De prime abord, la Mitsva de se saisir des quatre espèces mérite d’être expliquée. D’un côté, la Halakha, la loi juive stipule qu’une fois qu’on a soulevé les espèces (dans le but d’accomplir la Mitsva), on est quitte de son obligation (Soucca 42a).

D’un autre côté, après avoir soulevé les espèces, il faut les balancer, ainsi que plus tard pendant le Hallel (Ora’h ‘Haïm 651,8). Quel est le rôle de balancer les espèces ? Et pourquoi les agiter particulièrement pendant la récitation du Hallel ?

Le Talmud (Soucca 37b) évoque le symbolisme d’agiter les espèces. Rabbi Yo’hanan explique : « On agite (les espèces) devant et derrière pour D.ieu auquel appartiennent les quatre vents ; on les soulève vers le haut et vers le bas pour D.ieu à qui appartiennent le Ciel et la terre. » D’autres citent Rabbi ‘Hama bar Oukva au nom de Rabbi Yossé bar Rabbi ‘Hanina : « On les apporte devant et derrière pour éviter les vents mauvais ; on les soulève en haut et en bas (en supplication) pour éviter les mauvaises précipitations. » (voir Rachi ibid.)

Le Talmud aborde certes le message véhiculé par le geste d’agiter les espèces, mais n’indique pas la relation entre le Hallel et les espèces. De surcroît, il faut noter que balancer les espèces ne relève pas du simple rite symbolique. Le balancement fait partie intégrante de la Mitsva de saisir les espèces, au point que si l’on a omis de réciter la Brakha avant de prendre les espèces, on pourra la réciter avant de les balancer (Michna Broura 651:26), car le processus du balancement est une extension de la Mitsva de se saisir des espèces. Pourquoi le fait d’agiter les espèces est-il si important du point de vue halakhique ? Je répète la question : pourquoi pendant le Hallel ?

La fête de Souccot donne au Juif l’occasion d’entrer dans le sanctuaire sacré de la Kédoucha (la Soucca représente le Beth Hamikdach) après s’être purifié sur le plan spirituel à Yom Kippour. A Souccot, nous avons le privilège de passer une semaine sous les ailes de la Chékhina (présence Divine), répliquant l’expérience de nos ancêtres dans le désert. C’est pourquoi, de nombreuses communautés qui ne récitent généralement pas de prières kabbalistiques le font à Souccot, car, à Souccot, nous sommes tous des « initiés » reposant dans le sanctuaire d’Hachem, et sommes davantage dans le secret des sphères internes de la spiritualité.

C’est là où le rôle des quatre espèces entre en jeu. Les espèces sont tous des éléments inanimés. Elles n’ont pas, de manière inhérente, de valeur spirituelle. Néanmoins, à Souccot, le thème de vivre sous la Hachga’ha (Providence Divine) s’applique intégralement. Non seulement entrons-nous sous le voile protecteur de la Soucca, mais nous proclamons également que l’univers entier - même les éléments apparemment stoïques et inanimés de la nature - est précisément manipulé par D.ieu à Ses fins. Dans le désert, la nature a été employée par Hachem de manière stupéfiante pour réaliser le but qu’Il a assigné à Son peuple. Nous célébrons la protection miraculeuse offerte par D.ieu à la nation juive à Souccot, dans laquelle les objets et forces de la nature sont spécifiquement destinés à nous protéger. De même, tous les événements quotidiens de notre monde apparemment banal font partie du plan divin de l’univers et sont un témoignage de Sa Hachga’ha. Cette reconnaissance extérieure de la Providence Divine s’exprime à Souccot par les quatre espèces.

En conséquence, les quatre espèces sont balancées pendant le Hallel lorsque nous remercions Hachem de Sa bonté (les versets de Hodou…) et lorsque nous L’implorons (Ana Hachem…) tout en attestant de la Hachga’ha considérable de D.ieu, symbolisée par Souccot, de sorte que l’ordre naturel dans sa totalité est manipulé par Hachem à Ses fins et constitue donc un témoignage de louange. Le fait de balancer les espèces est essentiel à la Mitsva de s’en saisir, car le balancement symbolise les thèmes exprimés par Rabbi Yo’hanan ou Rabbi Yossi bar ‘Hanina : ce sont des manifestations de la Providence universelle de D.ieu, qui représente le message ultime de Souccot, et en conséquence - par définition - font partie intégrante de ses Mitsvot.

A la lumière du concept des quatre espèces représentant la Hachga’ha extérieure de D.ieu, dans lequel la nature et l’univers sont subordonnés pour accomplir le plan divin, nous pouvons comprendre le symbolisme midrachique des espèces. Nos Sages expliquent que les espèces reflètent les différents types de Juifs, qui doivent tous s’unir pour faire la volonté de D.ieu. Le thème sous-jacent des deux séries de symboles est que les espèces expriment la réalisation de la mission de D.ieu ; nous prenons alors conscience que la nature est employée en tant que partie du système et de la Providence divine.

Ce principe apporte aussi un éclairage sur la pratique kabbalistique de se saisir des espèces chaque matin dans la Soucca, bien qu’il soit peut-être préférable, sur le plan de la Halakha, de s’en saisir juste avant le Hallel. En se saisissant des espèces dans la Soucca, on fusionne la Hachga’ha interne de la Soucca, qui consiste à permettre à l’homme d’entrer et de résider à l’ombre du Divin, avec la Hachga’ha extérieure de D.ieu dans l’univers comme un tout, où la main de D.ieu est immanente, œuvrant par le biais de la nature et les formes dénuées de vie pour accomplir la mission divine.

Puissions-nous rapidement mériter d’entrer dans la Soucca permanente de Jérusalem et vivre la Providence divine à tous les niveaux.