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Elie Wiesel s'est éteint, mais pas sa mémoire

Elie Wiesel, avant une table ronde sur « La signification de Plus jamais ça : se prémunir contre un Iran nucléaire », sur la colline du Capitole des États-Unis, à Washington, le 2 mars 2015.

Elie Wiesel, avant une table ronde sur « La signification de Plus jamais ça : se prémunir contre un Iran nucléaire », sur la colline du Capitole des États-Unis, à Washington, le 2 mars 2015.

Photo : Gary Cameron / Reuters

Radio-Canada

Je me souviens bien de cette première rencontre. C'était au printemps 2006. Cinq ans après les attentats du 11 septembre. Je me demandais comment un survivant de l'Holocauste réagissait aux attaques terroristes, à cette violence inouïe, à la mort de tant d'innocents. Et puis ce désordre mondial et la peur qui s'ensuivirent. Notre monde basculait. Elie Wiesel avait connu ça.

Un texte de Alain CrevierTwitterCourriel animateur de Second Regard

Et puis, après la libération d'Auschwitz, n'avions-nous pas dit « plus jamais »? Plus jamais ces horreurs?

Je voulais lui demander comment les croyants pouvaient vivre en paix avec leur foi alors que d'autres se revendiquaient du même Dieu pour répandre tant de haine.

Elie n'avait manifestement pas envie de répondre à une question aussi abstraite. Non, lui, il n'arrivait pas à comprendre comment des hommes qui avaient vu la démocratie à l'œuvre avaient pu poser un tel geste. Je m'en souviens, ça résonne encore dans mes oreilles : « pourquoi? », m'a-t-il demandé. « Pourquoi? » Et il y eut une sorte de silence entre nous deux.

Pourquoi, Elie?

J'ai revu Elie Wiesel à New York, cinq ans plus tard. Il me semblait avoir beaucoup maigri. Il me semblait fragile. Mais d'une humeur formidable! Cette fois, je voulais savoir pourquoi lui, Elie Wiesel, survivant d'Auschwitz, avait consacré toute sa vie à raconter l'histoire des camps. C'était à mon tour. Pourquoi, Elie? Pourquoi toutes ces années, ces conférences, ces livres, ces entrevues? Un devoir? Un cauchemar dont on ne peut s'échapper?

« Mais qu'auriez-vous voulu que je fasse? » Comme si je refusais de voir l'évidence. « Qu'auriez-vous voulu que je fasse? La bonne vie? Des fromages fins et du bon vin? Non Monsieur! Je m'appelle Elie Wiesel! »

Un peu plus tard, dans cette même entrevue, Elie est tombé dans un piège que je lui ai gentiment tendu. Un Prix Nobel de la paix, lui ai-je demandé, se réjouit-il de l'assassinat d'un homme comme Oussama ben Laden? (Ça venait de se produire). Pendant une seconde, ses yeux ont brillé. De malice et de reconnaissance. Juste un peu, m'a-t-il dit, si je me souviens bien.

Un dernier anniversaire

Il y a un peu plus d'un an, nous avons tenté de rejoindre Elie. Le 70e anniversaire de la libération d'Auschwitz approchait. J'aurais aimé lui proposer d'aller à Auschwitz ensemble. Pour la télé canadienne. On disait que c'était un des derniers grands anniversaires de la libération. Les grands témoins de cette tragédie nous quittent les uns après les autres.

Je n'ai jamais pu parler à Elie. Je ne l'ai pas vu aux grandes cérémonies. Je me suis douté que le temps était en train de faire ce qu'il fait toujours depuis la nuit des temps : il tournait une autre page de notre histoire.

Elie s'est éteint. Mais pas sa mémoire.

À lire absolument, La nuit, d'Élie Wiesel.

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