité »

Lundi, en début de soirée, peu avant le début du concert des colons, les autorités ont annoncé l’arrestation de cinq membres d’une cellule du Hamas, sise à Naplouse, soupçonnés d’être les auteurs de l’assassinat d’un couple de colons, le 1er octobre, sur une route au nord de la Cisjordanie. Des centaines de policiers supplémentaires ont été déployés à Jérusalem, outre les quatre bataillons de l’armée en Cisjordanie, qui affrontent les jeunes émeutiers, usant de balles réelles et en caoutchouc. Deux jeunes Palestiniens ont déjà été tués. Selon l’enquête préliminaire de l’armée, la mort de Abed Rahman Abdallah, 13 ans, près de Bethléem, atteint par une balle de calibre 22, n’était pas « intentionnelle ». Une bavure, qui ne change rien à la détermination générale. « Les policiers pénètrent en profondeur dans les quartiers arabes, ce qui n’a pas été fait dans le passé, a expliqué lundi M.Nétanyahou dans un communiqué martial. Nous ne sommes pas décidés à accorder une immunité aux émeutiers, aux provocateurs ou aux terroristes, où que ce soit. Par conséquent, il n’y a pas de limites dans les actions de nos forces de sécurité. »

Près de Ramallah, le 5 octobre.

Lundi dans la soirée, Mahmoud Abbas a réuni son propre conseil de sécurité. Il lui a donné pour instruction, selon l’agence palestinienne Ma’an, de ne pas offrir de prétexte aux Israéliens pour une escalade. Le président de l’Autorité palestinienne n’a pas condamné les dernières violences, ni les émeutes qui mobilisent de nombreux jeunes mineurs ou tout juste majeurs. Ce regain de violences spontanées n’est pas pour déplaire à certains cadres politiques, sans parler des groupes armés, qui sont exaspérés par l’absence de résultats concrets de la stratégie de l’Autorité palestinienne, sur le plan international.

« Pas d’escalade »

Affaibli, perçu par beaucoup de Palestiniens comme un collaborateur des Israéliens en raison de la coordination sécuritaire entre services, Mahmoud Abbas marche sur un fil ténu. Mardi après-midi, le vieux dirigeant a réuni le comité exécutif de l’Organisation pour la libération de la Palestine (OLP). Un communiqué interminable a été publié à son issue. On y apprend notamment que le comité « adresse ses condoléances aux familles des martyrs et souhaite un prompt rétablissement aux héros blessés. » Le comité appelle aussi toutes les factions à surmonter leurs différences et à présenter un front uni, en se réunissant dès que possible au sein du Conseil national palestinien, le parlement de l’OLP. « Toutes nos instructions à nos agences de sécurité, à nos factions et à notre jeunesse ont été que nous ne voulons pas d’escalade », a déclaré M.Abbas, selonla presse palestinienne. Mais peut-on tenir la jeunesse ? Quant aux policiers, on les observe à plusieurs centaines de mètres des émeutiers. Ils ne semblent guère pressés de s’interposer pour éviter l’affrontement.

Comme Benyamin Nétanyahou, Mahmoud Abbas est accusé par sa base de mollesse et de compromis trop fréquents, sans rien obtenir en retour. Voilà pourquoi, pour l’heure, il a préféré ne pas éclaircir ses intentions politiques, après son discours devant l’Assemblée générale des Nations unies, la semaine passée. A New York, Mahmoud Abbas avait déclaré que l’Autorité palestinienne ne se sentait plus engagée par les accords d’Oslo (1993) signés avec les Israéliens, dès lors que ces derniers ne les avaient jamais respectés. Nouvelle menace sans conséquence, ou tournant stratégique ? Le flou demeure complet. Pour l’heure, le comité politique du comité exécutif a été saisi, pour examiner la mise en musique des déclarations de M.Abbas.

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