C’est l’histoire de la conquête éclair d’un parti en lambeaux. L’histoire d’un homme qui, il y a un peu plus d’un an, était ministre d’un gouvernement de droite, avant de prendre, lundi 10 juillet, la tête de la principale formation de l’opposition israélienne. Celle d’Avi Gabbay, inconnu du grand public, désigné à 50 ans chef du Parti travailliste. Il l’a emporté avec 52,4 % des voix, contre 47,6 % au vétéran de la politique Amir Peretz, qui l’avait devancé de plus de cinq points au premier tour.
Près de 50 000 militants étaient appelés à désigner le successeur d’Isaac Herzog. Ils ont préféré l’aventure au chemin déjà exploré que représentait Amir Peretz. Ce dernier avait dirigé le Parti travailliste (2005-2007). Ministre de la défense pendant la guerre du Liban en 2006, c’est un responsable politique roublard, expérimenté, avec un engagement constant en faveur d’une paix négociée avec les Palestiniens.
Avi Gabbay, lui, reste un mystère. Issu d’une famille modeste d’origine marocaine — ce qui a un fort poids symbolique dans le parti des élites ashkénazes —, il a fait carrière au sein du géant des télécommunications Bezeq, jusqu’au poste de PDG. Il est l’un des fondateurs, avec Moshe Kahlon, du parti de centre droit Kulanu, qui participe à la coalition au pouvoir.
Crise identitaire
Ministre de la protection environnementale, Avi Gabbay avait quitté le gouvernement Nétanyahou en mai 2016, après la désignation d’Avigdor Lieberman à la défense. Son pari – rejoindre le Parti travailliste en décembre 2016 pour immédiatement postuler à sa direction – était très osé. Sans expérience, sans identité politique claire, il a réussi une ascension inouïe, qui dit beaucoup de la déshérence travailliste.
En crise identitaire, le parti aspirait à un changement profond. Isaac Herzog et Tzipi Livni, du parti Hatnuah, avaient forgé une alliance au cours des dernières élections, en mars 2015, en fondant l’Union sioniste. Elle avait obtenu un bon score, avec 24 députés sur 120. Mais au cours de la campagne, elle avait cru en la victoire. La remontée finale du Likoud, grâce à une stratégie de la peur auprès de la droite nationale religieuse, avait condamné une nouvelle fois les travaillistes à l’opposition.
Depuis, ils se sont retrouvés dans un double piège. Le premier fut la tentation constante d’Isaac Herzog de répondre aux sollicitations de Benyamin Nétanyahou en vue de constituer un gouvernement de coalition, seul à même de reprendre les négociations avec les Palestiniens. Fin tacticien, le premier ministre a refusé d’attribuer le portefeuille des affaires étrangères, le conservant comme appât pour Isaac Herzog. Les deux hommes sont allés loin dans leurs échanges, à la fois sur la répartition des postes et sur la feuille de route pour la paix. Des négociations secrètes les ont associés aux Egyptiens et aux Jordaniens. Mais, finalement, M. Nétanyahou s’est retiré de cet effort. Isaac Herzog est alors apparu comme un chef faible, trop focalisé sur la conquête du pouvoir, peu convainquant sur sa stratégie de « séparation » d’avec les Palestiniens.
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