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La famille Bromberg retrouve son tableau, volé pendant la guerre

Ce tableau attribué à Joos Van Cleve (vers 1485 - vers 1540), Portrait d'homme, a été vendu sous la contrainte en 1939. RMN

La ministre de la Culture, Audrey Azoulay, a restitué ce lundi matin un portrait aux petits enfants d'un couple de juifs allemands contraints de fuir en 1939.

Il aura fallu 78 ans pour réparer l'outrage fait aux époux Bromberg. Lundi 28 novembre, la ministre de la Culture a restitué un tableau volé pendant la guerre aux petits enfants d'Hertha et Henry Bromberg, un couple de juifs allemands. L'œuvre attribuée à Joos van Cleve et datée du XVIe siècle était jusque là en dépôt au musée des Beaux arts de Chambéry . «L'histoire est en train de s'écrire dans l'autre sens» a expliqué la ministre, lors d'une courte cérémonie organisée au ministère de la Culture.

Les Bromberg et leurs quatres enfants fuient l'Allemagne en 1938 et s'installent à Paris. Un an plus tard, alors que le vent tourne, ils doivent se séparer de leurs biens, dont plusieurs tableaux. Ils les vendent à un antiquaire véreux, Yves Perdoux, puis passent par la Suisse, avant de rejoindre les États Unis. «Leur geste ne relève par du simple commerce, mais s'assimile à une vente forcée: ils ont vendu leurs toiles sous la contrainte», rappelle-t-on à la direction des musées de France.

Trois mois plus tard, une galerie munichoise rachète le portrait 18.750 RM. Elle le revend dans la foulée 35.000 RM au musée de Linz, ville natale d'Hitler. Ce dernier voulait y installer la plus grande collection d'art germanique ainsi que des chefs-d'œuvre étrangers, ce qui ne fut jamais fait.

En 1945, les alliés découvrent en Autriche mais aussi en Allemagne, des centaines de milliers d'œuvres pillées par les nazis dans toute l'Europe. Rien qu'en France, on estime qu'au moins 100.000 objets d'art, ainsi que d'innombrables bibliothèques, ont été volés.

Depuis 1951, seules 107 œuvres ont été rendues aux héritiers de propriétaires spoliés

Le Van Cleve est retrouvé dans les mines d'Altaussee, avec des milliers d'autres biens. Le tableau est alors déposé au Central collecting point de Munich. En 1949, il est finalement renvoyé en France. Personne ne le réclamant, il est déposé au Louvre. Dix ans plus tard, il quitte Paris en direction du musée des Beaux-Arts de Chambéry. On lui a attribué le code MNR 387, indiquant qu'il fait partie de ces milliers de biens dérobés par les Allemands mais toujours en quête de leur propriétaire.

Après un effort considérable fait après guerre, les recherches mises en branle pour retrouver les familles spoliées vont s'étioler. Manque de moyens, manque de volonté politique...Il faut attendre la fin des années 90 et la chute du mur de Berlin pour que l'État se décide à rouvrir ce dossier. Une commission pour l'indemnisation des victimes de spoliations (CIVS) est créée en 1999. En 2008, une grande exposition met en lumière ces tableaux orphelins. En 2013, un groupe de travail est mis en place par l'ancienne ministre de la Culture, Aurélie Filippetti, afin de donner une nouvelle impulsion aux recherches.

Désormais, tout le monde est en quête de descendants de juifs spoliés pendant la guerre. C'est d'ailleurs un cabinet d'avocats allemand qui a repéré le Van Cleve et a contacté les descendants des Bromberg.

Le temps ayant passé, il devient de plus en plus difficile de dénicher les propriétaires spoliés. La CIVS ne lance des recherches que si elle est saisie d'une demande. Or les descendants, à moins d'être âgés, n'ont en général qu'un vague souvenir des œuvres. S'ils savent que les parents ou leurs grands-parents ont été spoliés, ils ne possèdent bien souvent pas de titres de propriétés. «Nous avons une photo du salon de mon grand- père, sur laquelle figure ce tableau» explique aujourd'hui le petit fils des époux Bromberg, un américain «mais nos grands parents ne parlaient jamais de cette époque».

La plupart ont tourné la page et n'attendent plus grand-chose. Dans ce cadre, toute restitution prend des allures de victoire. Depuis 1951, seules 107 œuvres ont été rendues aux héritiers de propriétaires spoliés. L'État en conserve environ 2000 MNR et on voit régulièrement surgir sur le marché le fruit des anciennes spoliations juives.

La famille Bromberg retrouve son tableau, volé pendant la guerre

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43 commentaires
  • jimili

    le

    Lorsque l'on sait, qu'en Alsace, après 1918, avec les commissions de triage et les cartes d'identité A B C ET D les personnes simplement nées de l'autre coté du Rhin, furent expulsées avec un peu d'argent et quelques valises, cela ne correspondrait-il pas aussi à du vol et à de la spoliation?
    Il y avait des camps de concentration en France et en Angleterre pour les personnes de nationalité allemande ou d'un pays allié à l'Allemagne.
    J'ai personnellement connu un Anglais, dont les parents avaient émigré en Angleterre, et qui furent aussi internés et avec l'ensemble de leurs biens pris.
    Ce sont ces pratiques dont les Nazis s'étaient souvenus, et cela est relevé dans certains livres. (dont les peintures sur les magasins de personnes nées en Allemagne, qu'il ne fallait plus acheter dans ces magasins - à Strasbourg)

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