Cet article vous est offert
Pour lire gratuitement cet article réservé aux abonnés, connectez-vous
Vous n'êtes pas inscrit sur Le Monde ?

Dans son appartement de Lyon, Merhawi espère commencer à reconstruire sa vie

Série « Les nouveaux arrivants ». L’Erythréen, qui a fui l’une des pires dictatures d’Afrique, pose ses valises dans la capitale des Gaules après dix ans d’exil en Israël.

Par 

Publié le 04 mai 2017 à 17h43, modifié le 04 mai 2017 à 17h43

Temps de Lecture 3 min.

Sur le pas de la porte de son nouvel appartement, Merhawi a installé un paillasson.

« Ta boîte aux lettres sera celle-ci. Il faudra inscrire ton nom dessus. Peux-tu tester maintenant la serrure ? », demande Caroline Rabatel, assistante sociale au sein de l’association Forum Réfugiés, à Merhawi, cet Erythréen que Le Monde suit dans le cadre de son opération « Les nouveaux arrivants ».

Arrivé en France fin janvier, le jeune homme de 29 ans est actuellement hébergé à Villeurbanne dans un centre de transit avec ses deux fils, âgés de 4 et 5 ans. Venue d’Israël, la petite famille s’entasse dans deux pièces de 7 m² qui ne communiquent pas entre elles, obligeant le père à dormir avec ses enfants. Autant dire que Merhawi, qui vivait dans un logement plus spacieux dans le sud de Tel-Aviv, est impatient de déménager.

« La rentrée de septembre »

Situé dans le VIe arrondissement de Lyon, cet appartement marque un nouveau départ pour celui qui a fui l’Erythrée, l’une des dictatures les plus dures d’Afrique. Il a quitté son pays il y a une dizaine d’années, alors qu’il était étudiant, en passant notamment par l’Ethiopie puis l’Egypte avant de rejoindre Israël.

L’état des lieux commence. « Comme vous pouvez le voir, l’électricité n’a pas été coupée », fait remarquer la gestionnaire de cet immeuble qui appartient à ICF Habitat (Immobilière des chemins de fer français). Jusqu’à ce que l’Erythréen perçoive ses droits, le loyer sera presque intégralement pris en charge par l’association Forum Réfugiés.

En compagnie de Caroline Rabatel, Merhawi inspecte chaque pièce et teste les prises électriques avec son téléphone portable. Même s’il reste quelques travaux de plomberie à effectuer, qu’un volet résiste un peu à la fermeture et que le sol nécessite un bon coup de nettoyage, ce joli F3 de 62 m² est en bon état avec ses murs fraîchement repeints en blanc qui lui donnent une belle luminosité.

Merhawi en a conscience, lui qui rêve « de poser enfin ses valises » et considère ce logement comme une étape importante « pour démarrer une nouvelle vie entourée de ses enfants ». Envisage-t-il de les faire changer d’école ? « Je ne sais pas, je dois y réfléchir, répond le jeune homme. Il ne reste plus que trois mois avant les vacances d’été, alors je pense que ça serait bien d’attendre la rentrée de septembre. Mais l’école de Villeurbanne est tout de même un peu loin d’ici et j’aime savoir qu’ils sont près de moi. »

« Têtes thermostatiques »

En plein centre-ville de Lyon, ce logement au premier étage surélevé présente un inconvénient : il est situé au bord de la voie de chemin de fer, à quelques encablures de la gare de la Part-Dieu. S’il donne d’un côté sur une rue calme et assez peu fréquentée, on entend de l’autre le passage des trains malgré le double vitrage posé aux fenêtres.

Dans chaque pièce, Merhawi imagine son emménagement, se projette dans sa future vie. Il parle couramment le tigrigna (langue de l’Erythrée), l’hébreu (il utilise cette langue pour communiquer avec ses enfants, tous deux nés en Israël) ainsi que l’anglais. Depuis février, il suit des cours de français deux fois par semaine et montre une réelle motivation pour l’apprentissage de cette langue. Mais quand il faut lui expliquer que, d’après la gestionnaire de l’immeuble, « les têtes thermostatiques ont été changées dans la cuisine » et « qu’il faut conserver précieusement le contrat d’entretien de la chaudière », l’affaire se corse.

