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Manuel Valls, l’ami d’Israël, en visite à Tel-Aviv

Si le premier ministre a tenu à équilibrer sa visite entre l’Etat hébreu et dans les territoires palestiniens, il apparaît depuis quelques années comme pro-israélien.

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Publié le 20 mai 2016 à 19h25, modifié le 22 mai 2016 à 10h11

Temps de Lecture 4 min.

Manuel Valls et Benjamin Netanyahou à la Cop21 au Bourget le 30 novembre 2015.

Samedi 21 mai au soir, Manuel Valls a entamé un déplacement de trois jours en Israël et dans les territoires palestiniens. En amont de ce voyage, Matignon a particulièrement insisté sur son caractère « équilibré ». « Le premier ministre est très attaché à l’équilibre de son déplacement, il veut porter la relation d’ensemble de la France avec nos deux partenaires israélien et palestinien dans la région », indique la cellule diplomatique de la rue de Varenne. M. Valls restera jusqu’à lundi midi côté israélien, à Tel-Aviv puis à Jérusalem, où il rencontrera le chef du gouvernement, Benyamin Nétanyahou. Il se rendra ensuite côté palestinien jusqu’à mardi en fin d’après-midi, à Bethléem, Jérusalem-Est et Ramallah, où il s’entretiendra avec le premier ministre, Rami Hamdallah.

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L’agenda du premier ministre a été scrupuleusement programmé pour ne pas donner le sentiment qu’il privilégie un interlocuteur plus que l’autre. L’enjeu est important pour M. Valls, régulièrement accusé de défendre des positions trop favorables à Israël. Ses dernières déclarations lors du dîner du Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF), en mars, ont à nouveau suscité la controverse. Il avait alors déclaré que l’antisionisme est « tout simplement le synonyme de l’antisémitisme et de la haine d’Israël ». Ses propos ont provoqué de vives réactions, jusqu’au sein du gouvernement. « C’est une bêtise de dire qu’antisionisme égale antisémitisme, c’est une lecture totalement partisane qui ne peut que tendre un peu plus les rapports entre Israël et les Palestiniens », estime un ministre qui refuse néanmoins de réagir publiquement, jugeant le sujet « trop sensible ».

Ce « nouvel antisémitisme » dénoncé par M. Valls, et qui est, selon lui, une des composantes du péril islamiste qui peut nourrir le risque terroriste, s’inscrit dans la lignée de ses déclarations des dernières années. Il rappelle ses propos durant l’année 2015, après les attentats de janvier et de novembre, comme ceux qu’il avait tenus dès l’été 2014 contre les manifestations de soutien en France aux Palestiniens, au moment des raids militaires menés par Israël dans la bande de Gaza.

Un virage à partir de 2009-2010

Les défenseurs, en France, des droits du peuple palestinien, reprochent au premier ministre d’avoir opéré un changement dans ses positions à la fin des années 2000. « Il y a eu un virage à partir de 2009-2010 », estime Bertrand Heilbronn, le président de l’association Evry Palestine. A partir de 2001, M. Valls participe, comme nouveau maire d’Evry (Essonne), à plusieurs manifestations de soutien à la Palestine, organisées notamment par Evry Palestine. En novembre 2002, lors d’un rassemblement à la Mutualité, à Paris, après l’opération « Rempart » lancée par Israël pour occuper la Cisjordanie, il déclare qu’il faut « amener les Parlements et les gouvernements à suspendre l’accord d’association entre l’Union européenne et Israël ». En 2006, Evry est jumelée avec le camp de réfugiés de Khan Younès, situé dans la bande de Gaza, et la mairie accueille en son sein une opération de solidarité baptisée « Six heures avec la Palestine ».

