Cet article vous est offert
Pour lire gratuitement cet article réservé aux abonnés, connectez-vous
Vous n'êtes pas inscrit sur Le Monde ?

Nétanyahou fait du grand mufti de Jérusalem l’inspirateur de la « solution finale »

Devant le 37e Congrès sioniste mondial, le premier ministre d’Israël a affirmé que Haj Amin Al-Husseini avait persuadé Hitler d’exterminer les juifs. L’opposition dénonce « une dangereuse distorsion historique ».

Par  (Jérusalem, correspondant)

Publié le 21 octobre 2015 à 11h59, modifié le 21 octobre 2015 à 18h17

Temps de Lecture 4 min.

Benyamin Nétanyhaou, à Jérusalem, le 20 octobre.

A la veille de sa visite officielle en Allemagne, Benyamin Nétanyahou a mis en cause, mardi 20 octobre, l’influence qu’aurait exercée le mufti de Jérusalem sur Hitler, pour le persuader de mener l’extermination des juifs européens, pendant la seconde guerre mondiale. Le premier ministre s’exprimait devant le 37e Congrès sioniste mondial, à Jérusalem. Choisissant de passer en revue « les dix grands mensonges » auxquels est confronté Israël, M. Nétanyahou s’est arrêté sur l’instrumentalisation des lieux saints par les Palestiniens pour mener des attaques contre les juifs, à commencer par la mosquée Al-Aqsa, au cœur du cycle de violences actuel.

A cette occasion, il a revisité l’histoire de la Shoah, en présentant le mufti de Jérusalem, Haj Amin Al-Husseini, comme une source d’inspiration de Hitler. « Il s’est envolé vers Berlin, a expliqué M. Nétanyahou. Hitler ne voulait pas à l’époque exterminer les juifs, il voulait expulser les juifs. Et Haj Amin Al-Husseini est allé voir Hitler en disant : “Si vous les expulsez, ils viendront tous ici.” “Que dois-je faire d’eux ?”, demanda-t-il. Il a répondu : “Brûlez-les. »

« Dangereuse distorsion historique »

Ce dialogue imaginaire qui aurait eu lieu le 28 novembre 1941 lors de la rencontre, tout à fait réelle, entre Hitler et le mufti, a déclenché un incendie sur les réseaux sociaux. Il a obligé les responsables politiques à intervenir dans le débat, tandis que les historiens étaient invités à se prononcer sur la validité de cette thèse. Yitzhak Herzog, le chef des travaillistes, a réagi mercredi sur sa page Facebook en évoquant « une dangereuse distorsion historique ». « Je demande à Nétanyahou de la corriger immédiatement car elle minimise la Shoah, le nazisme et… le rôle de Hitler dans le désastre terrible de notre peuple ».

Mais la réaction la plus tranchante fut celle de Zehava Galon, la cheffe du parti de gauche Meretz : « Peut-être que les 33 771 juifs assassinés à Babi Yar en septembre 1941 – deux mois avant la rencontre entre le mufti et Hitler – devraient être exhumés et mis au courant que les nazis ne voulaient pas les détruire. » Quant à Saëb Erakat, le secrétaire général de l’Organisation pour la libération de la Palestine (OLP), il a affirmé que « Nétanyahou déteste tant les Palestiniens qu’il est prêt à absoudre Hitler pour le meurtre de six millions de juifs ». M. Erakat a aussi souligné la participation de milliers de Palestiniens dans les rangs des Alliés.

« Peut-être que les 33 771 juifs assassinés à Babi Yar en septembre 1941 devraient être exhumés et mis au courant que les nazis ne voulaient pas les détruire », a ironisé Zehava Galon, la cheffe du parti de gauche Meretz

Moshe Yaalon, le ministre de la défense, a semblé prendre ses distances avec les propos du chef du gouvernement. « Bien entendu, a-t-il dit, Haj Amin Al-Husseini n’a pas inventé la solution finale à la question juive. L’histoire montre clairement que Hitler en est à l’origine. Haj Amin Al-Husseini l’a rejoint. » Interrogé par le site d’information Ynet, la professeure Dina Porat, historienne en chef de Yad Vashem, a réfuté l’analyse développée par M. Nétanyahou. « On ne peut pas dire que c’est le mufti qui a donné à Hitler l’idée de tuer ou de brûler les juifs, a-t-elle expliqué. C’est faux. Leur rencontre a eu lieu après une série d’événements qui allaient dans ce sens. » Des collègues de Dina Porat abondent en ce sens. « Al-Husseini a soutenu l’extermination des juifs, il a essayé d’empêcher le sauvetage des juifs, il a recruté des Arabes pour les SS, explique pour sa part l’historien Meir Litvak, de l’université de Tel-Aviv. C’était une personne abominable, mais cela ne doit pas minimiser l’ampleur de la culpabilité de Hitler. »

