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Racisme : les Français plus tolérants malgré un climat tendu

«Les crispations sur les sujets identitaires, en hausse ces dernières années, tendent à s'atténuer fortement», constatent les auteurs du rapport. JEAN PIERRE MULLER/AFP

INFOGRAPHIE - La Commission nationale et consultative des droits de l'Homme (CNCDH) publie ce lundi son rapport annuel sur le racisme, l'antisémitisme et la xénophobie en France et dresse un état des lieux.

Les Français sont plus tolérants que les années précédentes. C'est le principal constat dressé par la Commission nationale et consultative des droits de l'Homme (CNCDH) qui vient de rendre son rapport annuel sur le racisme, l'antisémitisme et la xénophobie en France. Comme chaque année, depuis 1990, cette institution rattachée à Matignon prend le pouls de la société française et fait un état des lieux du racisme dans notre pays. Voici, point par point, ce qu'on peut en retenir.

• Plus de tolérance dans un climat tendu

Pour mesurer le degré de tolérance en France, la CNCDH utilise une sorte de thermomètre national qu'elle a baptisé «indice longitudinal de tolérance». Plus les Français se montrent ouverts d'esprit, plus cet indice est élevé. Calculé chaque année, il montre que le niveau des préjugés varie au fil des ans. Alors qu'il était en baisse depuis 2009 - début de la crise économique - il remonte la pente depuis 2014et marque une nette progression en 2015. «Les crispations sur les sujets identitaires, en hausse ces dernières années, tendent à s'atténuer fortement», constatent les auteurs du rapport. «Les tensions au sein de la société française s'amenuisent et les comportements et propos racistes sont jugés de plus en plus intolérables».

Aujourd'hui, plus d'un Français sur deux affirme ne pas être raciste «du tout» alors qu'ils n'étaient que 43% en 2014, selon un sondage* de l'institut BVA pour la CNCDH. L'existence même des races humaines est de plus en plus remise en question: ils sont 33% à penser qu'elles n'existent pas (+5 points par rapport à 2014) et «seulement» 8% à croire qu'il existe des races supérieures aux autres (-6). Un phénomène inattendu puisque l'année qui vient de s'écouler ne présentait pas un contexte particulièrement favorable. Entre le terrorisme, l'état d'urgence, la montée des scores du Front national aux régionales et la crise migratoire qui frappe l'Europe, les chercheurs s'attendaient à voir augmenter les tensions au sein de la population. Finalement, «il semble que la société française refuse les amalgames et valorise l'acceptation de l'autre», résument les auteurs du rapport.

• Un effet attentat

Ce rebond vers plus de tolérance est en partie liée aux attentats de janvier et de novembre 2015. «Confronté à la difficulté extrême qu'est la lutte contre le terrorisme, il y a un besoin de République et de cohésion sociale, il faut faire corps», observe Christine Lazerges, présidente de la CNCDH. «Les marches républicaines partout en France initiées au lendemain des attaques de Charlie Hebdo et de l'Hyper Casher en sont la preuve». Ce moment de fraternisation et d'union nationale a encouragé la tolérance, selon les auteurs du rapport. Après les attentats de novembre, la réaction de la population a été différente. Etat d'urgence oblige, les rassemblements ont été interdits. Mais le fait que les terroristes aient frappé sur les terrasses, au Stade de France, dans une salle de concert, sans viser une catégorie de personnes en particulier, a sans doute facilité l'identification aux victimes. «Ça aurait pu être moi», se sont dit les Français au lendemain du 13 novembre.

• Les actes de violences atteignent des sommets

Cette plus grande ouverture d'esprit ne doit pas pour autant masquer une réalité plus sombre: il n'y a jamais eu autant de menaces (injures, tracts, etc.) et d'actes de violences (homicides, tentatives d'homicide, incendies, etc.) à l'égard des minorités en France. En un an, le ministère de l'intérieur a enregistré une hausse de 22,4% de faits délictueux à caractère raciste, antisémite et antimusulman, soit 2034 faits en 2015. «Un sommet jamais atteint depuis que ces statistiques sont révélées», alertent les auteurs.

Dans le détail, les plaintes pour actes et menaces racistes ont augmenté de 17,5% lorsque celles pour actes et menaces antimusulmans ont bondi de 223%. «Les attentats djihadistes ont favorisé les amalgames entre islam et fondamentalisme djihadiste», analyse la présidente de la CNCDH, Christine Lazerges. «Il est d'ailleurs intéressant de noter que les pics de violences ont été observés en janvier et novembre 2015, les mois des attentats». Seules les infractions antisémites ont enregistré une baisse de 5%. «Mais il faut rester prudent et voir si cette tendance se confirme sur le plus long terme», met en garde Christine Lazerges.

