Trump remet en cause 25 ans de diplomatie internationale au Proche-Orient
- Publié le 17-02-2017 à 07h26
- Mis à jour le 17-02-2017 à 12h27
Deux Etats ou bien un Etat : "Si Israël et les Palestiniens sont contents, je suis content avec la solution qu’ils préfèrent. Les deux me conviennent." Une petite phrase reprise par la presse israélienne le jeudi 16 février, au lendemain de la rencontre à Washington entre l’auteur de celle-ci, le président américain Donald Trump, et le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou.
En Israël, l’ambiguïté des propos de M. Trump a laissé libre cours aux interprétations. Si M. Netanyahou s’est bien gardé de s’exprimer sur une solution à un seul Etat, Naftali Bennett, le chef de la droite nationaliste religieuse (parti du Foyer Juif) qui plaide pour l’annexion israélienne de la Cisjordanie occupée (la "Judée-Samarie", selon le vocable des colons israéliens), s’est empressé de clamer que la perspective d’un Etat palestinien pouvait être oubliée. "Après 24 ans, le drapeau palestinien est descendu des mâts et le drapeau israélien a pris sa place", a-t-il affirmé, en faisant référence aux accords d’Oslo de 1993 qui avaient amorcé le processus de paix israélo-palestinien. Si l’extrême-droite israélienne voit déjà en M. Trump un fervent défenseur de sa cause annexionniste, celui-ci a demandé à Israël de ralentir "un peu" la construction dans les colonies israéliennes de Cisjordanie, après les annonces récentes de plus de 6 000 nouveaux logements.
Un pilier de la politique américaine abattu
Cette première rencontre officielle, "chaleureuse" et "excellente" selon les mots de M. Netanyahou, marque certainement une nouvelle ère dans les relations entre Israël et les Etats-Unis. Ne serait-ce que parce que, pour la première fois publiquement, M. Trump prend ses distances avec une solution à deux Etats, un pilier de la politique américaine au Proche-Orient depuis 2001. Il n’empêche que lorsque le président américain s’est ainsi exprimé pendant la conférence de presse, le Premier ministre israélien "n’a pu se retenir de rire", observe Emmanuel Navon, professeur en relations internationales à l’université de Tel Aviv. "Ça veut tout dire, poursuit-il. Trump ne sait pas de quoi il parle."
Le quotidien de gauche "Haaretz" a aussi déploré l’ignorance d’un président qui traite la chose en homme d’affaires. Or, c’est omettre ou ne pas comprendre "la complexité de la situation ici", déplore Munther S. Dajani, professeur en sciences politiques à l’université palestinienne d’Al Qods à Jérusalem. "M. Trump n’a pas idée du conflit entre Israéliens et Palestiniens."
Une tentative d’éliminer l’Etat de Palestine
Le changement de la position américaine a d’ailleurs provoqué l’indignation de la classe politique palestinienne, qui s’est sentie trahie par les Etats-Unis : Saëb Erakat, numéro deux de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), y voit une "tentative d’enterrer la solution à deux Etats et d’éliminer l’Etat de Palestine" tandis que le Hamas, au pouvoir à Gaza, a dénoncé le "jeu fourbe" des Américains. Avant la rencontre à Washington, Mahmoud Abbas, le président de l’Autorité palestinienne, avait rappelé son engagement pour une solution à deux Etats. "Mais la paix n’est pas dans leur programme", renchérit le professeur Dajani. "Israël veut rester dans un état de statu quo" et maintenir ainsi la Cisjordanie sous occupation militaire.
Que conclure alors de cette prime rencontre israélo-américaine ? Malgré les sourires, les accolades et les déclarations en faveur de la paix, "ça ne suffit pas", selon Emmanuel Navon. "Les problèmes de fond restent les mêmes". Tôt ou tard, "il faudra revenir à la réalité".
Les déclarations de Trump sur le Proche-Orient
21 mars 2016. Donald Trump, alors candidat à l’investiture républicaine en vue de l’élection présidentielle, s’engage, s’il est élu, à reconnaître Jérusalem comme "capitale éternelle" et unifiée d’Israël et d’y déplacer l’ambassade américaine, dans un discours lors de la conférence annuelle du puissant lobby juif Aipac à Washington.
23 décembre. Le président élu estime sur Twitter que l’adoption, le jour même, d’une résolution de l’Onu exhortant Israël à mettre fin "immédiatement et totalement" à la colonisation constitue "une grande défaite (...) pour Israël" et va rendre "beaucoup plus difficiles" le processus de paix entre Israéliens et Palestiniens. "Les choses seront différentes après le 20 janvier", ajoute-t-il.
22 janvier 2017. Deux jours après l’investiture de Donald Trump, le transfert annoncé de l’ambassade américaine semble déjà relégué : "Nous en sommes au tout début du processus consistant ne serait-ce qu’à aborder ce sujet", admet la Maison-Blanche.
2 février. "Si nous ne pensons pas que l’existence des colonies soit un obstacle à la paix, la construction de nouvelles colonies ou l’expansion des colonies existantes au-delà de leurs limites actuelles pourrait ne pas aider à la réalisation de cet objectif", affirme un communiqué de la Maison-Blanche, suite à plusieurs annonces d’Israël relatives au développement de ses colonies en Cisjordanie et à Jérusalem-est.
10 février. Trump indique dans le quotidien "Israel Hayom" qu’il réfléchit toujours "très sérieusement" à déplacer l’ambassade américaine à Jérusalem mais que cette décision n’est "pas facile". Le "New York Times" expliquera que M. Trump a reculé sur cette question, Netanyahou ayant fait valoir qu’une décision aussi lourde en symboles n’était pas la priorité numéro un.
15 février. La paix au Proche-Orient n’est pas nécessairement liée à la solution à deux Etats, dit Donald Trump lors de sa rencontre à la Maison-Blanche avec le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou. "Je considère (la solution à) deux Etats et un Etat, […] si Israël et les Palestiniens sont contents, je suis content avec ce qu’ils préfèrent", a déclaré M. Trump.