Dix jours plus tard, c’est le jour J. Merhawi arrive avec ses enfants, Sam et Rafaël, en vacances scolaires et accompagné d’un bénévole de l’association Forum Réfugiés pour l’aider à emménager dans son nouvel appartement. Toute la vie de l’Erythréen et de ses fils tient dans une dizaine de sacs en plastique et deux valises. Les enfants sont un peu excités et se bousculent dans le couloir. La petite famille a pu profiter d’un kit d’installation de l’association qui s’occupe d’eux. Il comprend des lits, un canapé, quelques accessoires de cuisine… Reste plus qu’à tout ranger.

  • Merhawi, 28 ans, érythréen, dans le TGV entre Lyon et Paris. Le 28 mars 2017, il est parti tôt de Villeurbanne, où il était hébergé, pour se rendre à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) pour sa demande d'asile.

    Merhawi, 28 ans, érythréen, dans le TGV entre Lyon et Paris. Le 28 mars 2017, il est parti tôt de Villeurbanne, où il était hébergé, pour se rendre à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) pour sa demande d'asile. Bruno Amsellem/Signatures pour Le Monde

  • La gare de Lyon, à Paris, au petit matin. Merhawi doit prendre le RER A en direction de Fontenay-sous-Bois, en banlieue, où se trouve l’Ofpra.

    La gare de Lyon, à Paris, au petit matin. Merhawi doit prendre le RER A en direction de Fontenay-sous-Bois, en banlieue, où se trouve l’Ofpra. Bruno Amsellem/Signatures pour Le Monde

  • Dans le hall de l’Ofpra, Merhawi attend son tour. Dans quelques minutes, ce 28 mars, il va raconter son histoire. Son audition est une formalité, la France ayant signé une convention avec le Haut-Commissariat aux réfugiés (HCR) pour les cas comme le sien, c’est-à-dire celui de jeunes Erythréens réinstallés en France et qui arrivent déjà avec l’asile en poche. Ce qui n’empêche pas Merhawi d’être inquiet.

    Dans le hall de l’Ofpra, Merhawi attend son tour. Dans quelques minutes, ce 28 mars, il va raconter son histoire. Son audition est une formalité, la France ayant signé une convention avec le Haut-Commissariat aux réfugiés (HCR) pour les cas comme le sien, c’est-à-dire celui de jeunes Erythréens réinstallés en France et qui arrivent déjà avec l’asile en poche. Ce qui n’empêche pas Merhawi d’être inquiet. Bruno Amsellem/Signatures pour Le Monde

  • Le bureau est exigu, nu. Tous les boxes se ressemblent et c’est là que l’agent de l’Ofpra écoute les récits d’exil. Derrière l’ordinateur, l’officier de protection fait raconter à Merhawi sa douloureuse odyssée. Durant plus d’une heure, le jeune homme rappelle les circonstances de son départ d’Eyrthrée alors qu’il était encore lycéen, en 2008. Le Soudan, l’Egypte, le Sinaï. Son séjour en Israël aussi, où il avait tenté de reconstruire sa vie.

    Le bureau est exigu, nu. Tous les boxes se ressemblent et c’est là que l’agent de l’Ofpra écoute les récits d’exil. Derrière l’ordinateur, l’officier de protection fait raconter à Merhawi sa douloureuse odyssée. Durant plus d’une heure, le jeune homme rappelle les circonstances de son départ d’Eyrthrée alors qu’il était encore lycéen, en 2008. Le Soudan, l’Egypte, le Sinaï. Son séjour en Israël aussi, où il avait tenté de reconstruire sa vie. Bruno Amsellem / Divergence pour Le Monde

  • Merhawi ne parle pas suffisamment bien français pour que l’entretien se déroule dans cette langue. Un traducteur écoute le récit de Merhawi en tigrinia et le traduit en français pour l’officier de protection. Il prend des notes pour retranscrire au mieux les longues réponses de Merhawi et n’omettre aucune date, aucun élément important.

    Merhawi ne parle pas suffisamment bien français pour que l’entretien se déroule dans cette langue. Un traducteur écoute le récit de Merhawi en tigrinia et le traduit en français pour l’officier de protection. Il prend des notes pour retranscrire au mieux les longues réponses de Merhawi et n’omettre aucune date, aucun élément important. Bruno Amsellem / Divergence

  • A la fin de l’entretien, Merhawi se dépouille des restes de sa vie antérieure : il laissera là le laissez-passer qu’il a eu pour quitter Israël, le certificat de naissance de ses deux enfants, son magnifique certificat de mariage calligraphié en hébreu... Tout cela sera consigné dans les immenses sous-sols de l’Ofpra. Désormais, c’est l’Ofpra qui lui délivrera les actes de naissance dont il pourrait avoir besoin.

