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Verdict attendu dans le procès du soldat israélien qui avait achevé un Palestinien gisant à terre

L’affaire d’Elor Azaria, un militaire de 19 ans mis en examen pour homicide involontaire, a pris une tournure politique et symbolique.

Par  (Jérusalem, correspondant)

Publié le 03 janvier 2017 à 16h59, modifié le 04 janvier 2017 à 12h59

Temps de Lecture 3 min.

La mère, la soeur et le frère d’Abdel Fatah Al-Sharif, le Palestinien abattu, chez eux, à Hebron, en mai 2016.

Parfois, le sort d’un seul individu reflète la complexité d’une société entière. L’affaire du soldat Azaria en est le parfait exemple. Après des mois de procès, le tribunal militaire de Jaffa se prononcera, mercredi 4 janvier, sur la culpabilité ou non d’Elor Azaria dans sa mise en examen pour homicide involontaire en mai 2016. La sentence sera prononcée quelques semaines plus tard.

Si la décision des juges est tant attendue, c’est parce que l’affaire a pris une tournure politique et symbolique exceptionnelle. Car ce n’est pas simplement le cas d’un jeune soldat inexpérimenté qui a tiré sur un homme blessé à terre. L’affaire Azaria concentre les tensions et les non-dits en Israël comme l’occupation, les tensions entre religieux et laïcs, le terrorisme et sa répression.

Lire aussi Article réservé à nos abonnés Emoi en Israël après l’exécution d’un Palestinien par un soldat

Le 24 mars 2016, deux Palestiniens attaquent des soldats israéliens au check-point de Tel Rumeida à Hébron, ville palestinienne du sud de la Cisjordanie, où vivent près de 500 colons. Un des assaillants est tué sur le coup tandis que le second, Abdel Fatah Al-Sharif, 21 ans, gît, grièvement blessé et apparemment inconscient. Peu après les coups de feu, le sous-officier Elor Azaria, 19 ans, arrive sur les lieux. A la vue de l’agresseur inerte au sol, il arme son fusil et lui tire un coup fatal dans la tête.

Des accusations d’exécutions extrajudiciaires sont régulièrement formulées contre l’armée israélienne, par des ONG telles qu’Amnesty International. D’autant que cette fois, la scène a été filmée par un membre de l’ONG israélienne B’Tselem, qui défend les droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés. La vidéo fait le tour des réseaux sociaux et l’état-major israélien mesure aussitôt la gravité des faits. Le ministre de la défense de l‘époque, Moshe Yaalon, et le chef d’état-major général, Gadi Eizenkot, les condamnent publiquement et « très clairement ».

Elor Azaria, qui détient également la nationalité française, est arrêté, une enquête est ouverte par la police militaire. Entendu le jour même, il est accusé de « meurtre » puis seulement d’« homicide », sur décision des procureurs. Le 29 mars, un millier de personnes l’attendent à la sortie d’audience : des slogans racistes sont criés, on invoque le mouvement nationaliste religieux Kahane. Avigdor Lieberman, à l’époque député à la Knesset (le Parlement) pour la formation nationaliste Israël Beitenou, se joint aux manifestants, assénant que « tout terroriste doit être tué ».

Après avoir, dans un premier temps, condamné l’acte, le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, a téléphoné au père de l’accusé pour lui témoigner de son soutien. Provoquant la colère de hauts gradés de l’armée, qui considèrent le geste du jeune soldat « contre les ordres, contre la loi et contre nos valeurs ».

Un « acte de légitime défense » ?

Dès l’ouverture du procès, le 9 mai, l’avocat d’Elor Azaria invoque un « acte de légitime défense » car le « terroriste » palestinien pouvait porter une ceinture d’explosifs. Or, « la définition de la légitime défense est très restreinte en Israël, explique Yuval Elbashan, professeur de droit à Kyriat Ono. A partir du moment où un terroriste est arrêté, elle n’est plus pertinente. S’en prendre à lui devient un acte de revanche », donc répréhensible.

C’est d’ailleurs ce que le procureur militaire, Nadav Weissman, reproche à Elor Azaria : avoir tiré sur Abdel Fatah Al-Sharif parce qu’il avait auparavant blessé un de ses camarades au couteau. « Je n’ai jamais trouvé en Israël et dans le monde un seul document qui déclare qu’il est légal de tirer sur quelqu’un qui a été fusillé et blessé quelques minutes plus tôt », affirme-t-il. « Neutralisé » à terre, l’assaillant palestinien était hors d’état de nuire. La défense réplique qu’il représentait toujours une menace ; une partie de la droite israélienne érige Azaria en « héros qui aurait abattu un terroriste de sang-froid ».

Deux conceptions de la présence militaire s’opposent ainsi, entre un état-major fidèle aux règles d’engagement et à la loi israélienne, et une minorité nationaliste religieuse qui invoque la « loi juive » et considère que les soldats engagés en terrain hostile doivent pouvoir ouvrir le feu en cas de simple soupçon.

En remettant sa démission en mai, Moshe Yaalon a d’ailleurs appelé les officiers à dénoncer cette « minorité extrémiste » qui fragilise « les valeurs de l’armée israélienne ». Mais si l’affaire Azaria divise autant, c’est aussi parce qu’il est difficile, et peut-être injuste, de « tout faire peser sur les épaules d’un jeune de 19 ans », admet Yuval Elbashan. La décision des juges mercredi matin sera donc cruciale.

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