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Eva Illouz : « Le populisme émotionnel menace la démocratie »

Basculement du monde (2/6). Invitée aux Controverses du « Monde en Avignon », la sociologue Eva Illouz montre comment le populisme autoritaire, dont Israël est le laboratoire, joue sur les affects, les angoisses et le ressentiment des populations déclassées.

Propos recueillis par Nicolas Truong

Publié le 25 juillet 2017 à 06h42, modifié le 25 juillet 2017 à 16h19

Temps de Lecture 10 min.

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Spécialisée dans la sociologie des émotions, Eva Illouz développe une œuvre remarquée sur la scène des idées dont témoignent Les Sentiments du capitalisme (Seuil, 2006), Pourquoi l’amour fait mal ? (Seuil, 2012) et Hard romance (Seuil, 2014), ouvrages dans lesquels elle étudie l’influence de la société de consommation sur les pratiques amoureuses. Intellectuelle engagée, elle signe également des tribunes et chroniques incisives sur la politique israélienne pour le quotidien Haaretz.

On observe, aujourd’hui, aux Etats-Unis comme dans le reste du monde, la montée d’un populisme émotionnel. Comment expliquer son succès ?

Dans son livre prémonitoire, Strangers in Their Own Land : Anger and Mourning on the American Right (The New Press, 2016), la sociologue Américaine Arlie Russell Hochschild s’insurge contre ceux qui ne cessent de s’étonner que les citoyens votent contre leurs propres intérêts. Le vote répond aussi a des besoins émotionnels, dit-elle.

Elle décrit ces Américains, républicains, majoritairement chrétiens, qui s’identifient avec les idées du Tea Party. Quelques mois avant l’élection de Donald Trump, elle est allée en Louisiane pour comprendre pourquoi les classes sociales les plus susceptibles d’être défavorisées par des politiques de droite votaient rouge [couleur politique des républicains].

Dans son ouvrage, elle développe l’idée que les électeurs organisent leur identité politique en fonction de symboles, de valeurs et d’appartenances imaginaires à un groupe, celui des « vrais Américains », ceux qui « ne coupent pas la file », comme les femmes ou les minorités ethniques qui sont vus comme jouissant de privilèges non mérités.

Ce sont ces derniers critères, plus que les politiques économiques dont ils peuvent parfois être victimes, qui motivent leur choix. Elle appelle cela des deep stories, des histoires avec des structures symboliques profondes, qui brassent une variété d’émotions : l’anxiété, l’espoir, la déception, la fierté… Si un leader ou un parti politique arrive à articuler les sentiments diffus des citoyens et à les intégrer à une trame cohérente, alors il sera écouté.

Quelles sont les raisons qui ont précipité ce basculement ?

Je crois que nous pouvons identifier quatre facteurs qui peuvent expliquer la situation aux Etats-Unis.

Le premier, c’est la régression économique. Dans les années 1950, les classes ouvrières étaient défendues par des syndicats et pouvaient espérer voir leur salaire et celui de leurs enfants augmenter, et donc concevoir une mobilité sociale avec pour socle la sécurité de l’emploi. Or, cette trajectoire s’est interrompue.

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