INTERVIEWManuel Valls en Israël: «Rien n’empêche le Premier ministre d’aller à l’étr

Critique de Manuel Valls en Israël: «Rien n’empêche le Premier ministre d’aller à l’étranger»

INTERVIEWLe professeur de droit constitutionnel Michel Lascombe revient sur les critiques formulées contre la visite du Premier ministre Manuel Valls en Israël et dans les Territoires palestiniens…
L'ancien président israélien Shimon Peres avec le Premier ministre français Manuel Valls en déplacement officiel en Israël, le 22 mai 2016 à Tel Aviv.
L'ancien président israélien Shimon Peres avec le Premier ministre français Manuel Valls en déplacement officiel en Israël, le 22 mai 2016 à Tel Aviv. - Ariel Schalit/AP/SIPA
Anne-Laëtitia Béraud

Propos recueillis par Anne-Laëtitia Béraud

Une visite à l’étranger critiquée en ces temps de mobilisation contre la loi travail. Le Premier ministre Manuel Valls s’est attiré les foudres de l’opposition alors qu’il effectue un voyage en Israël et dans les Territoires palestiniens pour relancer le processus de paix. Tant Bruno Le Maire, candidat à la primaire à droite, que Valérie Pécresse, présidente de la région Ile-de-France, ont estimé dimanche que la place du Premier ministre est en France alors que la contestation sociale est vive. Des critiques balayées par l’intéressé. Tour d’horizon des pratiques concernant les voyages du chef du gouvernement français avec Michel Lascombe, agrégé en droit public, professeur de droit constitutionnel à Sciences-Po Lille.

Le Premier ministre est-il autorisé à effectuer des déplacements à l’étranger ?

Rien n’empêche dans la Constitution que le Premier ministre effectue des déplacements à l’étranger. Ces voyages n’ont d’ailleurs rien de nouveau, car il y en a depuis le début de la Ve République. Leur nombre a, depuis lors, beaucoup augmenté.

En temps de concordance des majorités [les chefs de l’Etat et du gouvernement sont de la même couleur politique], le Président sait et est d’accord pour que le Premier ministre entreprenne cette visite. Mais lors d’une cohabitation, la situation devient plus curieuse, car elle pose la question de la représentation de l’autorité à l’étranger. Cela me rappelle un déplacement au Japon durant la première cohabitation [1986-1988, avec François Mitterrand Président et Jacques Chirac Premier ministre], lors d’un sommet du G8. Au nom d’un principe qui n’est pas écrit, le chef de l’Etat et le chef du gouvernement ne peuvent prendre un avion en même temps. Lorsqu’un est en l’air, l’autre est au sol. Pour ce voyage au Japon, François Mitterrand est parti le premier. Le temps que Chirac arrive à Tokyo, Mitterrand avait bouclé les réunions et les entretiens les plus stratégiques. Ne restaient qu’à Chirac les dîners officiels qui ne servent à rien…

Aucun texte ne régit donc les absences du Premier ministre du territoire national ?

Il n’y a rien dans la Constitution. Son article 7 évoque bien la vacance de la Présidence de la République, mais pas du Premier ministre. Concernant une cessation temporaire de fonctions du Premier ministre [qui serait opéré par exemple], là encore, il n’y a rien juridiquement. Cependant, on peut évoquer une tradition lancée en 1967. Le Premier ministre prend un décret et confie provisoirement la magistrature de Premier ministre à l’un de ses ministres. Ce mécanisme a été utilisé régulièrement, notamment par Michel Rocard [Premier ministre entre 1988 et 1991] qui a confié à Lionel Jospin ce poste de Premier ministre par intérim. Cependant, cette tradition s’est éteinte avec Edouard Balladur le 6 avril 1994. Aujourd’hui, ce n’est plus jugé utile car les moyens de communication sont tels que le Premier ministre est tenu au courant de la situation sur le territoire. Les moyens de communication sont tels que, même en vol, dans l’avion présidentiel surnommé « Air Sarko One », l’arme nucléaire pourrait désormais être actionnée.

Quand un Premier ministre ou un chef d’Etat doit-il interrompre un déplacement à l’étranger en raison de la situation de son pays ?

Là encore, rien n’est écrit. Mais on peut remarquer deux cas de figure. Ces visites sont interrompues en cas de morts sur le territoire national, ou lors d’une situation d’émeutes violentes. En déplacement en Iran et en Afghanistan du 2 au 11 mai 1968, Georges Pompidou est revenu en France alors que la situation frisait la guerre civile. Et le 24 mars 2015, le roi Felipe VI d’Espagne a annoncé l’annulation de sa visite officielle en France qu’il venait d’entamer, le jour du crash de la Germanwings [et dans lequel 51 Espagnols sont décédés].

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