L’Egypte poursuit ses efforts pour ranimer le processus de paix
Le chef de la diplomatie s’est rendu à Jérusalem. Une visite rare. Analyse.
- Publié le 12-07-2016 à 20h24
- Mis à jour le 12-07-2016 à 20h29
La récente visite du chef de la diplomatie égyptienne Sameh Choukri en Israël confirme la volonté du Caire de relancer le processus de paix au Proche-Orient. La démarche de M. Choukri, qui s’est entretenu à deux reprises dimanche à Jérusalem avec le premier ministre Benjamin Netanyahou, s’inscrit dans la vague actuelle d’efforts internationaux visant à ranimer le dialogue entre Israéliens et Palestiniens, au point mort depuis plus de deux ans. La semaine précédente, M. Choukri s’était rendu au siège l’Autorité palestinienne, à Ramallah, dans le même esprit.
Première visite d’un haut responsable égyptien en Israël en près d’une décennie, le déplacement du ministre Choukri avait le mérite de donner corps à l’initiative du président égyptien. En mai, Adbel Fattah al Sissi avait proposé l’aide de l’Egypte pour tenter rapprocher les deux camps, estimant qu’il existait "une chance fantastique pour un avenir meilleur, pour une vie meilleure, pour plus d’espoir, pour plus de stabilité, pour une véritable coopération" .
Une volonté d’enfoncer le clou
"L’Egypte est toujours prête à contribuer aux efforts pour réaliser cet objectif" , a renchéri dimanche Sameh Choukri. Autrement dit, l’Egypte accueillera volontiers une nouvelle phase de pourparlers entre Israéliens et Palestiniens. Car, d’après lui, le règlement du conflit israélo-palestinien aura "un impact significatif et considérable sur la situation globale dans la région du Moyen-Orient" . La mission de Sameh Choukri consistait donc à "créer un environnement favorable à la reprise des négociations directes" afin de parvenir à une "paix juste et durable" .
Paradoxalement, le contexte interne et régional dégradé peut expliquer la volonté du Caire d’enfoncer le clou. Les violences en Cisjordanie, en Israël et à Jérusalem-est, parmi lesquelles une majorité d’attaques au couteau de la part de Palestiniens, ont fait depuis huit mois plus de 250 morts, dont 214 Palestiniens et 34 Israéliens.
Que l’Egypte s’engage sur cette voie n’est guère surprenant. Les autorités disent vouloir "réchauffer" les liens quelque peu distendus avec Israël. Ce faisant, le premier pays arabe le plus peuplé réaffirme l’importance du traité de paix signé en 1979 avec l’Etat hébreu. Le Caire fut le premier pays arabe à reconnaître Israël - seule la Jordanie l’a imité depuis lors - et le président Anouar al Sadate l’a d’ailleurs payé de sa vie, deux ans plus tard.
L’Egypte se place aussi habilement dans le sillage de l’Arabie saoudite, qui lui apporte un important soutien financier depuis le retour des militaires au pouvoir à la faveur du "coup d’Etat appuyé par le peuple" de juillet 2013. Le Caire a en effet réactivé la fameuse initiative de paix arabe lancée par Riyad au sommet de la Ligue arabe en 2002 à Beyrouth.
Les ardeurs du Hamas
"Cette initiative était révolutionnaire" , commente Ron Ben-Yishai, spécialiste des questions de sûreté nationale pour différents médias israéliens. Et pour cause, "les Arabes affirmaient vouloir reconnaître Israël, à condition qu’il se retire jusqu’à la ligne verte de cessez-le-feu (celle de la guerre de 1949, marquant la limite géographique de la Cisjordanie, envahie durant la guerre des Six jours en juin 1967) et que l’on trouve une juste solution au problème des réfugiés (palestiniens), conformément à la Résolution 199 du Conseil de sécurité de l’Onu."
La reprise de cette initiative arabe, avec les conditions des uns et les réserves des autres, constitue, dit-il, une "base de discussion" pourvu que l’on ne mette pas de "condition préalable" .
Israël, qui vient de se réconcilier avec la Turquie, sait que les liens avec l’Egypte peuvent également l’aider à tempérer les ardeurs de son bouillant voisin et toujours maître de la bande de Gaza, le mouvement islamiste Hamas. Pour Ron Yishai, c’est précisément la "radicalisation islamiste" qui fait que "pas grand-chose ne sortirait de ces négociations" .
"C’est le plus gros problème que nous ayons au Moyen-Orient. Aussi longtemps que cette radicalisation se fera sentir dans la région, aucun dirigeant arabe ne fera de concession à Israël, que ce soit Mahmoud Abbas, le président Sissi ou le roi Salmane d’Arabie saoudite. Ils ne feront pas de concession car ils risqueraient d’être assassinés, comme le président Sadate" , note M. Ben-Yishai.
La semaine dernière, le Quartette sur le Proche-Orient (composé des Nations unies, des Etats-Unis, de l’Union européenne et de la Russie) a renvoyé les deux camps dos à dos. Ce qui pourrait contribuer à remettre un peu la pression sur ceux-ci.