    A la fin de l’entretien, Merhawi se dépouille des restes de sa vie antérieure : il laissera là le laissez-passer qu’il a eu pour quitter Israël, le certificat de naissance de ses deux enfants, son magnifique certificat de mariage calligraphié en hébreu... Tout cela sera consigné dans les immenses sous-sols de l’Ofpra. Désormais, c’est l’Ofpra qui lui délivrera les actes de naissance dont il pourrait avoir besoin. Bruno Amsellem / Divergence

  • Le soir du 28 mars, la demande d’asile de Merhawi est déposée. Et à l’issue de son entretien, il a été officiellement informé que la France lui accorde sa protection pour dix ans. Il ne lui restera plus qu’à porter à la préfecture de son domicile le papier que l’Ofpra doit lui envoyer dans la foulée pour obtenir sa carte de séjour.

    Le soir du 28 mars, la demande d’asile de Merhawi est déposée. Et à l’issue de son entretien, il a été officiellement informé que la France lui accorde sa protection pour dix ans. Il ne lui restera plus qu’à porter à la préfecture de son domicile le papier que l’Ofpra doit lui envoyer dans la foulée pour obtenir sa carte de séjour. Bruno Amsellem/Signatures pour Le Monde

  • Le centre de transit de Villeurbanne, où Merhawi a vécu de son arrivée en France de la fin janvier jusqu’à la mi-avril, est géré par l’association Forum réfugiés.

    Le centre de transit de Villeurbanne, où Merhawi a vécu de son arrivée en France de la fin janvier jusqu’à la mi-avril, est géré par l’association Forum réfugiés. Sandra Mehl pour Le Monde

  • Des résidents du centre de transit de Villeurbanne. En fin d’après-midi dans la salle commune, on discute de tout et de rien en buvant un café et en grillant une cigarette.

    Des résidents du centre de transit de Villeurbanne. En fin d’après-midi dans la salle commune, on discute de tout et de rien en buvant un café et en grillant une cigarette. Sandra Mehl pour Le Monde

  • La salle des activités du centre de transit de Villeurbanne, où se déroulent notamment des cours de français. Merhawi prend des cours ici deux fois par semaine.

    La salle des activités du centre de transit de Villeurbanne, où se déroulent notamment des cours de français. Merhawi prend des cours ici deux fois par semaine. Sandra Mehl pour Le Monde

  • Merhawi a vécu avec ses deux fils, Rafaël et Sam, dans deux pièces de 7 m2 mitoyennes du centre de transit. Ici, celle utilisée comme une chambre pour la famille, et dans laquelle il se repose un instant.

    Merhawi a vécu avec ses deux fils, Rafaël et Sam, dans deux pièces de 7 m2 mitoyennes du centre de transit. Ici, celle utilisée comme une chambre pour la famille, et dans laquelle il se repose un instant. Sandra Mehl pour Le Monde

  • Dans la chambre de Merhawi et ses deux fils.

    Dans la chambre de Merhawi et ses deux fils. Sandra Mehl pour Le Monde

  • En attendant l'ascenseur, Merhawi et ses deux fils jouent.

    En attendant l'ascenseur, Merhawi et ses deux fils jouent. Sandra Mehl pour Le Monde

  • Rafaël, 5 ans, regarde la télévision après l'école dans l'une des deux pièces exiguës appelée le salon.

    Rafaël, 5 ans, regarde la télévision après l'école dans l'une des deux pièces exiguës appelée le salon. Sandra Mehl pour Le Monde

  • Au sommet de la colline de Fourvière, Merhawi admire la vue sur la ville de Lyon où il habitera dans quelques semaines.

    Au sommet de la colline de Fourvière, Merhawi admire la vue sur la ville de Lyon où il habitera dans quelques semaines. Sandra Mehl pour Le Monde

  • Merhawi, dans la basilique Notre-Dame de Fourvière, à Lyon.

    Merhawi, dans la basilique Notre-Dame de Fourvière, à Lyon. Sandra Mehl pour Le Monde

  • Sam, 4 ans, pendant l'anniversaire de son frère Rafaël, qui fête ses 5 ans au parc de la Tête-d'Or à Lyon, le 17 avril.

