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« Coexister » : Fabrice Eboué passe les préjugés racistes à sa moulinette

Le réalisateur et acteur réunit un rabbin, un imam et un curé dans une sitcom musicale.

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Publié le 11 octobre 2017 à 07h48, modifié le 11 octobre 2017 à 15h56

Temps de Lecture 4 min.

Jonathan Cohen, Guillaume de Tonquédec et Ramzy Bedia dans le film français de Fabrice Eboué, « Coexister ».

L’avis du « Monde » – pourquoi pas

Il en va de ce film comme d’une de ces vieilles blagues qui ont la peau dure, du genre : « C’est l’histoire d’un prêtre, d’un imam et d’un rabbin. » Vous imaginez la suite ? Le film lui ressemble. Drôle par moments, faisant son miel des préventions et des fantasmes les plus crasses, passant à la moulinette un sujet – l’intolérance des religions – dont Fabrice Eboué, son réalisateur, semble ne pas soupçonner qu’il faille un tant soit peu le prendre au sérieux, pour mieux en rire justement.

Lire l’entretien avec Fabrice Eboué : « J’aime le rire quand il suscite le débat »

Le sujet lui est venu de l’aventure des Prêtres, ce groupe musical d’ecclésiastiques créé en 2010, dont les albums de reprises, conçus à des fins caritatives, étaient montés très haut dans les ventes, de sorte qu’à la faveur de ce succès l’un d’eux avait rompu ses vœux. Soutenu par la maison EuropaCorp (de Luc Besson), ­Fabrice Eboué a décidé de pimenter l’affaire, en imaginant, à la place des trois hommes d’Eglise, un curé, un rabbin et un imam.

Rien d’étonnant s’agissant d’un comique qui aime à confronter un humour musclé à des sujets délicats, comme l’ont montré ses deux précédents longs-métrages, Case départ (2010), autour de l’esclavage, et Le Crocodile du Botswanga (2014), sur la corruption des politiques africains.

Un fil narratif ténu sert à lier la longue sitcom musicale qu’est Coexister. Producteur aux abois dont la société est devenue le rouage d’un grand groupe industriel qui lui met le couteau sous la gorge, le personnage interprété par Fabrice Eboué a donc l’idée de réunir un curé (Guillaume de Tonquédec), un rabbin (Jonathan Cohen) et un imam (Ramzy ­Bedia) pour, accessoirement, célébrer la concorde entre les trois grands monothéismes et, plus essentiellement, ramasser le pactole.

Férocité laïcarde

En cela, le film et son sujet ne diffèrent sans doute pas fondamentalement, la seconde partie du programme étant conditionnée par l’échec de la première, chaque représentant d’un culte entretenant à l’égard du voisin un cloaque de préjugés qui ne demande qu’à entrer en ébullition.

Il est toutefois intéressant de noter que le scénario, qui n’y va pas avec le dos de la cuillère, ne traite pas les hommes de Dieu sur un même pied, manœuvrant selon toute vraisemblance en fonction de la ­sensibilité supposée de chaque religion. Si le curé est ainsi un ­véritable curé, sensible aux charmes de l’assistante nymphomane du producteur (Audrey Lamy), le rabbin est en revanche en vacance de son office, déprimé par une circoncision qui a dérapé, tandis qu’aucun imam ne s’étant trouvé pour la concorde enchantée, il ressort que l’imam est un faux, mais vrai mangeur de saucisson qui se fiche du Coran comme de la dernière pluie.

Il ressort de ce film, qui cultive avec bonheur tant le pastiche musical que l’humour sacrilège, un bilan mitigé

Il ressort de tout cela un bilan mitigé. Car il y du bon dans ce film, qui cultive avec un certain bonheur tant le pastiche musical que l’humour sacrilège. Ici, la mise en scène des clips musicaux, entre gangsta rap débile et niaiserie œcuménique. Là, le courage qu’il faut, en une période devenue beaucoup moins tolérante en la matière, pour distribuer tous azimuts, avec une férocité laïcarde ­intacte, les ­sarcasmes antireligieux. Mais il y aussi du moins bon. Le côté donneur de leçons à bon compte du producteur (devant la caméra) et réalisateur (derrière la caméra) qu’est Fabrice Eboué. L’étiage des personnages qui se résument aux stéréotypes qui les commandent. Le côté « festival de blagues » d’un film qui reste, pour cette raison, au seuil d’un enjeu proprement cinématographique.

Enfin, et plus essentiellement, l’usage équivoque du préjugé raciste, censément mis à distance comme mauvais objet et en même temps utilisé comme ressort comique aux dépens de celui qui en est victime. On retrouve ici l’esprit des premiers sketchs d’Elie et Dieudonné ou, plus proche de nous, la manière de Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu ?, de Philippe de Chauveron. Nonobstant leur succès, il n’est pas assuré que ce type de rire nous permette de déconstruire le phénomène, moins encore qu’il nous aide à sortir de la mélasse.

Film français de Fabrice Eboué. Avec Fabrice Eboué, Ramzy Bedia, Jonathan Cohen, Guillaume de Tonquédec, Audrey Lamy (1 h 30). Sur le Web : www.europacorp.com/fr/films_1/coexister_1 et fr-fr.facebook.com/coexister.lefilm

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