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Festival Séries Mania : le Grand Prix à la série israélienne « Your Honor »

Pour « Le Monde », ses deux auteurs reviennent sur les conditions dans lesquelles cette série haletante a été conçue et élaborée.

Propos recueillis par 

Publié le 22 avril 2017 à 21h34, modifié le 22 avril 2017 à 21h34

Temps de Lecture 4 min.

Your Honor s’ouvre sur l’accident de voiture que cause le jeune fils d’un juge, suivi d’un délit de fuite. Comment ce juge, brillant, intègre, qui brigue un poste à la Cour constitutionnelle, va-t-il se comporter ? Une série haletante, qui amène chacun à se poser la question des limites qu’il mettrait à défendre son enfant coupable et que le festival Séries Mania a a choisi de récompenser de son Grand Prix, samedi 22 avril.

Nous avions rencontré ses auteurs, Shlomo Mashiach, créateur et scénariste, et Ron Ninio, créateur et réalisateur, après la projection des deux premiers épisodes de leur série, dans le cadre du festival.

Le titre, « Votre Honneur », est-ce la manière dont on s’adresse à un juge en Israël ?

Ron Ninio : On utilise ce terme, oui, mais on dit plus généralement « Monsieur ». Cela dit, si le personnage principal est effectivement un juge, on comprend, au fil de la série, que ce titre est ironique. En Israël, le système judiciaire est un héritage : d’une part du système turc, puisque jusqu’au début du XXe siècle, avant les Britanniques, la Turquie dominait les trois quarts du monde méditerranéen, d’autre part du système britannique dans lequel on s’adresse au juge en lui disant Your Honor.

Votre série a-t-elle déjà été diffusée en Israël, et, si oui, sur une chaîne publique ou privée ?

Shlomo Mashiach : En Israël, s’agissant du hertzien, il existe une chaîne publique et une télévision commerciale qui comporte deux canaux. S’ajoutent à cela le câble et le satellite. J’ai travaillé pour toutes les sociétés de télévision d’Israël. C’est donc en connaissance de cause que je peux dire que la société qui émet par satellite, Yes, a l’immense avantage de placer les auteurs de fiction comme de documentaire au premier plan, sans restreindre leur liberté au nom de l’audience. Ce qui fait aussi qu’elle n’atteint pas l’audience des chaînes commerciales.

Je crois que vous, en Israël, travaillez avec des moyens financiers ridicules par rapport à ceux que l’on connaît en Europe ?

S.M. : Oui, l’industrie de la télévision dispose de très peu d’argent pour la création dramatique. Nous imaginons donc des séries qui coûtent bien moins cher qu’en Europe ou aux Etats-Unis, avec à l’esprit, toujours, que cela ne doit pas se voir. Le coût total de notre série, c’est ce que HBO ou Showtime auraient mis pour un seul de leurs épisodes.

Mais auriez-vous disposé de la même liberté de création ?

R.N. : Je pense que oui, puisque ce sont ces chaînes qui sont à l’origine de la plus grande révolution que la télévision ait connue au cours des quinze dernières années. Elles ont créé le cinéma de longue durée : on fait maintenant des films de huit, dix, douze heures. Or pour réaliser des séries exceptionnelles comme Les Soprano ou Breaking Bad, ces chaînes ont dû laisser toute liberté de création à leurs auteurs.

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Dans quelle situation êtes-vous, pour votre part : recherchez-vous systématiquement la liberté, ou tout simplement le média qui acceptera un de vos projets ?

R.N. : C’est très simple et plutôt cynique : on frappe à toutes les portes, et nous allons vers le premier qui est prêt à nous engager. Nous n’avons pas le luxe de rechercher qui nous préférons.

S.M. : L’idéal, pour créer des séries comme Your Honor, ce serait notre chaîne publique. Malheureusement, au cours des vingt dernières années, cette chaîne n’a pas rempli sa fonction qui veut qu’en tant que BBC israélienne, elle ne se préoccupe pas des audiences et propose des créations du meilleur niveau possible au public. Paradoxalement, les sociétés privées, y compris les sociétés commerciales, contraintes par la loi de produire des créations originales, en ont fait beaucoup plus que la chaîne publique, pourtant financièrement soutenue par l’Etat.

R.N. : Le gouvernement vient même de tenter de fermer la chaîne publique et d’ouvrir un autre établissement audiovisuel public de télévision et de radio. Cela a créé un tel bazar en Israël, dernièrement, que le gouvernement a failli tomber : on a été sur le point d’organiser des élections anticipées en raison de l’immense polémique que cela a engendré.

Que se passe-t-il, précisément ?

R.N. : C’est Israël ! Entre 1968 et 1992, il n’y avait qu’une seule chaîne, celle du service public. La corruption s’y est installée, principalement en raison des dirigeants. La conclusion a été qu’on ne pouvait pas guérir ce grand malade, en raison de tous les comités, commissions et autres qui avaient leur mot à dire. Il a donc été décidé qu’il valait mieux la fermer, virer tout le monde, et en créer une nouvelle de zéro. Mais ça ne pouvait pas être aussi simple : les politiciens sont entrés dans l’arène, le premier ministre Benjamin Netanyahou aussi, puis son épouse, et le gouvernement a été sur le point de tomber !

S.M. : Pour résumer, la chaîne publique historique, et avant tout son service d’information, subissait d’énormes pressions politiques. Les créateurs de la nouvelle chaîne publique, qui doit être lancée le 30 avril, ont prévu de rendre ce service public et ses créateurs indépendants de la politique et des politiques. Quand M. Netanyahou s’en est aperçu, il s’en est mordu les doigts et a voulu annuler l’ouverture de la nouvelle chaîne publique, pour revenir au statu quo.

R.N. : Les politiciens sont les mêmes partout, ils ne veulent pas lâcher l’information. Si bien que pour l’instant, on ne sait pas ce qui va se passer.

S.M. : Le gouvernement a jusqu’au 30 avril pour modifier la loi afin que la nouvelle chaîne publique fonctionne sans journal télévisé, et que l’information continue d’être diffusée sur l’ancienne chaîne du service public.

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