Pas de retraite pour l’entarteur Noël Godin: "Alain Finkielkraut, on l’aura"

À 70 ans, Noël Godin est confiant dans la nouvelle génération pour prendre la relève. Rencontre.

Clara Veszely
noel godin
noel godin © BAUWERAERTS DIDIER

À 70 ans, Noël Godin est confiant dans la nouvelle génération pour prendre la relève. C’est dans un quartier typiquement bruxellois, situé entre l’église Sainte-Marie et le Botanique, non loin de la gare du Nord à Bruxelles, qu’habite Noël Godin.

Quand le célèbre entarteur nous ouvre sa porte, nous pénétrons dans un musée. Une première pièce est remplie de livres, une seconde de cassettes VHS.

Noël Godin nous explique que sa maison est une bibliothèque : il y a des livres de la cave au grenier.

Dans le salon, les murs sont recouverts de cassettes vidéo. Toutes ont été scrupuleusement étiquetées et sont répertoriées dans un classeur. "Comme ça, on trouve ce que l’on cherche en trente secondes."

L’entarteur se tracasse : "Mon dernier magnétoscope a rendu l’âme. J’ai réussi à trouver celui-ci. Je ne sais pas ce qu’il se passera quand il me lâchera."

Les DVD, très peu pour lui. "Je ne sais même pas utiliser une souris", nous dit-il avec un sourire plein de malice.

L’espace s’ouvre sur une cuisine lumineuse avec une grande baie vitrée qui donne sur le jardin. "On ne met jamais un orteil dedans", explique Noël Godin.

En effet, les plantes envahissent tout l’espace disponible. "Jean-Jacques Rousseau - cinéaste belge décédé depuis - est venu tourner ici. C’était une scène de capture censée se dérouler dans la jungle au Vietnam."

Nous prenons place et débutons notre plongée dans le monde du gag et de la farce.

Cela fait presque un demi-siècle que Noël Godin lance des tartes. Il a inauguré sa carrière en 1969 avec Marguerite Duras. "Il n’est pas question de prendre sa retraite ! Au moins une par an. La dernière, c’était à Namur, le huitième entartement de Bernard-Henri Lévy, qui fut splendide."

Choisissant soigneusement ses cibles, Noël Godin nous explique : "Après Bill Gates, je pouvais rarement frapper plus haut."

Avec sa bande, il a entarté le PDG de la multinationale américaine Microsoft, en 1998. "Depuis, les dispositifs de sécurité ont commencé à devenir corsés. Ce serait plus compliqué et plus risqué aujourd’hui."

L’entarteur compte sur la future génération de farceurs pour prendre la relève. "Je ne peux pas m’empêcher d’être optimiste quant aux nouvelles résistances dans le rire. Il y a un renouveau du terrorisme loufoque, à pratiquer plus que jamais, par rapport aux événements, pour un peu désangoisser."

À côté de la pâtisserie, l’homme est bien occupé : "Je fais de la critique cinglante dans la presse alternative. J’ai cinq canards . On me laisse déconner en toute liberté."

Il joue aussi dans les films de ses copains. Le dernier en date Il faut savoir se contenter de beaucoup, est sorti cet été. Il s’agit "d’une dérive à travers les nouvelles formes de subversions".

Jean-Henri Meunier, le metteur en scène, "a eu l’idée de confronter, dans une sorte de document, l’incarnation de ce que j’appelle le terrorisme rocambolesque, classique, anarchiste et le terrorisme humoristique burlesque".

"Depardieu a voulu me payer pour entarter Jugnot"

"Depardieu m’a pris sur le côté. On venait de faire connaissance. Il dit : ‘J’ai à te parler.’ Il m’emmène dans une pièce calme. Il sort son portefeuille et il me dit : ‘Noël, combien veux-tu pour entarter Gérard Jugnot ?’ C’est tout à fait dingue. Pour des raisons personnelles, il en voulait à Gérard Jugnot et pensait qu’il pourrait peut-être m’acheter pour accomplir ça."

C’était sur le tournage de Mammuth , un film de Benoît Delépine et Gustave Kervern sorti en 2010. Noël Godin nous explique qu’on l’a parfois sollicité pour entarter mais qu’il n’est pas un "mercenaire de la tarte" : "Ça serait renoncer à nous-mêmes si on se prêtait à tout ça. On ne travaille pour personne d’autre que pour nous-mêmes et pour notre goût de la liberté."

"Alain Finkielkraut, on l’aura" 

Noël Godin a quelques tartes en réserve pour certaines cibles rêvées

"Je ne vous cache pas que sera bien et dûment entarté certainement Alain Finkielkraut, qu’avec toutes ses manières, on l’aura, on l’aura ! Pour une raison : il se fait que lors de la mort de Siné, mon rédacteur en chef que j’adore, invité en direct sur M6, il l’a calomnié. Il l’a traité d’antisémite. C’est pour ça qu’on ne laissera pas passer ça."

Dans la classe politique, l’entarteur vise haut : "Hollande, ce serait vraiment très bien mais les cibles de rêves en France, pour moi, et c’est obsessionnel, c’est vraiment Manuel Valls et Macron. Tous les deux, pour moi, personnifie tout ce que je hais en plus de la trahison par rapport à leurs anciennes positions et sur tous les plans. Ils se trahissent tout le temps."

Chez nous, Noël Godin n’exclut pas l’entartement du Parlement fédéral. "En Belgique, c’est naturellement toute la classe politicienne qui le mérite. C’est vraiment tous. Mais il faut faire attention en en entartant l’un de ne pas faire le jeu des autres. Il faudrait les faire tous à la fois. Par exemple en pleine séance du Parlement."

À Bruxelles, c’est le bourgmestre qui est sans doute le plus menacé. "On nous propose sans arrêt d’aller entarter Yvan Mayeur, mais alors là, tout le temps. La bonne idée serait que non seulement on l’entarte mais qu’on l’entarte tous les jours. Il n’oserait plus sortir de chez lui. Je crois que ce genre de méthode est à expérimenter."

Enfin, la neuvième tarte de Bernard-Henri Levy l’attend. "On arrêtera toute forme d’hostilité pâtissière à son égard si il se mettait à chanter face à la tarte : ‘Avez-vous vu le joli chapeau de zozo, c’est un chapeau tout à fait rigolo’."

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