Le Sénat n'a pas oublié la Journée de la Shoah
- Publié le 27-01-2017 à 15h25
- Mis à jour le 27-01-2017 à 18h19

Comme les témoins directs sont de plus en plus rares, les pouvoirs publics se montrent nettement plus discrets dans leur exercice du devoir de mémoire. Pour ce qui est de la commémoration de la Shoah, rien à redire des ministres de la Défense et de celui des Affaires étrangères. Mardi dernier, avec l'appui de l'Institut des Vétérans, Steven Vandeput (N-VA) s'est rendu à Auschwitz-Birkenau avec des élèves de 13 écoles belges alors que Didier Reynders rappelait il y a quelques heures par communiqué que l'anniversaire retenait aussi son attention tout en énumérant diverses initiatives. Une mention spéciale cependant pour la Haute Assemblée…
Vendredi matin, à l'entame de sa séance publique, le Sénat a, sous la houlette de sa présidente, Christine Defraigne (MR) rendu hommage aux vicitimes de la Shoah mais aussi aux Belges qui, au péril de leur propre vie, ont sauvé des enfants et des adultes juifs d'une mort certaine. Présentée comme une "première" par le service Communication de la Haute assemblée, on rappellera que c'est aussi le Sénat qui a tout mis en œuvre pour que l'Etat belge reconnaisse officiellement la complicité de certains des siens, notamment dans le secteur public, dans le processus d'extermination nazi.
La commémoration très sobre - un peu trop? - s'est déroulée devant plusieurs personnalités du monde juif en Belgique dont le président du CCOJB, Yohan Benizri, le président honoraire du Consistoire central israélite, le Pr Julien Klener, l'ambassadeur Jan Deboutte, responsable belge de la Task Force et le président honoraire du Forum der joodse Organisaties, Eli Ringer. Enfin, l'ambassadeur d'Israël Simona Frankel assista également à la cérémonie.
Côté hémicycle, 35 sénateurs sur 60 avaient (quand même!) fait le déplacement! Avec un constat étonnant: pas l'ombre d'un représentant de l'Open VLD. Il est vrai que pour l'éloge funèbre rendu juste auparavant à Luc Coene l'ancien gouverneur de la Banque nationale qui siégea pendant une législature dans l'assemblée sous les couleurs libérales flamandes, il n'y avait en tout et pour tout que Jean-Jacques De Gucht qui s'est du reste éclipsé immédiatement après.
Christine Defraigne a rappelé qu' "Auschwitz fut le plus grand complexe concentrationnaire. Il était à la fois un camp de concentration et, à partir de 1942, un camp d'extermination". De ce fait "il symbolise les meurtres de masse commis par les nazis, et plus particulièrement la Shoah, au cours de laquelle près de six millions de Juifs ont été assassinés pour le seul motif de leur identité. Pour la même raison, des Roms ont été exterminés. Des personnes handicapées, des homosexuels et des résistants politiques ont, eux aussi, été persécutés, déportés, assassinés"…
La Belgique fut aussi impliquée: les nazis ont transporté à Auschwitz-Birkenau, au départ de la caserne Dossin à Malines, 25 484 Juifs et 352 Tsiganes en vingt-huit convois ferroviaires entre le 4 août 1942 et le 31 juillet 1944. Environ trente mille Juifs ont été déportés de Belgique pendant la Deuxième Guerre mondiale, soit la moitié de la communauté résidant dans le pays. La quasi-totalité d'entre eux moururent dans les camps du régime génocidaire national-socialiste allemand.
Un tournant dans la lutte contre les génocides
Pour Christine Defraigne "la Shoah est un crime sans précédent, un tournant historique qui modifia fondamentalement la façon dont le monde perçoit et traite les actes de génocide" Il faut donc tout mettre en oeuvre pour éviter que ce genre d'événements se reproduise.
Grâce soit rendue au Premier ministre suédois Göran Persson qui a pris, en 1998, l'initiative de créer le Groupe d'action de coopération internationale pour la recherche sur la Shoah, mieux connu sous sa dénomination anglaise Task Force. Celle-ci s'est transformée, lors de la présidence belge à Liège en décembre 2012, en Alliance internationale pour la Mémoire de la Shoah ou International Holocaust Remembrance Alliance (IHRA). Les objectifs de base, soit l'éducation, la mémoire et la recherche sur la Shoah, n'ont évidemment pas changé. L'IHRA avec 31 pays membres et 11 pays observateurs, est un organisme international unique en son genre. En effet, les délégations nationales y sont composées de représentants gouvernementaux et de spécialistes non gouvernementaux de la Shoah : des universitaires, des responsables de musées, des professeurs et des chercheurs. La Belgique a adhéré à l'Alliance internationale pour la Mémoire de la Shoah le 15 novembre 2005. Et dès décembre 2004, donc avant que les Nations Unies ne déclarent le 27 janvier "Journée internationale de la Mémoire des Victimes de la Shoah", le gouvernement belge a proclamé cette date "Journée commémorative du génocide perpétré par l'Allemagne nazie".
Chez nous, tous les niveaux de pouvoir s'investissent dans la mémoire et l'enseignement de la Shoah. "Ce crime sans précédent est ainsi comparé à d'autres génocides et atrocités de masse récentes. La pertinence de la Shoah pour notre monde et notre société est sans cesse mise en exergue. Les élèves des trois Communautés du pays y sont rendus attentifs à travers des disciplines telles l'histoire, la langue maternelle, la morale, la religion ou l'éducation à la citoyenneté. Il est en effet capital que les jeunes comprennent leur privilège de vivre dans un pays démocratique qui garantit les libertés et les droits fondamentaux".
La présidente du Sénat a rappelé que "surtout en ces temps difficiles et instables, nous devons garder vivant le souvenir des dérives tragiques pouvant se produire lorsqu'on méconnaît ces valeurs fondamentales. C'est la raison pour laquelle le Sénat a voté à l'unanimité le 24 janvier 2013 la résolution visant à reconnaître la responsabilité de l'État belge pour la persécution des Juifs en Belgique pendant la Deuxième Guerre mondiale" . Cette résolution s'inscrivait notamment dans le sillage des conclusions de l'ouvrage La Belgique docile, publié en septembre 2007 par le Centre d'Études et Documentation Guerre et Sociétés contemporaines, le centre d'expertise belge pour l'histoire des conflits du vingtième siècle.Le Sénat lui avait en effet demandé d'étudier l'attitude des autorités belges face à la persécution des Juifs durant la Deuxième Guerre mondiale.
Jacques Brotchi fut aussi sauvé avec sa famille
Et Christine Defraigne de conclure par un hommage aux près de 2000 compatriotes reconnus "Justes parmi les Nations" qui ont permis de sauver de nombreux citoyens de chez nous dont le seul tort était d'être d'origine juive…
Dans l'hémicycle, un sénateur se montra particulièrement attentif: Jacques Brotchi (MR) fut en effet lui-même caché à Mont (Comblain au Pont) avec les siens.
"C'est vraiment une belle initiative que celle qu'a prise notre présidente" explique l'élu bruxellois qui insiste lui aussi sur l'absolue nécessité de ne pas relâcher l'effort face à la nouvelle montée des périls et à une certaine banalisation du génocide… Non sans émettre l'espoir que d'autres initiatives continueront à être prises