Pression

Chercheur à l’université Bar-Ilan, au Centre Menachem-Begin pour l’étude des mouvements de résistance, Edy Cohen ne partage pas ce point de vue et se dit « d’accord » avec le premier ministre, au-delà de tout débat politique partisan. « Nétanyahou a résumé ce que le mufti voulait accomplir, dit-il au Monde. Je pense que Hitler et le mufti se sont inspirés mutuellement. On ne peut pas dire qui voulait le plus tuer les juifs. Par contre, il faut souligner que la “solution finale n’a débuté qu’après sa visite à Berlin. » Selon Edy Cohen, M. Nétanyahou a eu raison de rappeler le rôle du mufti dans les incitations à la violence. « C’est lui qui a inventé l’idée selon laquelle la mosquée Al-Aqsa était en péril. Il voulait l’aide du monde arabe, de l’argent et des armes, mais ces pays ont hésité. Or le mufti était très intelligent. Il a dit que les juifs voulaient détruire Al-Aqsa pour y construire un troisième temple. Il a été le premier à les accuser de ça. »

Ce n’est pas la première fois que Benyamin Nétanyahou fait du mufti de Jérusalem la source d’inspiration du régime nazi pour l’extermination des juifs. Dans un discours prononcé en janvier 2012 devant la Knesset (le Parlement israélien), M. Nétanyahou disait déjà ceci : « Haj Amin Al-Husseini fut l’un des architectes de la “solution finale. Il s’était rendu à Berlin. Il avait fait pression et imploré Hitler (…) et le persuada plus que quiconque de conduire la solution finale. Ne pas laisser les juifs partir de peur qu’ils ne viennent ici, mais les annihiler, les brûler. »

Juste avant de prendre l’avion pour Berlin, mercredi, le premier ministre a tenté de limiter les dégâts causés par ses propos de la veille. « Je n’avais pas l’intention d’absoudre Hitler de sa responsabilité dans la destruction diabolique de la communauté juive européenne. Hitler était responsable de la solution finale pour l’extermination de six millions de juifs. Il a pris la décision. » Mais, selon Benyamin Nétanyahou, il serait « absurde d’ignorer le rôle joué par le mufti Haj Amin Al-Husseini. » Il a expliqué que son intention était de « montrer que les aïeux de la nation palestinienne, sans pays et sans la soi-disant “occupation”, sans territoire et sans colonie, aspiraient déjà à inciter systématiquement à l’extermination des juifs. »

L’espace des contributions est réservé aux abonnés.
Abonnez-vous pour accéder à cet espace d’échange et contribuer à la discussion.
S’abonner

Voir les contributions

Réutiliser ce contenu

Lecture du Monde en cours sur un autre appareil.

Vous pouvez lire Le Monde sur un seul appareil à la fois

Ce message s’affichera sur l’autre appareil.

  • Parce qu’une autre personne (ou vous) est en train de lire Le Monde avec ce compte sur un autre appareil.

    Vous ne pouvez lire Le Monde que sur un seul appareil à la fois (ordinateur, téléphone ou tablette).

  • Comment ne plus voir ce message ?

    En cliquant sur «  » et en vous assurant que vous êtes la seule personne à consulter Le Monde avec ce compte.

  • Que se passera-t-il si vous continuez à lire ici ?

    Ce message s’affichera sur l’autre appareil. Ce dernier restera connecté avec ce compte.

  • Y a-t-il d’autres limites ?

    Non. Vous pouvez vous connecter avec votre compte sur autant d’appareils que vous le souhaitez, mais en les utilisant à des moments différents.

  • Vous ignorez qui est l’autre personne ?

    Nous vous conseillons de modifier votre mot de passe.

Lecture restreinte

Votre abonnement n’autorise pas la lecture de cet article

Pour plus d’informations, merci de contacter notre service commercial.