En affirmant que la solution à deux Etats n’était pas l’unique option de paix entre Israéliens et Palestiniens, Donald Trump a rompu avec un consensus diplomatique de longue date. « Je regarde [la solution à] deux Etats, [à] un Etat, et si Israël et les Palestiniens sont contents, je suis content avec ce qu’ils préfèrent », a lancé, mercredi 15 février, le président américain lors d’une conférence de presse avec le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, en visite à la Maison Blanche.
Quelle est cette solution à deux Etats ?
C’est l’option jusqu’ici privilégiée dans toutes les tentatives de négociations. Elle consiste en la création d’un Etat palestinien en plus de l’Etat d’Israël. En 1993, les accords d’Oslo fixaient d’ailleurs les étapes devant aboutir à un Etat palestinien.
Un tel Etat pourrait se faire sur la base des frontières antérieures à la guerre des Six-Jours de juin 1967 à l’issue de laquelle a commencé l’occupation israélienne de la Cisjordanie. Mais la question des frontières est un premier point d’achoppement, M. Nétanyahou ayant déjà dit, en 2011, qu’« Israël ne peut retourner aux frontières indéfendables de 1967 ».
Plus de vingt-trois ans après les accords d’Oslo, « nous sommes plus éloignés que jamais de leurs objectifs », rappelait, en septembre 2016, le secrétaire général de l’Organisation des Nations unies (ONU), Ban Ki-moon. « La solution à deux Etats risque d’être remplacée par une réalité à un Etat, faite de violence perpétuelle et d’occupation », mettait en garde celui qui a depuis cédé sa place au Portugais Antonio Guterres.
Pourquoi est-elle de moins en moins réalisable ?
Pour Alain Dieckhoff, directeur du Centre de recherches internationales (CERI) de Sciences Po, la solution à deux Etats est la seule qui fasse consensus au sein de la communauté internationale. « Le problème étant que plus le temps passe, plus cela rend difficile cette solution, explique le directeur de recherche au CNRS. Le grignotage du territoire palestinien par la colonisation israélienne rend tout cela de plus en plus compliqué. »
En effet, la colonisation est considérée par la communauté internationale comme le principal obstacle à la paix entre Israéliens et Palestiniens. L’association israélienne La Paix maintenant estime à 385 900 le nombre d’Israéliens installés dans des colonies en Cisjordanie. A cela s’ajouteraient 200 000 colons israéliens dans Jérusalem-Est.
La création d’un Etat palestinien créerait de facto un mouvement de ces populations, qui seraient probablement dans l’obligation de retourner en Israël. C’est loin d’être la volonté de M. Nétanyahou, qui multiplie depuis plusieurs mois les gestes en faveur de l’extrême droite israélienne. Début février, la Knesset a même fait un pas de plus dans l’annexion de la Cisjordanie, en adoptant une loi autorisant l’Etat israélien à s’approprier, contre compensation, des terrains privés palestiniens en Cisjordanie sur lesquels des Israéliens ont construit sans autorisation des colonies sauvages.
Dans un entretien au Monde en avril 2016, le coordinateur spécial de l’ONU pour le processus de paix au Proche-Orient, Nikolaï Mladenov, déclarait : « On croit de moins en moins dans la pertinence des négociations et dans la possibilité d’une solution à deux Etats. Chacun avance dans une direction opposée. On parle moins de réalisations communes entre Israéliens et Palestiniens, et plus de séparation. »
En décembre 2016, le Conseil de sécurité de l’ONU a condamné dans une résolution la colonisation israélienne des territoires occupés et de Jérusalem-Est, en demandant à l’Etat hébreu d’arrêter « immédiatement et complètement » de telles implantations. Juste après l’annonce du vote, M. Nétanyahou a affirmé qu’Israël « rejet[ait] cette résolution honteuse et ne s’y conformera[it] pas ». Aucune sanction n’est prévue dans la résolution 2334 en cas de non-respect du texte.
Quelles sont les autres options envisageables ?
Une solution parfois avancée dans la résolution du conflit est celle de la création d’un Etat binational unique dont les ressortissants des deux nationalités, israélienne et palestinienne, seraient tous citoyens. C’est une solution que revendique une partie de l’extrême droite israélienne, farouchement hostile à la création d’un Etat palestinien.
Mais cette perspective soulève des interrogations sur la nature démocratique d’Israël, puisque la population de confession juive deviendrait minoritaire dans l’espace territorial ainsi constitué.
Alain Dieckhoff affirme que la déclaration de Donald Trump de ne pas choisir entre la solution à un Etat et à deux Etats est « d’une incroyable légèreté » :
« On ne voit pas du tout à quoi pourrait ressembler un seul Etat. Dans les mots de Donald Trump, on voit d’ailleurs qu’il n’a pas l’air de savoir non plus ce qu’on met derrière : un Etat où Palestiniens et Israéliens auraient la même nationalité et les mêmes droits, ou un Etat avec des droits différents entre Arabes et Juifs ? Ce qui est sûr, c’est qu’il a ouvert une boîte de Pandore et que certains acteurs vont s’en servir. »
Lors de la Conférence pour la paix au Proche-Orient, qui se tenait à Paris le 15 janvier, Jean-Marc Ayrault, ministre français des affaires étrangères, a réaffirmé que « cette solution à deux Etats [était] la seule possible, la seule qui permette de respecter les aspirations légitimes et les droits des deux peuples ». Signe de négociations au point mort, ni le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, ni le premier ministre israélien n’étaient présents à cette conférence ayant rassemblé les représentants de 75 pays.
Pourquoi la déclaration de Trump est-elle importante ?
La solution à deux Etats est au centre de la position américaine et de celle de la communauté internationale depuis plusieurs décennies dans le règlement du conflit israélo-palestinien. Les trois précédents présidents américains la privilégiaient.
S’il maintient sa position, Donald Trump marquerait une rupture profonde avec la politique étrangère américaine en la matière. Il isolerait ainsi les Etats-Unis de leurs alliés arabes et occidentaux, majoritairement en faveur de cette solution. Un revirement de la présidence américaine sur cet aspect provoquerait sans doute la colère du monde musulman, notamment de pays qui soutiennent Washington dans son combat contre l’organisation terroriste Etat islamique.
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