Attentats en Catalogne: Le véhicule-bélier, arme de destruction massive

Willy Le Devin (Libération)
Attentats en Catalogne: Le véhicule-bélier, arme de destruction massive
©AFP

Après Nice en 2016, le véhicule fonçant dans la foule est devenu le mode opératoire préféré des terroristes, comme à Berlin ou Londres. Un procédé simple et particulièrement meurtrier.

Berlin, Nice, Jérusalem, Montréal, Stockholm, Londres, et maintenant Barcelone. La liste des villes frappées par des attaques au véhicule-bélier s’allonge désespérément. Si le mode opératoire n’a rien de nouveau - des précédents existent dans les années 30 - et n’est pas l’apanage du terrorisme - les braqueurs utilisent parfois des véhicules pour enfoncer les vitres et les façades des banques -, la propagande jihadiste l’a fortement encouragé. Tant pour les dégâts importants qu’il engendre que pour la simplicité et le faible coût de l’opération.

L’attaque la plus meurtrière de ces dernières années reste celle perpétrée le 14 juillet 2016 sur la promenade des Anglais, à Nice. Au volant d’un camion de 19 tonnes, Mohamed Lahouaiej-Bouhlel, a tué 86 personnes et en a blessé un peu plus de 450. L’enquête judiciaire a montré que le choix du procédé ne devait rien au hasard. Dans l’ordinateur du terroriste, les policiers ont retrouvé un article de Nice-Matin faisant état d’une voiture projetée sur la terrasse d’un restaurant niçois. Un employé de l’agence de location du camion ayant servi à la tuerie a, en outre, affirmé que Lahouaiej-Bouhlel a demandé à plusieurs reprises si un modèle disposant d’un haillon élévateur était disponible. Le but étant bien évidemment de le déplier lors de l’attentat pour racler le sol, et faire un maximum de victimes.

Dès le 13 décembre 2010, le département américain de la Sécurité intérieure et le FBI prévenaient : «Des terroristes de l’étranger incitent à mener des attaques à la voiture-bélier. Ce type d’attaques pourrait cibler des bâtiments ou des endroits où un grand nombre de personnes se rassemblent - manifestations sportives, lieux de divertissement ou centres commerciaux - et permettre à des terroristes n’ayant pas accès à des explosifs ou des armes de mener des attentats aux Etats-Unis avec un minimum de formation ou d’expérience.» Ils voyaient juste.

Plots en béton

En 2014, Inspire, le magazine de propagande d’Al-Qaeda dans la péninsule Arabique (Aqpa) préconisait d’«utiliser un camion comme une tondeuse à gazon». L’Etat islamique (EI), qui livre à Al-Qaeda une concurrence farouche, diffusait concomitamment le même appel via son ancien porte-parole, le Syrien Abou Mohammed al-Adnani : «Si vous pouvez tuer un incroyant américain ou européen - en particulier les méchants et sales Français - ou un Australien ou un Canadien, ou tout[…] citoyen des pays qui sont entrés dans une coalition contre l’Etat islamique, alors comptez sur Allah et tuez-le de n’importe quelle manière. […] Frappez sa tête avec une pierre, égorgez-le avec un couteau, écrasez-le avec votre voiture, jetez-le d’un lieu en hauteur, étranglez-le ou empoisonnez-le.»

Depuis, les attaques en Europe occidentale font florès. Chaque rassemblement public met les services de police sur les dents, obligeant les autorités à encadrer les manifestations par des plots en béton ou des bornes remplies d’eau. Lorsque le matériel manque, ce sont carrément les véhicules de police qui sont garés en travers des voies d’accès. Mais la multiplicité des cibles rend le mode opératoire imparable. Et ce d’autant plus que la propagande jihadiste a tellement infusé que d’autres mouvances s’approprient désormais le procédé.

Samedi dernier, un sympathisant de l’alt-right américaine a foncé au volant d’une voiture de sport dans une foule de manifestants affiliés aux mouvements afro-américains et antifascistes, à Charlottesville (Virginie).

Prison

Lundi, c’est à Sept-Sorts, un village de Seine-et-Marne, qu’une BMW a heurté délibérément la terrasse d’une pizzeria. Bilan : une adolescente de 12 ans tuée, et 13 personnes blessées. Inévitablement, la France entière soupçonne une attaque terroriste. En réalité, les motivations de l’auteur, David Patterson, 32 ans, s’avèrent bien plus troubles. Confus, il a d’abord affirmé aux enquêteurs avoir tenté de «se suicider». Plus surprenant, il a déclaré ensuite vouloir entrer en prison «pour se sentir plus en sécurité». Jugé responsable pénalement, le conducteur de la BMW va subir de nouvelles expertises psychiatriques dans les jours qui viennent. Mais pour le professeur Samuel Lepastier, spécialiste des pathologies mentales, David Patterson s’est livré à une étonnante «imitation de gestes terroristes».

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