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Ignominie ordinaire du délateur parisien

Dans son dernier ouvrage, l’historien Laurent Joly mène une enquête exemplaire sur la dénonciation de juifs et ses conséquences meurtrières sous l’Occupation.

Par  (Historien et collaborateur du « Monde des livres »)

Publié le 01 juin 2017 à 10h52, modifié le 01 juin 2017 à 11h07

Temps de Lecture 2 min.

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Dénoncer les juifs sous l’Occupation. Paris, 1940-1944, de Laurent Joly, CNRS Editions, 230 p., 22 €.

En juillet 1941, un jeune coiffeur sis rue Damrémont, dans le 18e arrondissement de Paris, écrit deux lettres au commissariat général aux questions juives pour dénoncer la boutique de son concurrent juif qui continue ses activités : « [Elles] me font à moi Artisan arien Français le plus grand tort. » Arrêté, déporté en 1942, Icek Mendelsohn n’est pas revenu d’Auschwitz, assassiné, comme des milliers d’autres juifs de France, suite à un acte de délation. Prolongeant des travaux menés depuis plusieurs années sur la question, Laurent Joly, directeur de recherches au CNRS, propose une vue d’ensemble du phénomène dans un livre à la fois exemplaire sur le plan méthodologique et bouleversant, tant il donne à voir de vies détruites de la sorte par l’ignominie ordinaire des lettres de dénonciation.

Ordres de grandeur

Le premier mérite de l’enquête est de proposer une pesée quantitative de la pratique délatrice, à partir du cas parisien, le mieux renseigné par différents fonds d’archives minutieusement exploités. Corrigeant l’idée reçue faisant état de millions de courriers, le chercheur restitue des ordres de grandeur moins énormes, autour de 3 000 lettres reçues entre 1941 et 1944 par les autorités françaises, et un nombre sans doute équivalent traité par la Gestapo allemande, auxquelles il faut ajouter les dénonciations orales et les informations publiées par d’infects journaux comme l’hebdomadaire Au pilori. S’il ne s’agit pas du « phénomène de masse que l’on imagine communément », la pratique est meurtrière et profondément révélatrice sur les rapports sociaux dans la France occupée.

Car le second apport du livre est d’inscrire les courriers de dénonciation dans leurs contextes, et de montrer que tous les délateurs ne sont pas des antisémites fanatiques, même si l’auteur en donne plusieurs exemples accablants. Bien souvent, la délation procède de conflits banals, de règlements de comptes sordides, de querelles de voisinage, de l’appât du gain également, inséparable de la fragilisation des familles juives par les mesures dites d’« arianisation économique ». Une concierge voulant s’approprier le contenu d’un appartement, un gangster arrêté pour trafics au marché noir et qui retrouve sa liberté en livrant des adresses de juifs dissimulés figurent ainsi parmi les délateurs. Et, en creux, c’est le quotidien des juifs persécutés et pourchassés, n’osant plus sortir, ou trop confiants dans leur entourage, qui se dévoile.

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