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Etats-Unis : qu’est-ce que le site « Breitbart News » ?

Le média conservateur que dirigeait Stephen Bannon, le nouveau conseiller stratégique de Donald Trump, est accusé d’être raciste, antisémite, suprémaciste.

Le Monde avec Reuters

Publié le 16 novembre 2016 à 19h24, modifié le 17 novembre 2016 à 07h44

Temps de Lecture 5 min.

Stephen Bannon à la Trump Tower, à New York, le 11 novembre 2016.

Attaques, contre-attaques… la polémique enfle aux Etats-Unis autour de Stephen Bannon, le conseiller stratégique du futur président Donald Trump, et de Breitbart News, le site d’information qu’il dirigeait.

La nomination, lundi 14 novembre, de M. Bannon a été saluée par une volée de critiques et des accusations de racisme, d’antisémitisme et de suprémacisme blanc. Ces réactions viennent tout à la fois du camp démocrate et du camp républicain. Mercredi, c’est l’ancien candidat aux primaires démocrates, Bernie Sanders, qui a appelé, dans un communiqué, à l’annulation de sa nomination.

Mardi, la direction de Breitbart News a répliqué en indiquant qu’elle entend porter plainte contre « un grand média » qui a qualifié le site, « sans fondement et de manière diffamatoire, de site nationaliste blanc », rapporte le site The Hill. A ce stade, le nom de ce « grand média » n’a pas été précisé.

  • Qui est Stephen Bannon, comment se définit-il ?

Agé de 62 ans, le désormais conseiller stratégique de M. Trump a été officier naval, banquier chez Goldman Sachs, réalisateur et producteur, avant de devenir le patron de Breitbart News, après la mort du fondateur du site, Andrew Breitbart, en 2012.

A Hollywood, il a produit quelques films (Indian Runner, Titus), mais a surtout signé des documentaires engagés, dont une hagiographie de Sarah Palin – l’ancienne colistière du candidat républicain à la présidentielle de 2008, John McCain, qui est proche du mouvement conservateur Tea Party – et un pamphlet contre le mouvement Occupy.

M. Breitbart avait lui-même dépeint M. Bannon comme le « Leni Riefenstahl du Tea Party », du nom de la cinéaste allemande qui a œuvré à la propagande nazie, a rapporté l’agence Bloomberg.

Avant le début de la campagne présidentielle, M. Bannon soutenait le candidat républicain Ted Cruz. Il s’est ensuite rangé derrière Donald Trump, comme l’a raconté le site The Hill.

A partir des attentats du 13 novembre 2015 en France, M. Bannon a commencé à inviter le candidat à participer à ses émissions diffusées sur les ondes de SiriusXM. Mais il n’a officiellement rejoint l’équipe de campagne de Donald Trump qu’à la mi-août 2016, en remplacement de Paul Manafort – alors accusé d’avoir reçu des paiements obscurs en Ukraine – à une époque où le candidat républicain était en grande difficulté dans les sondages.

Selon le site d’information Daily Beast, M. Bannon ne se considère ni comme un « populiste » ni comme un « nationaliste américain », mais comme un « léniniste ». Prié de s’expliquer, il a précisé : « Lénine voulait détruire l’Etat et c’est aussi mon objectif. Je veux tout mettre par terre et détruire l’establishment », à savoir le Parti démocrate, le Parti républicain (GOP), et la presse conservatrice traditionnelle.

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  • En quoi consiste le site « Breitbart News » ?

Le Washington Post indique que le trafic du site atteignait 37 millions de visiteurs uniques en octobre, soit plus que le site du LATimes.com et l’équivalent de sites comme ABCNews.com et CBSNews.com.

Depuis la mort de M. Breitbart, en 2012, M. Bannon a transformé Breitbart News en une plateforme d’opposition à l’administration Obama et aux démocrates. Le site a marqué la campagne américaine par son style provocateur et son côté tabloïd, pourfendant le multiculturalisme ou l’immigration : c’est un relais de « l’Alt-Right », ou « alternative right », le courant d’extrême droite américain qui a bousculé le Parti républicain et qui a poussé M. Trump au premier plan.

Bloomberg décrit Breitbart News comme un repaire pour ceux qui trouvent que la chaîne de télévision Fox News, réputée pourtant très conservatrice, est devenue « trop polie et dans la retenue ». En juillet, lors de la convention républicaine de Cleveland (Ohio), M. Bannon a lui-même déclaré au magazine Mother Jones que Breitbart News était un havre pour les « nationalistes blancs ».

Le Southern Poverty Law Center (SPLC), qui surveille les mouvements racistes aux Etats-Unis, considère que M. Bannon a mis le site Breitbart.com au service des courants nationalistes et suprémacistes blancs. Exemples à l’appui, le SPLC cite notamment un utilisateur identifié comme Phoenix1933 sur le Stormfront, le plus ancien forum néonazi américain, qui se réjouit en ces termes :

« Stephen Bannon : raciste, homophobe, anti-immigrants, antisémite, anti-establishment. Il a déclaré la guerre à Paul Ryan (…). Etre antisémite n’est pas illégal. Il n’y a rien que vous, juifs puants, ne puissiez faire pour l’empêcher d’entrer à la Maison Blanche. »

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  • Les prises de position du site suscitent la polémique

Sous l’impulsion de M. Bannon, Breitbart News a publié nombre d’articles incendiaires et souvent racistes visant les minorités, relève Buzzfeed News, qui évoque les textes publiés par des auteurs identifiés par le SPLC comme antimusulmans, tels que Pamela Geller ou Frank Gaffney.

Breitbart News tient des propos antisémites contre des personnalités jugées hostiles à la candidature de M. Trump. Billy Kristol, rédacteur en chef de la revue conservatrice Weekly Standard, a été qualifié de « juif renégat ». A propos de Anne Applebaum, du Washington Post, un des rédacteurs du site la décrit comme « une Polonaise, juive, représentante d’une élite américaine détestée ».

M. Bannon et le site se montrent également misogynes. En juillet 2016, le nouveau conseiller s’en est pris à Megyn Kelly, une présentatrice de Fox News, en bisbille avec Donald Trump, l’accusant de porter des vêtements « provocants », plus faits pour un mannequin de chez Victoria’s Secret que pour une journaliste.

Il a aussi écrit que les procès pour harcèlement sexuel contre Roger Ailes, ancien patron de Fox News, étaient un « coup » de « l’establishment démocrate ». En tant que patron de Breitbart News, il s’est désolidarisé de Michelle Fields, une de ses journalistes, malmenée par Corey Lewandowsky, alors directeur de campagne de M. Trump.

M. Bannon a aussi permis à Milo Yiannopoulos, provocateur d’extrême droite – banni de Twitter – de s’exprimer. Dans un texte de décembre 2015, ce dernier écrivait par exemple que « la contraception rend les femmes laides et folles ».

Les Noirs sont également des cibles du site. Dans un article intitulé « Cinq faits sur les crimes commis par les Noirs contre des Noirs », Jerome Hudson, un auteur de Breitbart News, lui-même Afro-Américain, décrit par exemple les participants au mouvement Black Lives Matter (« les vies noires comptent ») comme des « drogués assoiffés de sang ».

Moins de deux semaines après la tuerie perpétrée en juin 2015 par Dylann Roof à Charleston, en Caroline du Sud (9 morts dans une église afro-américaine), et après la découverte d’un site Internet lié au tireur présumé, où ce dernier posait avec un drapeau confédéré, Breitbart News a aussi publié un texte d’apologie consacré au « glorieux héritage » du drapeau sudiste.

Le Monde avec Reuters

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