En 2011, Valls fait partie des 110 socialistes qui s’opposent à la reconnaissance de l’Etat de Palestine par l’ONU

Mais, à partir des années 2009 et 2010, ses rapports avec les organisations propalestiniennes à Evry se rafraîchissent. Plusieurs observateurs au PS mettent ce changement sur le compte des ambitions politiques nationales naissantes de M. Valls, qui sera candidat à la primaire à gauche pour la présidentielle, en 2011. « Il a dû penser que pour être un jour président de la République, il devait nuancer », explique, à l’époque, un cadre du PS. En 2010, M. Valls dénonce le boycott des produits israéliens. Un an plus tard, il fait partie des 110 socialistes qui s’opposent, lors d’un vote du PS, à la reconnaissance de l’Etat de Palestine par l’ONU. Toujours en 2011, quelques mois après son mariage avec Anne Gravoin, il se déclare « par [sa] femme, lié de manière éternelle à la communauté juive et à Israël », lors d’une rencontre organisée par Radio Judaïca à Strasbourg. Une phrase qui depuis ne cesse d’alimenter les sites Internet complotistes et antisémites de la « fachosphère ».

« Parler franchement »

Matignon réfute tout virage dans la trajectoire politique et personnelle du premier ministre. « Il n’a pas à corriger quoi que ce soit, il a cette relation avec Israël, des gens qu’il connaît là-bas, son combat très personnel et très fort contre l’antisémitisme », affirme-t-on. Surtout, M. Valls est dans la ligne de la position française sur le dossier israélo-palestinien. « Il a une analyse sans ambiguïté sur les conditions nécessaires de la paix, par exemple sur la question des deux Etats, et sur l’arrêt de la colonisation israélienne », ajoute son entourage.

Pour Gilles Clavreul, délégué interministériel à la lutte contre le racisme et l’antisémitisme, rattaché à Matignon, le parallèle tracé par M. Valls entre l’antisionisme et l’antisémitisme ne prête pas à confusion. « Aujourd’hui, l’antisionisme est devenu une façon de tenir des propos antisémites sans l’assumer », affirme cet ancien préfet, regrettant que « tout ce qui s’apparente à un soutien à Israël [soit] toujours interprété de manière malveillante ». « Valls a une sensibilité particulière sur l’antisémitisme, il appelle un chat un chat, et remue les grilles de lectures établies, notamment à gauche », abonde le politologue Jean-Yves Camus, qui estime que « des dérives d’une certaine forme d’antisionisme sont bien réelles ».

Son amitié avec Israël n’empêche pas le chef du gouvernement de « parler franchement » aux autorités israéliennes, assure son entourage. Comme lorsque Benyamin Nétanyahou avait invité les juifs de France à faire leur alya et à immigrer en Israël, après les attentats contre Charlie Hebdo et l’Hyper Cacher. M. Valls aurait reproché ses propos à son homologue israélien lors de la cérémonie organisée à la Grande Synagogue de Paris, le 11 janvier 2015, tout comme il aurait eu des mots avec son service d’ordre, particulièrement intrusif. « Il avait été très clair avec Nétanyahou, mais il n’avait pas fait de déclaration publique. Si on veut être efficace, il faut savoir parfois rester discret », explique son entourage.

Manuel Valls prend ses distances avec une reconnaissance automatique de la Palestine

Le premier ministre français a pris ses distances dimanche 22 mai avec la menace faite en janvier par Paris de reconnaître l’Etat palestinien en cas d’échec de l’initiative française pour relancer l’effort de paix avec les Palestiniens.

M. Valls a aussi déclaré dans le quotidien palestinien Al-Ayyam que l’arrêt de la colonisation israélienne dans les Territoires palestiniens était un « impératif ».

Fin janvier, Laurent Fabius, depuis remplacé au Quai d’Orsay par Jean-Marc Ayrault, avait affirmé qu’en cas d’échec de l’initiative française, « nous devrons prendre nos responsabilités en reconnaissant l’État palestinien ». Israël avait fait de ces propos l’un de ses arguments primordiaux contre l’initiative française en faisant valoir que celle-ci était inutile puisque le résultat en était connu d’avance.

M. Ayrault, qui a repris la conduite de l’initiative, a considérablement atténué le propos depuis en déclarant qu’une reconnaissance n’était pas « automatique » en cas d’échec. M. Valls a abondé dimanche : « L’objectif, c’est d’aboutir à la création d’un État palestinien. C’est de permettre que votre aspiration nationale puisse enfin se concrétiser. Dire aujourd’hui quand nous reconnaîtrons l’État palestinien, c’est acter par avance l’échec de notre initiative ».

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