Un ex-gardien d'Auschwitz condamné pour « complicité » dans la mort de 170 000 Juifs
Reinhold Hanning avant son verdict
Photo : ? POOL New / Reuters
Prenez note que cet article publié en 2016 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
La justice allemande a condamné vendredi un ancien gardien d'Auschwitz, Reinhold Hanning, à cinq ans de prison pour « complicité » dans la mort de 170 000 Juifs. L'homme âgé de 94 ans est un des derniers nazis encore en vie.
Les avocats des victimes, des survivants et des descendants des victimes avaient réclamé une peine de six ans de prison. Ils ont souligné, dans un communiqué, le « grand pas, même tardif, que marque ce procès ».
« Il savait qu'à Auschwitz des gens innocents étaient assassinés quotidiennement dans des chambres à gaz », a ajouté la Cour.
L'ancien gardien du camp de concentration et d'extermination nazi a exprimé des remords. « J'ai honte d'avoir laissé cette injustice se produire et de ne rien avoir fait pour l'empêcher », a-t-il dit dans une confession lue lors du procès par ses avocats.
La défense souhaitait que l'accusé soit acquitté en l'absence de preuves de « participation directe » aux meurtres commis. Même si l'ancien SS n'est pas mis en cause dans des actes criminels précis, l'accusation lui reproche d'avoir participé aux « rouages » de l'extermination.
Près de 1,1 million de personnes, dont 1 million de Juifs, sont mortes à Auschwitz entre 1940 et 1945, durant la Deuxième Guerre mondiale.
Récit d'un ancien nazi
Reinhold Hanning avait été recruté par les forces nazies à l'âge de 18 ans alors qu'il était ouvrier dans une usine de vélos. Après avoir combattu sur le front russe, dans les Balkans et aux Pays-Bas, il s'est blessé et a été transféré à Auschwitz en 1942.
L'ex-gardien savait « qu'une grande partie des gens qui arrivaient en train » étaient « abattus, gazés et brûlés ». « Je pouvais voir comment les cadavres étaient transportés [...]. Je percevais les odeurs d'incinération », a-t-il raconté. Reinhold Hanning a affirmé avoir essayé de « refouler » ce « cauchemar » toute sa vie et assure avoir demandé de retourner au front plutôt que de rester dans le camp.
Je n'ai jamais pu parler de mon expérience à Auschwitz avec d'autres personnes; ni à ma femme, ni à mes enfants, ni à mes petits-enfants.
Après la guerre, l'ancien SS est devenu laitier fromager et a attendu 71 ans avant d'être jugé.
RDA-RFA : Une justice à deux vitesses
Ce procès survient après deux autres condamnations similaires en 2011 et l'an dernier. Toutefois, les critiques abondent envers la justice allemande. On lui reproche d'avoir condamné trop peu, trop faiblement et trop tard les crimes nazis.
Selon l'historien allemand Andreas Sander, seulement 6650 personnes ont été condamnées depuis 1945 par les Alliés occidentaux, la RFA (Allemagne de l'Ouest) puis l'Allemagne réunifiée. Le juriste néerlandais Christiaan Rüter avance quant à lui un chiffre de 12 890 condamnations en RDA, communiste (Allemagne de l'Est), ce qui représente près du double des condamnations faites à l'Ouest.
De plus, les Alliés occidentaux et la RFA auraient attribué des peines beaucoup moins lourdes que la RDA. Seuls 9 % des personnes condamnées ont fait plus de 5 ans de prison et seulement 166 d'entre elles ont reçu une condamnation à perpétuité.
Parmi les condamnés, 7 % l'ont été pour « meurtre de masse ». La plupart des condamnations invoquaient des motifs de « dénonciation » ou de « persécution », ce qui n'inclut pas le caractère génocidaire des crimes commis.
L'historien Daniel Bonnard, de l'Université de Marbourg, nuance toutefois ce bilan. Selon lui, les procès rendus en RDA concernaient aussi des personnages politiques dérangeants, qui n'avaient pas forcément commis des crimes nazis.
Au contraire, la RFA soucieuse de reconstruire et d'unifier le pays a refusé d'intégrer la notion de « crimes contre l'humanité » dans son droit. Elle ne l'a fait qu'en 2002, mais sans effet rétroactif.
À lire aussi :
Avec les informations de Agence France-Presse