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Mort de l’actrice Ronit Elkabetz, visage du nouveau cinéma israélien

L’actrice, scénariste et réalisatrice, décédée mardi 19 avril à 51 ans, partageait son temps entre Israël et la France.

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Publié le 19 avril 2016 à 11h50, modifié le 20 avril 2016 à 09h35

Temps de Lecture 3 min.

L’actrice, scénariste et réalisatrice, Ronit Elkabetz, à Deauville, en septembre 2009.

Le regard intense, les traits taillés à la serpe, la crinière noire flamboyante. Ronit Elkabetz était le visage du nouveau cinéma israélien. Cette nouvelle vague profuse, diverse, stimulante qui, depuis le début des années 2000, déferle sur le monde, a été marquée par ses rôles de femmes intenses, se débattant sur la voie escarpée de l’émancipation, quand la pression de la société patriarcale ne les poussait pas au bord de la folie. Le cancer contre lequel elle luttait depuis deux ans l’a emportée, mardi 19 avril. Elle avait 51 ans.

Née dans une famille d’origine marocaine, d’un père financier pour la poste et d’une mère coiffeuse, Ronit Elkabetz est arrivée dans le cinéma par hasard alors qu’elle se destinait à une carrière de styliste. Venue passer un casting pour ce qu’elle croyait être une publicité, elle décroche le premier rôle du Prédestiné, de Daniel Wachsmann, en 1990. D’autres suivront vite, comme celui de cette jeune femme, déficiente mentale légère et douée de pouvoirs médiumniques que lui offre Shmuel Hasfari dans le beau Sh’Chur. Ce personnage, qui restera comme un des plus forts de sa carrière, contenait en germe toute sa personnalité d’actrice : « Je n’ai jamais été attirée par les rôles de belle femme, confiait-elle au Monde en 2004. Je suis attirée par la difficulté, la saleté, ce qui gratte, ce qui saigne ».

Saga familiale

Les questions soulevées par ce film, qui pointait de manière inédite les pesanteurs de la communauté marocaine d’Israël, résonnent fortement en outre, dans la saga familiale qu’elle réalisera plus tard avec son frère Schlomi, trois films inspirés de l’histoire de leur mère (Prendre femme, 2004, Les Sept Jours, 2007 et Gett, le procès de Viviane Amsalem, 2014) dans lesquels ils règlent leurs comptes avec les archaïsmes culturels de leur milieu d’origine.

En 1997, alors qu’elle vient de tourner pour Amos Gitaï (Milim, 1996) et de signer trois nouveaux projets de film, Ronit Elkabetz part pour la France où elle est inconnue, et repart à zéro. Après un stage d’un an dans la troupe d’Ariane Mnouchkine, épreuve aussi douloureuse que fondatrice, dira-t-elle, elle atterrit sur les planches du off d’Avignon pour jouer, sous la direction d’Ellen Melaver, le rôle d’une Martha Graham malade et alcoolique, âgée de 74 ans.

L’actrice, scénariste et réalisatrice, Ronit Elkabetz à Hollywood en octobre 2014.

Son retour en Israël coïncide avec ce moment où le cinéma national commençait à franchir les frontières. Dans Mariage tardif (2001), de Dover Kosashvili, elle joue l’amante, mère divorcée d’origine marocaine, d’un jeune homme d’origine géorgienne que sa famille cherche à marier avec une vierge issue de leur communauté. Dans Mon trésor (2003), de Keren Yedaya, elle est la mère prostituée d’une adolescente de 17 ans. Ces deux films la conduiront à Cannes où elle ne cessera de revenir dès lors, notamment avec son frère Schlomi, comme réalisatrice des Sept Jours (présenté à la Semaine de la critique, dont elle présidera le jury en 2015) puis de Gett, le procès de Viviane Amsalem (présenté à la Quinzaine des réalisateurs).

« Une femme géniale »

Ronit Elkabetz se disait heureuse d’avoir vécu ce moment où le cinéma israélien s’est affranchi de l’obligation de parler du conflit israélo-palestinien pour devenir « plus physique », « moins cérébral », « plus féminin ». Voire pour aller vers la comédie, comme elle l’a fait elle-même dans La Visite de la fanfare (2007), d’Eran Kolirin, dont le succès international a certainement favorisé son intégration dans le cinéma français – on l’a vue depuis chez André Téchiné (La Fille du RER, 2009), Pascal Elbé (Tête de Turc, 2010), Brigitte Sy (Les Mains libres, 2010) ou encore dans la série Trepalium (2016) d’Arte.

Coproductrice avec Sandrine Brauer de Gett, le procès de Viviane Amsalem, Marie Masmonteil évoque à son sujet « une femme géniale, profondément généreuse, dont les dehors un peu diva se dissipaient dès qu’elle commençait à parler. On pensait sincèrement qu’elle serait capable de vaincre la maladie, ou du moins de la repousser très loin elle était si forte… ». Ces derniers mois, raconte-t-elle, Ronit Elkabetz préparait un film sur la dernière année de la vie de Maria Callas, dont elle voulait elle-même jouer le personnage. « Le film devait être une réflexion sur la vie, sur cette femme qui ne voulait pas mourir. La Callas avait perdu sa voix, l’envie de chanter, Onassis… Et elle se reconditionnait pour renaître. Mais elle est morte avant, à 53 ans. »

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