« Chaîne alimentaire ». L’expression est en anglais dans le texte. C’est ainsi que Yaïr Nétanyahou, fils du premier ministre israélien, a introduit un dessin satirique aux relents antisémites, publié vendredi 8 septembre sur sa page Facebook. On y voit, de gauche à droite, le philanthrope juif américain George Soros, qui tient la Terre au bout d’une canne à pêche, puis un grand lézard, un personnage symbolisant les Illuminati et enfin plusieurs figures publiques israéliennes : l’ancien premier ministre Ehud Barak, un avocat travailliste ou encore Meni Naftali.
Ce dernier, ancien concierge de la résidence officielle de M. Nétanyahou, est devenu un acteur central dans l’enquête sur les frais de bouche abusifs du premier ministre. Une enquête dans laquelle le procureur général, Avichai Mandelblit, a confirmé vendredi que Sara Nétanyahou, l’épouse du premier ministre, serait bientôt inculpée pour fraude après avoir utilisé de façon indue 84 000 euros d’argent public. Or, il ne s’agit que d’une affaire mineure, par rapport à plusieurs autres investigations en cours.
Quelques heures après cette annonce, Yaïr Nétanyahou publiait ce dessin, suggérant une vaste conspiration contre sa famille. Il a fallu attendre dimanche après-midi pour qu’il le retire, après une pluie de commentaires sur les réseaux sociaux. « Est-ce génétique, ou s’agit-il d’une maladie mentale soudaine ? », s’est indigné Ehud Barak. Samedi soir, Yaïr Nétanyahou précisait qu’il avait trouvé cette caricature sur une page anti-gauchiste. L’image satirique originale est en fait un dessin en vogue depuis des années sur des sites antisémites.
En tout cas, David Duke, ancien leader du Ku Klux Klan, a apprécié la suggestion qu’un milliardaire juif contrôlait le monde : il a retweeté un article de la presse israélienne consacré au scandale. Yaïr Nétanyahou n’a peut-être pas vu le mal qu’il y avait à mettre en cause George Soros. Son père n’avait déjà pas émis la moindre protestation ou réserve, en juillet, avant de se rendre en Hongrie pour rencontrer son homologue Viktor Orban, alors qu’une campagne d’affichage haineuse, aux accents antisémites, avait pris le philanthrope pour cible dans son pays d’origine.
Benyamin Nétanyahou est même très fier de son fils. Lorsque Donald Trump et son épouse, Melania, ont été accueillis fin mai à la résidence du premier ministre israélien, celui-ci a présenté Yaïr au président américain. « Je suis un grand fan », a déclaré le jeune homme, âgé de 25 ans, à l’attention de l’invité.
Le 30 juillet, le site satirique Sixty-One a publié un texte cinglant intitulé « Cinq choses que vous ne saviez pas sur l’héritier du trône ». Le texte mettait en cause la mise à disposition de la protection rapprochée du premier ministre pour les déplacements de son fils, son goût du luxe, son influence auprès de son père dans des affaires sensibles ou encore sa défense passée du boycottage de produits arabes. Furieux, Yaïr Nétanyahou avait répondu, déjà sur Facebook, en accusant Sixty-One d’être une « organisation radicale, antisioniste », qui aurait en plus le tort d’être financée « par l’Union européenne » – une marque d’infamie pour la droite dure israélienne.
A la mi-août, après les violences à Charlottesville lors d’une marche de l’extrême droite américaine, le jeune homme avait publié un message sur Facebook pour se dire davantage inquiet à propos de l’extrême gauche que des néonazis, qui représenteraient « une race en extinction ». « En revanche, ajoutait-il, les voyous d’Antifa [antifascistes] et de [Black Lives Matter] qui haïssent mon pays (et les Etats-Unis aussi, de mon point de vue) tout autant, sont de plus en plus forts et deviennent super-dominants dans les universités américaines et la vie publique. »
Début septembre, Yaïr Nétanyahou a décidé de porter plainte contre Abie Binyamin, l’un des organisateurs d’un rassemblement hebdomadaire devant le domicile du procureur général, à Petah Tikva. Les participants réclament l’aboutissement des nombreuses enquêtes mettant en cause le premier ministre. Son fils a pris pour cible M. Binyamin en raison d’un post publié un an plus tôt, dans lequel l’activiste affirmait, sans preuve, que Yaïr Nétanyahou avait reçu un faux passeport du Mossad, les services secrets israéliens, pour pouvoir ouvrir des comptes cachés à l’étranger.
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