    Sam, 4 ans, pendant l'anniversaire de son frère Rafaël, qui fête ses 5 ans au parc de la Tête-d'Or à Lyon, le 17 avril. Sandra Mehl pour Le Monde

  • Merhawi, Rafaël et Sam.

    Merhawi, Rafaël et Sam. Sandra Mehl pour Le Monde

  • Au parc de la Tête-d’Or, le 17 avril.

    Au parc de la Tête-d’Or, le 17 avril. Sandra Mehl pour Le Monde

  • C’est le jour du déménagement pour Merhawi : il quitte le centre de transit, aidé par un agent de Forum réfugiés.

    C’est le jour du déménagement pour Merhawi : il quitte le centre de transit, aidé par un agent de Forum réfugiés. Sandra Mehl pour Le Monde

  • Le 20 avril, Merhawi a pu emménager dans le 6e arrondissement de Lyon. Le jour de l’état des lieux, Caroline Rabatel, assistante sociale au sein de l’association Forum réfugiés, prend rendez-vous avec un plombier et un carreleur pour rendre l’appartement fonctionnel.  Même s’il reste quelques travaux à effectuer, Merhawi est heureux « de poser enfin ses valises ».

    Le 20 avril, Merhawi a pu emménager dans le 6e arrondissement de Lyon. Le jour de l’état des lieux, Caroline Rabatel, assistante sociale au sein de l’association Forum réfugiés, prend rendez-vous avec un plombier et un carreleur pour rendre l’appartement fonctionnel.  Même s’il reste quelques travaux à effectuer, Merhawi est heureux « de poser enfin ses valises ». Sandra Mehl pour Le Monde

  • Pour Merhawi, ce logement marque une étape importante « pour commencer sa nouvelle vie entouré de ses enfants ».

    Pour Merhawi, ce logement marque une étape importante « pour commencer sa nouvelle vie entouré de ses enfants ». SANDRA MEHL POUR LE MONDE

  • Sam, lors de l’emménagement.

    Sam, lors de l’emménagement. Sandra Mehl pour "Le Monde"

  • Sur le pas de la porte, Merhawi a installé un paillasson.

    Sur le pas de la porte, Merhawi a installé un paillasson. Sandra Mehl pour "Le Monde"

  • Rafaël (à gauche) et Sam jouent au ballon dans le couloir de leur nouvel appartement.

    Rafaël (à gauche) et Sam jouent au ballon dans le couloir de leur nouvel appartement. Sandra Mehl pour Le Monde

  • Dans l'une des deux chambres, les affaires fraîchement transportées attendent d’être rangées.

    Dans l'une des deux chambres, les affaires fraîchement transportées attendent d’être rangées. Sandra Mehl pour Le Monde

  • Premier goûter dans leur nouvel appartement.

    Premier goûter dans leur nouvel appartement. Sandra Mehl pour "Le Monde"

127

L’espace des contributions est réservé aux abonnés.
Abonnez-vous pour accéder à cet espace d’échange et contribuer à la discussion.
S’abonner

Voir les contributions

Réutiliser ce contenu

Lecture du Monde en cours sur un autre appareil.

Vous pouvez lire Le Monde sur un seul appareil à la fois

Ce message s’affichera sur l’autre appareil.

  • Parce qu’une autre personne (ou vous) est en train de lire Le Monde avec ce compte sur un autre appareil.

    Vous ne pouvez lire Le Monde que sur un seul appareil à la fois (ordinateur, téléphone ou tablette).

  • Comment ne plus voir ce message ?

    En cliquant sur «  » et en vous assurant que vous êtes la seule personne à consulter Le Monde avec ce compte.

  • Que se passera-t-il si vous continuez à lire ici ?

    Ce message s’affichera sur l’autre appareil. Ce dernier restera connecté avec ce compte.

  • Y a-t-il d’autres limites ?

    Non. Vous pouvez vous connecter avec votre compte sur autant d’appareils que vous le souhaitez, mais en les utilisant à des moments différents.

  • Vous ignorez qui est l’autre personne ?

    Nous vous conseillons de modifier votre mot de passe.

Lecture restreinte

Votre abonnement n’autorise pas la lecture de cet article

Pour plus d’informations, merci de contacter notre service commercial.