C’est vrai que, vu de loin, le Paris-Saint-Germain et Manchester City se ressemblent. Ces deux clubs sont les nouveaux riches les plus clinquants de la planète football, les flots d’argent liquide en provenance du Moyen-Orient les ont soudain sortis du marasme en emportant un peu de leur âme, et ils ont en commun trois joueurs (Ali Benarbia, Sylvain Distin, Nicolas Anelka), une Coupe des coupes (1970 pour City, 1996 pour Paris) et un triste 0-0 lors de leur unique confrontation (Ligue Europa, 2008). La gémellité s’arrête là.
Car, au-delà de quelques nuances superficielles telles que le bleu du maillot (bleu nuit contre bleu ciel), la musique d’entrée des joueurs sur la pelouse (Who said I would de Phil Collins contre Right here, right now de Fatboy Slim), le nombre de joueurs français dans le 11 de départ ce soir (2 pour Paris, 3 pour Manchester), ou le fait qu’une de ces équipes joue dans la plus belle ville du monde, les deux rivaux ont vu leur existence suivre des cours bien différents, que ce soit depuis le début de saison, depuis leur rachat récent, ou depuis leur fondation, en 1880 pour Manchester City, en 1970 pour le PSG – quatre-vingt-dix ans d’écart : ce ne sont pas des jumeaux.
Quatre quarts de C1 à zéro
Bien plus âgé, City présente pourtant un palmarès bien moindre puisqu’il a mis plus d’un siècle pour accumuler 18 trophées – quatre championnats, cinq Coupes d’Angleterre, quatre Coupes de la Ligue, quatre Community Shields et une Coupe d’Europe – quand le PSG en a amassé 26 en moins d’un demi-siècle – six championnats, neuf Coupes de France, cinq Coupes de la Ligue, cinq Trophées des champions et une Coupe d’Europe.
Avant cette année, Manchester City n’avait jamais connu le vertige des quarts de finale de la Ligue des champions, que Paris a déjà fréquentés à quatre reprises (1995, 2013, 2014, 2015), se hissant même dans le dernier carré à sa première tentative. En revanche, le club anglais a déjà vécu à maintes reprises les affres de la relégation en deuxième division, et même obtenu le privilège de devenir, en 1998, le premier champion d’Angleterre relégué en troisième division. Le PSG, qui avait entamé son aventure en D2, n’a quant à lui plus quitté la D1 depuis qu’il s’y est hissé, en 1974.
A Paris, ni derby ni déménagement
Les supporteurs parisiens n’ont jamais expérimenté les joies d’une véritable rivalité locale, contrairement à leurs homologues mancuniens, qui vivent au rythme des joutes avec les Red Devils de United – les deux stades sont distants de six kilomètres. Le déplacement le plus court, cette année, pour le PSG aura été celui à Reims (130 km) et, si l’on excepte les rares épisodes des années 1970, face au Paris FC ou au Red Star qui évoluaient alors parmi l’élite, le club de la capitale ne sait pas ce qu’est un derby.
Le PSG ne sait pas non plus ce qu’est un déménagement : hormis quelques rencontres au stade Georges-Lefèvre (Saint-Germain, l’actuel Camp des Loges, centre d’entraînement du club), au stade Jean-Bouin (Paris), au stade Bauer (Saint-Ouen) ou au stade Yves-du-Manoir (Colombes), il n’a réellement connu qu’un seul stade, le Parc des Princes, où il réside depuis 1974. City, lui, a occupé trois stades majeurs : Hyde Road jusqu’en 1923, Maine Road jusqu’en 2003, puis le City of Manchester Stadium, rebaptisé en 2011 Etihad Stadium, du nom d’une compagnie aérienne des Emirats arabes unis. Notez que le Parc des Princes, où l’on croise Enrico Macias ou Patrick Bruel, a le bon goût de ne pas encore s’appeler « stade Qatar Airways ». Mais l’Etihad Stadium, où Noel Gallagher, le chanteur d’Oasis, fait partie des meubles, a le bon goût, lui, d’avoir conservé un public survolté malgré l’arrivée des nouveaux propriétaires.
Pétrole vs gaz
Les spectateurs parisiens auraient pourtant de quoi faire la fête en tribunes : depuis que City et le PSG ont été rachetés respectivement par des fonds d’investissement d’Abou Dhabi en 2008 (merci le pétrole) et du Qatar en 2011 (merci le gaz), c’est le deuxième qui a mené la politique sportive la plus efficace. Les Qataris ont dépensé leurs millions d’euros (558) plus intelligemment que les Emiriens (1 014) et, si les dirigeants parisiens ont connu quelques ratés dans le recrutement (Gameiro, Sissoko, Van der Wiel, voire Digne ou Lavezzi) et peuvent se mordre les doigts d’avoir laissé filer Coman après l’avoir formé, ils ont eu le nez plus creux qu’à Manchester, où l’on a encore en travers du gosier les transferts de Robinho (40 millions d’euros), Adebayor (29 millions) ou Santa Cruz (21 millions).
A Manchester, on a voulu tout, tout de suite ; à Paris, on a pris son temps, et atteint plus vite ses objectifs. Le City d’Abou Dhabi a dû attendre trois ans pour se hisser en C1, le PSG du Qatar y est arrivé dès sa première saison. Ce même City n’est devenu champion qu’après quatre ans et n’a remporté la Premier League que deux fois (2012, 2014). Le PSG du Qatar y est parvenu au bout de deux ans et a déjà conquis quatre titres, même s’il faut reconnaître qu’aucun n’a eu la saveur miraculeuse de ceux de City, obtenus grâce à deux buts dans les arrêts de jeu du dernier match de la saison en 2012, et à une glissade de Steven Gerrard puis l’effondrement de Liverpool à Crystal Palace en fin de saison en 2014.
Et, à la décharge du club britannique, autre différence majeure, la concurrence est bien plus rude en Premier League qu’en Ligue 1, comme le soulignait le Mancunien Samir Nasri, lundi, dans L’Equipe : « Il n’y a pas de match facile en Angleterre. Pas un. J’aimerais bien voir Paris jouer un lundi soir à Stoke, à West Ham ou à l’Emirates contre Arsenal. Aujourd’hui, le Big Four n’existe plus. Il y a six, sept équipes qui peuvent être championnes. »
La différence se voit cette saison, où Manchester City, 4e de Premier League avec 15 points (et un match) de moins que le leader), 16 victoires et 56 buts marqués après 31 journées, n’a pas remporté deux matchs de suite depuis octobre. De son coté, le PSG, d’ores et déjà champion, avec 25 points d’avance sur son dauphin, et 81 buts marqués, est en train de réussir une saison record avec 25 victoires en 32 rencontres.
La réussite face aux équipes du top 6 de leurs championnats respectifs a de quoi inquiéter Manchester City – zéro victoire en neuf matchs – et rassurer le PSG – auteur d’un sept sur neuf. Mais méfiance, car, comme l’a judicieusement souligné Laurent Blanc, « Manchester City a une philosophie de jeu qui est celle de jouer au football ». Ce qui, a priori, lui fait un point commun avec le PSG et environ tous les clubs de la terre.
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