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ISRAËL

"Shimon Peres était un charmeur, il voulait faire plaisir à tout le monde", selon un ex-conseiller

Ofer Bronchtein, ex-conseiller de Shimon Peres lors d'une période porteuse d’espoirs en Israël, est revenu sur son expérience auprès de l’homme d’État israélien, dans une interview accordée à France 24 quelques heures après le décès de ce dernier.

Shimon Peres, en mai 2016, au Centre Peres pour la paix.
Shimon Peres, en mai 2016, au Centre Peres pour la paix. Jack Guez, AFP
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Le 13 septembre 1993, quand l'Israélien Yitzhak Rabin, Premier ministre, serre la main de Yasser Arafat, dans la roseraie de la Maison Blanche, Ofer Bronchtein est présent. Un moment historique qu’il qualifie volontiers de “l’un des plus beau jours de sa vie”.
L’ancien conseiller de Rabin fut chargé de préparer les accords d’Oslo et d’en suivre l’application, une tâche qui l’a amené à travailler en étroite collaboration avec le Premier ministre de Rabin, alors président de l'État hébreu, Shimon Peres.

"J’ai eu la chance d’être avec lui pour ce jour historique", se souvient Bronchtein. "Les accords d’Oslo ont été signés par Rabin et Arafat, mais les gens oublient que ce sont Peres et Abbas, futur président de l'Autorité palestinienne, qui ont fait le travail le plus difficile et ont permis de parvenir à cet accord ", observe-t-il.

Shimon Peres a lui aussi occupé les plus hautes fonctions de l'État, dans un pays qui, malgré ses efforts, est toujours en guerre et continue de trahir l’esprit des accords de paix en établissant de nouvelles colonies en Cisjordanie occupée.

Joint par France 24 quelques heures après la mort de l’ancien président israélien, le 28 septembre, Ofer Bronchtein a confirmé l’absence de progrès dans la recherche d’un éventuel accord de paix durable entre Israéliens et Palestiniens. Il insiste toutefois sur le fait que cela ne signifie pas qu’il n’y a pas d’espoir.

Cet optimisme opiniâtre, il dit l'avoir hérité de son mentor. "Shimon Peres était le plus jeune viel homme que j’ai jamais connu", remarque Ofer Bronchtein. "Il était non seulement le plus jeune des vieux hommes, mais aussi la personne la plus optimiste que j’ai rencontrée, et il nous a contaminé. Nous avons été contaminés par son esprit, ses valeurs et son travail ".

Ce phénomène remonte à la période où Bronchtein était président du Forum international pour la paix, à Paris, qu’il a cofondé avec Anis al-Qaq, ancien ambassadeur de l’Autorité palestinienne en Suisse. Les deux hommes sont devenus des amis proches à la suite de la conclusion des accords d’Oslo. Pour eux, leur centre, qui œuvre pour la paix, montre leur refus de succomber au fatalisme.

Rabin et Peres : rivaux politiques

C’est à la fin des années 1970 qu’Ofer Bronchtein rencontre Shimon Peres pour la première fois. Il vient de finir son service militaire dans l’armée israélienne. " J’étais très jeune, dans la vingtaine. Lui était déjà un homme politique bien établi et aimait beaucoup rencontrer des jeunes ", raconte-t-il. Deux décennies plus tard, Bronchtein rejoint le Parti travailliste israélien, peu avant les élections de 1992, après lesquelles Rabin, alors chef du parti, accède de nouveau au poste de Premier ministre, pour la deuxième fois dans l’histoire du pays.

La rivalité entre Peres et Rabin au sein du Parti travailliste durera un demi-siècle environ, s’exacerbant en coulisses pour les luttes de pouvoir. Une animosité qui ne s'estompera ni en 1992, quand Rabin, chef de gouvernment, designera Peres comme ministre des Affaires étrangères, ni lors de la signature des accords d’Oslo.

Bronchtein, plongé dans les coulisses du pouvoir, décrit deux hommes et deux styles très differents. "Rabin était un homme très timide et très réservé. Peres était un communicant, un maître de la communication ", explique-t-il. "Si je devais citer un aspect négatif de Shimon Peres, ce serait qu’il cherchait à faire plaisir à tout le monde. C’était un grand charmeur : il donnait des accolades et embrassaient tout le monde, tout le temps. Tout l’opposé de Rabin, qui lui n’était pas quelqu’un de tactile. Peres était un charmeur, mais en tant que politicien, on ne peut être aimé de tous ". Les deux rivaux réussiront toutefois à travailler ensemble pendant l’une des périodes les plus optimistes de l’histoire d’Israël.

Après l’assassinat d’Ytzhak Rabin, le 4 novembre 1995, par un juif d’extrême droite, opposant aux accords d’Oslo, Shimon Peres assurera les rôles de Premier ministre et ministre de la Défense jusqu’aux élections de 1996. Mais le Likoud de Benjamin Netanyahou remporte les élections par une courte avance et amorce le tournant droitier de la politique israélienne.

Pas le meilleur des politiciens, mais un grand homme d’État

Malgré sa tendance à vouloir faire plaisir à tout le monde, Peres avait les qualités d’un homme d'État et en était un de taille, selon Bronchtein. "Il n’était probablement pas le meilleur des politiciens, mais il a été l’un des plus grand hommes d’État en Israël et dans le monde", estime son ancien conseiller. "Peres faisait partie de ces leaders qui ne lisaient pas ce que les journaux disaient de lui chaque matin. Les sondages ne l’intéressaient pas. Il disait que les sondages étaient comme du parfum, on peut les sentir, mais on ne peut pas les boire. Il poursuivait ses idéaux, ses convictions et sa boussole morale, ce qui est très rare pour un politicien. "Cette boussole était orientée vers la paix et n’a pas fait défaut même quand il fut ministre de la Défense ou quand il fut témoin des désillusions de son pays sur les accords d’Oslo".

Selon Bronchtein, Peres, qui, lorsqu'il était à la tête du puissant ministère de la Défense, a conçu le programme nucléaire secret de l'État hébreu avec l’aide des Britanniques et des Français, envisageait ce dispositif comme un moyen de dissuasion et une garantie de sécurité pour le pays. Mais pour Peres, l’ultime garant de la sécurité d’Israël était la paix. "Tout comme Rabin, il comprenait que la paix n’était pas qu’un accord. Qu’il fallait lui donner une substance. Qu’un accord de paix doit être suivi d'un changement total d’attitude des gens”, explique encore Ofer Bronchtein. "Il soutenait une dynamique de paix entre les personnes, au niveau économique, culturel, social et dans la société civile. L’héritage qu’il nous laisse est de continuer à donner corps à la paix dans notre vie de tous les jours, d’en retirer le poison, et de construire les ponts qui permettront réellement de réunir les peuples israélien et palestinien", poursuit-il.

Israël perd l’un des derniers leaders de la génération des fondateurs, une figure qui fut témoin de presque tous les développements politique qu’a connus l’État hébreu depuis sa fondation en 1948. Mais dans sa poursuite effrénée de la paix, Peres laisse derrière lui un héritage qui ne mourra jamais, insiste Ofer Bronchtein.

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