De manière plus générale, ces données issues du ministère de l'Intérieur doivent être regardées avec précaution. «Ces statistiques sont loin d'être représentatives du racisme en France. Elles ne reflètent que l'activité policière et ne prennent pas en compte toutes les violences subies car elles ne font pas toutes, loin de là, l'objet d'un dépôt de plainte», rappelle la responsable. Encore aujourd'hui, nombreuses sont les victimes qui ne portent pas plainte, par peur ou par méconnaissance de leurs droits. «Sans oublier les discriminations, pourtant nombreuses et insidieuses, qui ne sont pas prises en compte dans les tableaux statistiques du ministère de l'intérieur sur le racisme». Conscient de cette défaillance, le gouvernement s'est engagé à les inclure dès l'année prochaine.

• De nombreux clichés persistent sur les juifs et les musulmans

Que ce soit à l'égard des musulmans ou des juifs, les préjugés - même s'ils sont en recul - ont toujours la vie dure. Les chiffres parlent d'eux-mêmes: la religion musulmane évoque quelque chose de négatif pour 34% des Français et l'islam représente une menace pour l'identité nationale pour la moitié d'entre eux. De même, les clichés à l'encontre de la communauté juive restent tenaces. 41% pensent que les juifs ont un rapport particulier à l'argent et 20% estiment que les juifs ont trop de pouvoir en France.

• Un léger mieux pour les Roms

De manière générale, les Roms - à ne pas confondre avec les gens du voyage - sont les groupes qui sont les plus méconnus et mal perçus. «Mais depuis janvier 2015 on constate que ces sentiments négatifs ont non seulement cessé d'augmenter mais ont même fortement baissé», écrivent les auteurs. En janvier 2016, 57% des Français pensent que les Roms ne veulent pas s'intégrer en France alors qu'ils étaient 77 % en 2014. Cette amélioration est sans doute le fruit des mobilisations sur les droits des Roms, supposent les auteurs qui taclent au passage «l'approche répressive» des différents gouvernements, conduisant à des évacuations forcées. Les Roms restent toutefois la minorité la moins tolérée. 74% des Français les considèrent comme «un groupe à part» et plus de la moitié pense encore qu'ils vivent de vols et de trafics.

• Des ambiguités perdurent autour des immigrés

Là encore, l'intolérance a baissé mais les paradoxes autour de la question de l'immigration perdurent. D'un côté, 58% des Français trouvent qu'il y a trop d'immigrés en France, mais de l'autre, 79% pensent que les travailleurs immigrés doivent être considérés comme chez eux, puisqu'ils contribuent à l'économie française. De même, 60% considèrent que les immigrés viennent en France uniquement pour profiter de la protection sociale, mais dans le même temps, ils sont aussi 68% à affirmer que la présence d'immigrés est une source d'enrichissement culturel. Mais d'où viennent ces réponses contradictoires? «De la manière dont vous posez les questions aux Français, répond-on à la commission. Si vous utilisez une phrase à l'emporte-pièce, répétée à l'envi par les autorités politiques, du genre ‘Il y a trop d'immigrés en France', ils vous répondront oui dans leur grande majorité. Mais si la question est formulée différemment, ils vous répondront autrement et se montreront beaucoup plus tolérants qu'il n'y paraît».

• Plus de sécurité pour faire face au terrorisme

Enfin, l'enquête montre que le terrorisme est devenu une des principales craintes des Français. Alors qu'il était au quatrième rang en 2014, au troisième en 2015, il s'est hissé à la seconde place en 2016, juste derrière le chômage. Idem avec l'intégrisme religieux.

Face à cette menace, la sécurité prime sur la liberté. Pour 88% des Français, «si quelqu'un est soupçonné de préparer un attentat terroriste, la police devrait avoir le droit de le garder en prison jusqu'à être sûre que cette personne n'est pas impliquée». En revanche, les partisans de la peine de mort ont légèrement diminué (39%, -3 points), tout comme le sentiment partagé que les tribunaux ne sont pas assez sévères en France (69%, -2 points).

*Sondage réalisé du 4 au 11 janvier 2016 auprès de 1015 personnes, échantillon représentatif de la population française. Les sondés ont été interrogés chez eux, en face à face.

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441 commentaires
  • Berengere Kissfey de la Bile

    le

    Les Français sont un peuple bon, grand et généreux. C'est notre faiblesse. Combinée avec la lâcheté ou l'indifférence, quand ce n'est pas de la complicité active, de ceux qui prétendent nous gouverner, notre extrême générosité nous mène a la catastrophe....

  • Mouais59

    le

    Ce résultat est étonnant car il y a de plus en plus de patriotes (avec les "valeurs" prônées par le FN dont c'est le fonds de commerce), alors la tolérance devrait, au contraire, être de moins en moins fréquente.

  • Zerocool

    le

    des que l'on parle de racisme anti blanc et anti chrétien la censure est là ! n'est-ce pas en quelque sorte une forme de discrimination ?

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