"Jusqu'à son dernier souffle, Shimon Peres a conservé son rêve de paix"

"Jusqu'à son dernier souffle, Shimon Peres a conservé son rêve de paix"
Shimon Peres signe les Accords d'Oslo à Washington. (J. DAVID AKE/AFP)

Daniel Shek, ancien ambassadeur d'Israël en France, revient sur l'éternel optimiste qu'était l'ancien président israélien, "un homme qui savait comprendre la complexité du monde".

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Diplomate au cabinet de Shimon Peres au début de sa carrière, Daniel Shek est par la suite devenu ambassadeur en France où il a notamment organisé la visite d'Etat du président israélien. 

Vous avez travaillé en tant que diplomate avec Shimon Peres. Quel souvenir en gardez-vous ?

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Au tout début de ma carrière, j'ai passé deux ans à ses côtés lorsqu'il était ministre des Affaires étrangères. Cela a totalement marqué ma manière d'exercer ce métier de diplomate et de voir le monde, c'était une chance incroyable. J'ai été marqué par son optimisme, qui n'était pas béat. C'est un homme qui savait comprendre la complexité du monde, la complexité des gens.

Dans les années 1990, la grande mode était de dire que l'eau allait être le motif de la prochaine guerre au Proche-Orient, Shimon Peres disait : "Mais non, pas du tout, pourquoi serait-ce le motif d'un conflit ? Cela doit être le premier sujet de coopération entre nous et le monde arabe." La preuve, c'est que dans l'après Oslo, parmi les commissions de coopération régionale, il y a eu une commission sur l'eau visant à désamorcer les problèmes. Non pas avec la perspective d'une guerre mais celle d'une prochaine coopération.

Shimon Peres, homme de guerre et homme de paix à la fois

C'est cette confiance à toute épreuve qui a permis d'arriver aux accords d'Oslo ?

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De multiples ressources ont évidemment permis d'en arriver là : la confiance, la persévérance, la capacité de comprendre son adversaire et de se mettre à sa place pour savoir comment le convaincre. Il disait toujours : "Dans une négociation, il s'agit évidemment de gagner mais il ne faut pas gagner d'une manière qui blesse l'adversaire. Les deux côtés doivent trouver leur compte, sinon ce ne sera jamais viable."

Pensez-vous que cette confiance a été ébranlée à la mort d'Yitzhak Rabin ? Il a notamment été critiqué pour s'être allié ensuite à Ariel Sharon qui ne partageait pas sa volonté de réaliser la paix avec les Palestiniens…

L'assassinat de Rabin a été un tournant, c'est juste. Mais les circonstances ne dépendaient pas de lui et il a dû se battre contre elles. C'est Ariel Sharon qui s'est rallié à sa manière de voir les choses et non l'inverse. Ce n'est pas avec un Ariel Sharon combatif et militant - il a quand même évacué Gaza - que Shimon Peres a gouverné. Jusqu'à son dernier souffle, Shimon Peres a conservé son rêve de paix et son militantisme. Ce serait une grande injustice de le nier.

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Quel est l'héritage dont les Israéliens devraient le plus s'emparer ?

Ce qui l'a rendu très spécial aux yeux des Israéliens et du monde, c'est son regard vers l'avenir. Il ne pensait pas pour demain ou après-demain mais pour des perspectives plus lointaines. C'est quelque chose qui manque terriblement aujourd'hui dans la politique mondiale. Nous vivons une époque impatiente, nous voulons des résultats tout de suite. Lui n'y croyait pas.

Shimon Peres a amené les accords d'Oslo, une période où l'on croyait à une paix prochaine entre Israéliens et Palestiniens. Aujourd'hui cette perspective semble presque irréalisable. Comment redonner un élan ?

Les deux peuples ne paraissaient pas moins irréconciliables à l'époque. Il fallait y croire en 1996. Nous sortions de l'intifada, il y avait eu beaucoup de morts, beaucoup de violence. Il me semble que c'est une question de leadership. Il suffirait d'un alignement de leaders suffisamment courageux pour avancer vers un accord. Les peuples israélien et palestinien sont bien plus mûrs que leurs dirigeants. Ils les soutiendraient. 

Propos recueillis par Céline Lussato  

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