Culture

J'ai vu le spectacle de Gad Elmaleh en anglais et j'ai tout compris!

Quand un petit con de français perdu dans une ville anglophone se rend au spectacle de Gad Elmaleh...tout en anglais. Ambiance.

D.R-Laurent Sagalovitsch
D.R-Laurent Sagalovitsch

Temps de lecture: 2 minutes

C'était il y a quelques semaines, Gad Emaleh était en ville. Comme moi aussi j'étais en ville et que cette ville-là était la même où se produisait le comique français –comme quoi parfois la vie est bien faite–, je suis allé lui rendre une petite visite, une simple visite de courtoisie considérant que ce n'est pas tous les jours que notre ville pouvait s'honorer de recevoir un artiste juif marocain de cette envergure-là. La dernière fois, c'était Stromae, mais lui n'était pas né à Casablanca mais à Etterbeek. Et d'ailleurs il n'était pas marocain. Et même pas juif.

Dans une salle du centre-ville, de cette même ville donc où Gad et moi séjournions, lui pour la journée, moi pour le reste de ma vie, je me suis pointé: la queue serpentait jusqu'à l’océan, j'ai montré mon Étoile de David, le vigile m'a laissé entrer sans moufter, visiblement la leçon avait été bien apprise.

Je me suis assis, la salle a fini par se remplir, les lumières se sont éteintes, un Américain est apparu sur scène, il a débité à toute vitesse ce qui devait être des blagues auxquelles pas grand-monde n'a ri, sauf lorsqu'il prononçait le mot «fuck», ce qui a dû arriver un bon millier de fois en dix minutes.

Puis il a disparu et, peu de temps après, Gad est apparu: on a applaudi. Quelques abrutis ont lancé des youyous, un imbécile a sorti un drapeau français comme s'il s'agissait de saluer le petit-fils du Général, moi je suis resté bien tranquille, j'ai horreur de montrer mes sentiments et mes certificats de naissance.

J'attendais juste que le spectacle commence.

D'emblée, Gad a prévenu qu'il ne parlerait pas français de toute la soirée. Cela il l'a dit en français bien de chez nous si bien que personne ne l'a cru. On a pensé que c'était une blague et on a ri. Moi le premier. C'était une bonne vanne. Le spectacle débutait bien. On allait se marrer.

Évidemment, quand Gad a commençé à baragouiner en anglais, on a tout de suite beaucoup moins ri. Il y a eu un grand silence dans la salle sauf une poignée de locaux qui s'esclaffaient comme des vaches espagnoles. Tout le monde s'est regardé du coin de l’œil. Mon voisin m'a demandé, «qu'est-ce-qu'il a dit, hein qu'est-ce-qu'il a dit?», ma voisine a interrogé Google pour savoir ce qu'il avait dit et lorsqu'elle a fini par comprendre ce qu'il avait dit, elle a ri et moi aussi j'ai ri et mon voisin de même. Ah ah ah.

Par la suite, afin de ne pas paraître aussi sot que mon balourd de voisin, un Lyonnais en fait, je n'ai pas cessé de rire. J'ai ri quand Gad Emaleh a imité l'accent de ces corniauds de Français quand ils s'essayent à parler en anglais, ah ah les veaux, j'ai ri à la moindre de ses réparties sur les Américains –comment ils sont bien cons tout de même les Ricains, encore plus que les Français, c'est dire– j'ai ri sans m'arrêter parce que Gad Emaleh lui aussi ne s'arrêtait pas de parler, il parlait sans pause, comme s'il n'avait pas obtenu l'autorisation de s'arrêter de parler.


À un moment je me suis dit, c'est quoi ce spectacle sans jeux de lumières, sans queue ni tête, sans début ni fin, sans rien, avec simplement un comique debout qui passe son temps à discuter avec la salle, à se foutre de notre gueule, à nous poser des questions avant de nous raconter, à tort et à travers, des anecdotes au sujet de ses mésaventures au pays de l'Oncle Sam?

Ses déboires avec un chauffeur de taxi, avec une pouffiasse de californienne qui se tape des orgasmes à chaque fois qu'elle ouvre la bouche, avec Jerry Seinfeld qui l'amène à un match de baseball, avec les hôtesses d’aéroport qui ne savent pas prononcer son nom, avec tous les clichés de la vie américaine qui, à nous autres Français de souche, nous apparaissent complètement incongrus et ridicules.

A la fin du spectacle, tout le monde a applaudi. Surtout ceux qui n'avaient rien compris mais qui avaient trop honte de l'avouer, ce qui n'était pas mon cas. Moi j'avais ri de la première minute jusqu'à la dernière. Faut dire que je suis parfaitement bilingue: je parle la langue de Goethe comme personne.

Le rire c'est bien connu n'a pas de nationalité. 

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